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rẻ, moins incommode, & moins fujet à être cenfuré & controllé.

Ne parlez jamais, dit-il, à des femmes qu'en préfence de plufieurs, & donnez charge expreffe à vos domestiques de ne vous perdre jamais de vûë, quand quelqu'une voudra conferer avec vous. Je ne dis pas qu'il foit toujours néceffaire qu'ils entendent ce que vous leur direz; car il n'eft pas quelquefois expédient, & ce font fouvent chofes qui regardent la confcience, mais au moins que leurs yeux veillent fur vous & foient témoins de vos départemens.

Que fi vous donnez la permiffion à celui de vos Chapelains, à qui vous commettez le dépôt de votre interieur, de vous donner des avertiffemens touchant vos gestes ou vos actions, croyez que tout cela vaudra mieux que toutes les grilles du monde, fuf-. fent-elles de fer & toutes heriffées de pointes.

Or l'avis qu'il donnoit, eft celui même qu'il pratiquoit; car, quoique fa maifon fût ouverte à tout le monde, il ne parloit jamais à des femmes, en quelque lieu qu'il fût, qu'il n'eût des furveillans qui le confidéraffent attentivement.

Il lui donna un autre avis touchant lès lettres.

N'écrivez jamais à des femmes, lui dit-il, qu'en leur répondant, à moins qu'il n'y ait une pressante néceffité; jamais de votre propre mouvement, à moins que ce ne foit à des perfonnes hors de tout foupçon, comme une mere, une fœur, une femme fort âgée, encore rarement & brievement.

Quand on écrit à une femme, il faudroit, s'il fe pouvoit, plûtôt écrire avec la pointe du canif qu'a vec le bec de la plume, pour ne rien dire de fuperflu.

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I

CHAPITRE XXII.

De ceux qui s'humilioient devant lui.

L prenoit fouvent au mot celui ou celle qui difoit des paroles d'humilité en fa présence, & même y ajoutoit, afin de procurer une falutaire confufion à la perfonne qui les proféroit, & l'avertir de ne s'y expofer plus, étant certain que la plûpart de ceux qui les avancent, feroient bien fâchés que l'on les crût tels qu'ils difent. En voici deux exemples remarquables.

Etant nouvellement Evêque, il desiroit de moi des chofes qui me fembloient de trop haute perfec

tion.

Mais mon Pere, lui dis-je une fois, vous ne penfez pas que je fors tout fraîchement du monde, que je me trouve maître avant que d'avoir été difciple. Vous me parlez comme à un homme fort avancé dans la piété & capable de l'enfeigner aux autres, & à peine fuis-je à la porte.

Il est vrai, me dit-il, & je crois plus que vous, & poffible vois-je auffi bien que vous tout ce que vous dites; je vous regarde comme un homme fauvé du débris, & fortant d'un incendie dont vous fentez encore la fumée ; mais après tout vous voilà Evêque, il faut avoir des fentimens de pere, il faut rehauffer votre courage vers la perfection ; & il ne Prov. 5.15. faut pas vous contenter de boire de l'eau de votre citerne, il faut en faire part aux autres. Dieu, la raifon, votre charge requierent cela de vous. Il n'eft pas queftion de regarder en arriere, fi vous ne vouGen. 19. 16. lez devenir une ftatuë. O Paftor, & idolum. Si vous

€ 16.

vous confiez en vous-même, vous ne ferez jamais Zach. 11. 17. rien; mais fi vous vous confiez en Dieu, que ne ferez-vous pas ? vous ferez tout. Il fe plaît à élever fa puiffance fur notre infirmité, fa force fur notre foi- 1. Cor. 1.27. bleffe, & à confondre ce qui eft par ce qui n'est La défiance de foi-même eft fort bonne, pourvû qu'elle foit suivie de la confiance en Dieu; & plus nous avançons en celle-ci, plus nous profitons en celle-là. L'humilité découragée eft une fauffe humilité.

pas.

L'autre exemple eft au fujet d'une fœur, laquelle ayant été éluë Superieure, fe défendit de l'accepter en relevant bien haut fon indignité,

1

Surquoi notre Bienheureux prit la parole, & enchériffant fur ce qu'elle avoit allegué, lui dit, qu'à la verité entre fille & feuille il n'y avoit pas grande différence; que toutes les fœurs n'ignoroient pas fon infuffifance, la petiteffe de fon efprit, la foibleffe de fon jugement, fa groffiereté en matiere de conduite, Les imperfections toutes manifeftes, fon mauvais exemple, & que poffible Dieu avoit permis fon élection pour la corriger de tous fes défauts, au moins afin qu'elle tâchât de les cacher, fe voyant en spectacle à Dieu, aux Anges & aux hommes, prenant gar- 1. Cor. 4 9. de à fes pas en marchant en un lieu élevé. Qu'elle fe perfuadât que ce n'étoit pas à elle que l'on confioit cette Communauté, mais à Dieu, qui choifit les fol

les

pour confondre & conduire les fages, lui qui a voulu nous fauver par la folie de la Croix. Qu'elle 1. Cor. 1. 11. prit garde qu'un roseau du defert en la main de Jefus-Chrift devenoit une colonne du Temple, qu'elle fe tînt bien ferrée à cette main fecourable, qui ne manque jamais à ceux qui implorent fon appui.

rofitez de ces deux exemples, & apprenez à fuir les paroles de vanité qui emprunte le masque de

l'humilité, & fe couvre d'un voile de fubtilité.

CHAPITRE XXIII.

De la meilleure difpofition pour bien mourir.

Ci

OMME je lui demandois quelle étoit la meilleure difpofition pour bien mourir : il me répondit froidement, la charité.

Je lui dis que je fçavois bien que celui qui n'est 1. Joan. 3. pas dans la charité eft dans la mort, &

14.

& que mourir au Seigneur étoit mourir, finon en l'acte, au moins en l'habitude de la charité, laquelle embraffe toutes les autres vertus, & les introduit avec elle dans l'ame où elle fait fon entrée ; mais que je defirois fçavoir, la charité fuppofée, quelles vertus vives & animées de la charité étoient les plus convenables pour ce moment.

Il me dit, l'humilité & la confiance ; & pour s'expliquer à fa façon gracieuse, il ajouta : le lit d'une bonne mort doit avoir pour matelas la charité ; mais il eft bon d'avoir la tête appuyée fur les deux oreillers de l'humilité & de la confiance, & d'expirer avec une humble confiance en la miféricorde de Dieu.

Le premier de ces oreillers, qui eft l'humilité, nous fait reconnoître notre mifere, & nous fait trembler de frayeur, mais d'une frayeur amoureuse, (car je la fuppofe animée de la charité,) qui nous fait concevoir & enfanter l'efprit du falut: humilité courageufe & généreuse, qui en nous abbattant nous releve en Dieu & nous fait appuyer fur lui feul.

De ce premier oreiller on paffe aifément à l'autre, qui eft celui de la confiance en Dieu. Or, quelle eft cette confiance, finon une efperance fortifiée par

la confidération de la bonté infinie de notre Pere celefte, plus defireux de notre bien que nous-mêmes. O Dieu, j'ai efperé en vous, je ne ferai jamais P. 30. 1. confondu. Ceux qui efperent au Seigneur change- Ifa. 40. 32. ront de force, & ils prendront les aîles de l'Aigle, & feront un effor qui ne s'abbattra point.

CHAPITRE XXIV.

De la Politique.

E féréniffime Charles - Emanuel, Duc de Sa

tems, d'un efprit rare, & très-habile dans la Politique.

Je difois un jour à notre Bienheureux que ce Prince, dans les Etats duquel il étoit né, &où il vivoit, me fembloit faire une faute fignalée de ne l'employer pas dans fes affaires, vû qu'il ne lui en commettroit aucune, fur-tout en France, qui ne réüssît selon son defir; car, lui difois-je, outre votre prudence qui n'eft inconnuë qu'à vous & votre dexterité, douceur & patience dans les négociations, la réputation de votre probité & de votre piété eft dans une approbation fi univerfelle, qu'avant que vous euffiez ouvert la bouche, l'on vous accorderoit tout ce que vous demanderiez. Il faudroit, ajoutoisje, qu'une affaire fût bien défefperée fi elle ne réüffilloit pas entre vos mains: je penfe même que vous viendriez à bout de l'impoffible.

Certes, me dit-il, vous en dites trop, & votre rhétorique eft dans l'excès. Vous vous imaginez que je fois dans l'eftime des autres, comme dans la vôtre, qui ne me regardez qu'au travers de certaines

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