ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

A

CHAPITRE XXVII.

Du petit nombre des Auditeurs.

YEZ grande joie, difoit-il, quand en montant en chaire vous appercevrez peu de gens, & que votre auditoire fera comme à claire-voye. Mais, difois-je, il n'en coûte pas plus d'en enfeigner beaucoup que d'en enfeigner peu.

C'eft, répondit-il, une experience de trente ans en cet exercice qui me fait parler ainfi ; & j'ai toujours vû de plus grands effets pour le service de Dieu dans les prédications que j'ai faites en de petites affemblées, qu'en de grandes.

Lorfque j'étois Prevôt, je fus envoyé par mon Prédéceffeur Evêque, avec d'autres Eccléfiaftiques pour prêcher.

Un Dimanche qu'il fit un fort mauvais tems, il ne fe trouva que fept perfonnes dans l'Eglife; ce qui fit que quelqu'un me dit, que ce n'étoit pas la peine de prêcher.

Je répondis que ni le grand auditoire ne m'encourageoit, ni n'étois découragé du petit ; que, pourvû que quelqu'un fût édifié, c'étoit affez.

Je montai donc en chaire, & je me fouviens que mon fermon étoit fur la priere des Saints, je traitois ce fujet fort fimplement. Je ne difois rien de patétique ni de véhément ; cependant un de l'auditoire commença à pleurer fort amerement, & même à fanglotter & foupirer fort haut. Je crus qu'il fe trouvoit mal, je l'invitai à ne fe contraindre pas, & lui dis que nous étions prêts de ceffer de parler, & de le fervir s'il en avoit befoin.

Il répondit qu'il fe trouvoit bien de corps, & que je continuaffe à parler, parce que je le panfois où il falloit.

Le fermon, qui fut fort court, étant achevé, il se vint fe jetter à mes pieds, criant tout haut M. le Prevôt, M. le Prevôt, vous m'avez donné la vie, vous avez fauvé mon ame aujourd'hui: ô que bénite foit l'heure en laquelle je fuis venu, & en laquelle je vous ai oui ; cette heure me vaudra une éternité. Et de fuite il raconta, qu'ayant conferé avec quelques Miniftres fur la prière des Saints, qui là lui avoient représentée comme une horrible idolâtrie, il avoit pris jour au Jeudi fuivant pour abjurer la Religion Catholique; mais qu'il avoit été fi bien inftruit par la prédication qu'il venoit d'entendre, & relevé de tous fes doutes, qu'il déteftoit de bon cœur la promeffe qu'il leur avoit faite, & proteftoit une nouvelle obéiffance à l'Eglife Romaine.

Je ne fçaurois vous dire l'impreffion que ce grand exemple, arrivé parmi fi peu de perfonnes, fit dans tout le pays, & combien il nous rendit de cœurs dociles & fufceptibles de la parole de vie.

Je pourrois vous en rapporter d'autres semblables, & encore plus remarquables, qui m'ont donné une fi tendre affection pour les petites affemblées, que je ne fuis jamais fi content, que quand en mo tant en chaire je vois peu de gens devant moi.

TROISIE'ME

365

TROISIEME PARTIE.

C

CHAPITRE PREMIER.

But de la Prédication.

'E'TOIT fon fentiment, qu'il ne fuffifoit pas le Prédicateur eût une intention générale que d'enseigner la voie de Dieu, mais qu'il visât à quelque deffein particulier; par exemple, la connoiffance de quelque Myftere, l'éclairciffement de quelque point de la foi, la destruction de quelque vice, ou l'établiffement de quelque vertu.

Vous ne fçauriez croire, difoit-il, combien cet avis eft important, & combien de fermons bien travaillés & étudiés font inutiles, faute de cela.

Si vous fuivez cette maxime, vous rendrez vos prédications très-fructueufes, autrement vous pourrez vous faire admirer fans faire aucun fruit.

Quand on lui difoit que quelque Prédicateur faifoit extrêmement bien.

Il demandoit : en quelles vertus excelle-t-il ? en humilité, en mortification, en douceur, en courage, en dévotion, & femblables?

Quand on lui difoit, que l'on entendoit qu'il préchoit bien.

y en

Cela, , répondoit-il, c'eft dire, & non pas faire. L'un eft bien plus aifé que l'autre. Combien a-t-il qui difent, & ne font pas ; & qui démo. liffent par leur mauvais exemple, ce qu'ils édifient avec leur langue ? Cet homme-là n'eft-il pas G

Eccli. 31. 8.

monftrueux, qui a la langue plus longue que le bras.

On difoit une fois de quelqu'un qui avoit ravi tout le monde : Il a fait aujourd'hui des merveilles. C'est celui-là, dit-il, qui a été trouvé fans tache, qui n'a point couru après l'or, ni esperé aux trésors de ce monde.

On lui dit une autre fois que ce Prédicateur s'étoit furmonté lui-même.

Quel renoncement interieur a-t-il fait, dit-il, quelle injure a-t-il foufferte? c'eft en telles occafions qu'on fe furmonte foi-même.

Voulez-vous fçavoir, ajouta-t-il, à quoi je reconnois l'excellence & le prix d'un Prédicateur: c'est quand ceux qui fortent de la prédication difent en frappant leur poitrine, je ferai bien; non-pas quand ils difent, ô qu'il a bien fait ! ô qu'il a dit de belles choses! oui, car dire de belles chofes & avec éloquence, c'eft faire paroître la fcience ou l'éloquence d'un homme: mais quand les pécheurs fe convertiffent & fe retirent de leurs mauvaises voies, c'est figne que Dieu parle par la bouche de ce Prédica Sap. 1. 7. teur, qu'il a la vraie fcience de la voix & celle des Saints. Le vrai fruit de la prédication eft, , que Dan. 9. 24. péché foit aboli & que la juftice regne fur la terre. C'est pour cela que Dieu envoye les Prédicateurs, comme Jesus-Chrift fes Apôtres, afin qu'ils faffent

10. 10.

Joan. 15. 16. du fruit, & que ce fruit demeure.

CHAPITRE II.

Du danger des Dignités.

le

N dit un jour en présence de notre Bienheud'un Prélat qui tenoit un haut rang en l'Eglife, qu'il tendoit au Cardinalat à pleines voi

reux,

les, & que fon abfence caufoit quelque défordre en fon Diocèfe.

Plût à Dieu, dit le Bienheureux, qu'il fût déja Cardinal.

Je lui demandai pourquoi ?

Il penferoit, dit-il, à quelque chofe de meilleur. Comment, lui dis-je, à être Pape, & qui l'abfoudroit de ce péché ?

Ce n'eft pas cela que j'entens ; mais à la conduite des ames, qui eft l'art des arts, & en l'exercice duquel on peut rendre plus de fervice à Notre-Sei

gneur.

Et cette dignité, repris-je, ne l'empêchera pas d'y vacquer.

Non-pas, repliqua-t-il, puifque faint Charles en nos jours y a fi dignement réüffi; mais je veux dire que n'ayant plus la pourfuite de cet honneur dans la tête, il reviendroit à fon cœur, & penseroit à fes obligations Pastorales qui font de droit divin, & y vacqueroit avec une attention fans distraction, ce qui feroit d'une grande édification pour l'Eglife.

Loríque ce Prélat attendoit le moins cet honneur qu'il avoit fi long-tems pourfuivi, ce fut alors qu'il y arriva comme inopinément, la Providence Divine jouant fon reffort, lorfque la prudence humaine fuc dévorée, & au bout de toutes fes industries.

Quand il y fut parvenu, c'eft merveille combien il eftima peu ce qu'il avoit tant eftimé, & combien il faifoit état de la dignité Paftorale qu'il fembloit avoir méprifée. Il étoit fur le point de se retirer en fa réfidence, où il fe promettoit d'appliquer tous fes foins & d'y faire des merveilles, ayant de grands talens; mais Dieu fe contenta de fa bonne volonté, l'appellant de ce monde, après qu'il eut joui fix mois avec peu de fatisfaction de ce qu'il avoit recherché

« ÀÌÀü°è¼Ó »