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& nous ne voyons pas que nous l'employons en tant d'autres chofes plus vaines que le fupport du prochain, & poffible moins férieufes que celles dont il nous entretient, & que nous appellons une perte de

tems.

Quand on eft en converfation avec le prochain, il faut s'y plaire, & témoigner que l'on s'y plaît; & quand on eft feul, il fe faut plaire en la folitude; mais le mal eft que l'inégalité de nos efprits eft telle, que nous regardons toujours derriere nous, & qu'en compagnie nous foupirons après la folitude; & dans la folitude, au lieu de jouir de fa douceur, nous défirons la conversation.

Il faut avoir l'efprit plus jufte & plus raisonnable, & au tems destiné à la récréation, aimer la récréa tion; & pareillement aimer la lecture, l'oraifon, le travail aux heures qui y font destinées, & le filence lorfqu'il eft ordonné par la regle & l'obéiffance; Pfal. 33. 2.ainfi nous pouvons dire avec le Prophete : je bénirai le Seigneur en tout tems, & fa louange fera toujours dans ma bouche ; car c'eft bénir & louer le Seigneur en tout tems, que de rapporter à fa gloire toutes nos actions bonnes, indifférentes, & la fuite des mauvaises.

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CHAPITRE XIX.

Des Tentations.

E n'eft pas après les domestiques d'une maison que les chiens aboyent; mais après les étran gers. Le Diable ne se met point en peine de folliciter à la tentation ceux qui la cherchent eux-mêmes, & qui font à lui.

Quand il preffe & tourmente un cœur, c'eft figne

qu'il lui eft étranger ; & plus il redouble la tentation, plus c'est une marque de fignalée vertu, car il ne fait de puiffantes attaques qu'aux places les plus fortes, & qui lui font davantage de réfiftance.

Si nous fçavions faire un bon ufage des tentations, difoit notre Bienheureux, au lieu de les redouter, nous les provoquerions, à peine que je ne dife, nous les fouhaiterions; mais, parce que notre foibleffe & notre lâcheté ne nous eft que trop connue par tant d'experiences & de triftes chûtes, nous avons bien raifon de dire; ne nous induifez pas en Matt. 6. 13,

tentation.

pour

Encore fi à cette juste défiance de nous-mêmes, nous joignions la confiance en Dieu, plus fort nous délivrer de la tentation, que nous ne fommes foibles pour nous y perdre; nous releverions nos efpérances fur la diminution de nos craintes. Nous dirions avec le Prophete ; c'est par vous que nous Pfal. 17. 30% ferons délivrés de la tentation, & ce fera par votre fecours, ô mon Dieu, que nous furmonterons tous les obftacles, qui comme un mur & une fortereffe s'opposent à notre falut. Avec un tel second, ne pouvons-nous pas hardiment marcher fur l'afpic & Pfal. 90, 138 le bafilic, & fouler aux pieds le lion & le dragon.

Comme c'est aux grandes tentations que nous connoiffons la grandeur de notre courage & celle de notre fidelité envers Dieu, c'est auffi en ces occafions que nous faifons progrès en la vertu, & que nous apprenons à manier les armes de notre mi- 2. Cor. 10. 4 lice, qui font fpirituelles, contre les malices de nos ennemis qui font invifibles. C'eft alors que notre ame toute couverte de la grace leur paroît auffi terrible qu'une armée rangée en bataille.

Il y en a qui penfent que tout eft perdu quand ils font affligés par des penfées de blafpheme & d'im

Cant. 6. 4.

piété, & s'imaginent qu'ils n'ont plus de foi. Ce pendant, tant que ces penfées leur déplaifent, elles ne peuvent leur nuire, & ces vents impétueux ne fervent qu'à leur faire jetter de plus profondes raci nes en la foi. Le même fe doit dire des tentations contre la pureté, & des autres.

CHAPITRE XX.

De la célébration de la fainte Meffe tous les jours.

UN

N jeune Prêtre, déja Pafteur, fe contentoit de dire la Meffe les Dimanches & les Fêtes: comme notre Bienheureux l'aimoit beaucoup, il s'avifa de cet expédient pour l'engager à célebrer tous les jours. Il lui fit préfent d'une boëte couverte de fatin rouge, tout en broderie d'or & d'argent enrichie de quelques perles ; & avant que de la lui mettre entre les mains, il lui dit ; j'ai une grace vous demander, que je m'affure que vous ne me refuferez pas, puifqu'elle ne regarde que la gloire de Dieu, dont je fçai que vous êtes épris.

L'autre lui dit, commandez.

O non, repart le Saint, ce n'eft pas en commandant, mais en demandant que je parle, encore en demandant au nom & pour l'amour de Dieu.

Le filence de ce jeune Pasteur témoignant mieux fa difpofition que les paroles, le Bienheureux lui ouvrant la boëtte, la lui montra toute pleine d'Hofties à confacrer, & lui dit, vous êtes Prêtre, Dieu vous a appellé à cette vocation, & de plus au Paftorat: feroit-ce une belle chofe qu'un Artifan, un Magiftrat ou un Médecin, ne voulût travailler de

la

fa profeffion qu'un jour ou deux la femaine. Vous avez un caractere qui vous donne le pouvoir de dire la fainte Meffe tous les jours, pourquoi n'en pas ufer ?

Vous n'avez, Dieu merci, rien qui vous en empêche. Je connois votre ame, autant qu'une ame peut être connue. Je vois au contraire que tout vous y convie. Je vous fais donc ce préfent, & vous fupplie de n'oublier pas au faint Autel celui qui vous fait cette priere de la part de Dieu.

L'autre fe trouva un peu furpris, & fans résister à des paroles fi engageantes, fe contenta de foumettre au jugement du faint Prélat fes indignités interieures, la jeuneffe, fes immortifications, la crainte d'abufer d'un fi grand Myftere, ne correspondant pas à la vie néceffaire pour un fi fréquent ufage.

Toutes ces excufes, reprit le Bienheureux, font autant d'accufations, fi je les voulois examiner. Mais fans entrer en difcuffion, fuffit que vous vous en êtes rapporté à mon jugement: je vous dis donc, & en cela je penfe avoir l'efprit de Dieu; que toutes les rai- . Cor. 7. 40. fons que vous apportez pour vous difpenfer d'un fi fréquent exercice, font celles qui vous y obligent.

Ĉe fera ce faint & fréquent ufage qui mûrira votre jeunesse, moderera vos immortifications, affoiblira vos tentations, fortifiera vos foiblesses, éclairera vos voies; & à force de le pratiquer, vous apprendrez à le pratiquer avec plus de perfection.

Au refte, quand votre indignité vous en retireroit par humilité, ce qui eft arrivé autrefois à S. Bonaventure ; & quand cet ufage vous apporteroit moins d'utilité à caufe de votre indifpofition, confiderez que vous êtes perfonne publique, que vos ouailles & votre Eglife en ont befoin, les Trépaffés néceffités, & plus que tout cela, c'eft qu'aux jours que

F

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vous vous en abftenez, vous privez la gloire de Dieu de fon augmentation, les Anges de ce plaifir, & les Bienheureux d'une particuliere confolation.

Cet Eccléfiaftique s'abbattit fous ce confeil, & dit fiat fiat, & depuis trente années n'y a pas manqué fans caufe légitime.

CHAPITRE XXI.

Grande circonspection avec les femmes quand on leur parle, ou quand on leur écrit.

U

N Prélat ne vouloit point permettre aux femmes, de quelque qualité qu'elles fuffent, l'entrée de fa maifon, fe fondant fur l'exemple & le confeil de S. Auguftin; c'eft pourquoi il avoit fait faire une efpece de parloir avec des barreaux dans une Chapelle où il leur parloit.

Le Bienheureux qui aimoit ce Prélat, fans blâmer cette severité, fe contentoit d'en rire gracieufement, & de dire que ce Prélat n'étoit Pasteur qu'à moitié, puifqu'il fe féparoit ainfi de la moitié de fon troupeau.

Le Bienheureux, fur les plaintes qu'il en reçut, promit de lui en parler.

Le Prélat pour le défendre, représenta fon âge qui étoit encore jeune, fon appréhenfion de paffer par les langues, la crainte de tomber en ces converTations, les confeils des anciens Peres fur ce fujet, le bon exemple que cela donnoit aux autres Eccléfiaftiques, & quantité de semblables motifs.

Notre Bienheureux loüa fon zele & fa précaution, mais lui dit que fans pratiquer cette féverité exterieure, il y avoit un moyen plus aifé, plus afsu

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