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» forte au milieu de ces rochers, & de ces » bois folitaires? J'en convient, répondit » le chevalier en foupirant; mais ignores-tu » qu'elle a pris la fuite avec fon cher Therfandre, & que le lieu de leur retraite est » inconnu? Penfes-tu qu'après m'être inuti»lement précipité dans le fleuve, je n'aurois

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point recouru au fer, fi je n'avois eu le def» fein dont tu parles? Mais helas, il femble » que toute la nature foit conjurée contre » moi, ni le fer, ni l'eau ne peuvent m'ôter » la vie !

A ces mots la douleur étouffa fa voix, & tous deux demeurerent quelque temps dans un morne filence. Pâris qui écoutoit attentivement, ne pouvoit fe figurer que Madonthe dont ils parloient, fût cette même bergere qu'il avoit vue avec Aftrée & Diane; mais quand il entendit le nom de Therfandre, il n'en douta plus. Il redoubloit d'attention, lorfque l'écuyer reprit en ces termes : » Pour moi, fi j'étois à votre place, »je me garderois bien de mourir pour une » infidelle, & fi je pouvois me déterminer à » mourir, du moins j'immolerois aupara» vant mon rival. Outre le plaifir que » gouterois à me venger, je voudrois con» vaincre de perfidie celle qui m'auroit trahi. › Je vous confeillerois donc, feigneur, fi "Vous avez pris la cruelle réfolution de mourir, de vous défaire auparavant, je ne

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» dis pas de Madonthe, car vous l'avez trop » aimée pour la hair, mais de Terfandre qui » vous a ravi votre bien, & à qui vous n'avez »jufqu'ici laiffé la vie,que pour être l'inftru>> ment de votre mort. Oui, répondit incon»tinent le chevalier, il mourra, fût-ce aux » yeux de l'ingrate: mais, Halladin, où l'irai-je chercher?Le lâche se tient caché avec » Madonthe & fa nourrice. O dieux, fi telle » eft ma destinée que je ne doive jamais rece» voir de contentement de celle que j'aime, >> permettez du moins que j'en reçoive en » me vengeant de ce que je hai!

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Pendant qu'il parloit ainfi, le malheureux berger Adrafte, venoit chantant de toutes fes forces des vers mal arrangés & fans fuite. Cet amant infortuné, depuis que Leonide eût prononcé en faveur de Palémon, fut tellement touché de la perte de Doris, qu'il en perdit l'efprit. Il avoit pourtant quelques bons intervales, mais ils ne duroient > pas long-temps. Comme c'étoit l'amour qui l'avoit dérangé, cette impreffion lui étoit tellement demeurée dans l'efprit,que toutes fes folies rouloient fur l'amour. Et lorsqu'il avoit de bons intervales, il ne les employoit qu'à fe plaindre de la rigueur de Doris, de l'injuftice de Leonide, de la fortune de Palémon, & de fon propre malheur. Les étrangers fe turent pour l'écouter, mais il n'étoit pas poffible de rien comprendre à ce qu'il di

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foit.Il vint toutesfois près d'eux en chantant; & tellement occupé que fans le henniffement des chevaux il eût paffé fans voir ces étrangers. Le chevalier qui l'avoit fouvent entendu repeter les mots d'amour, de beauté, de paffion, connut fans peine quel étoit fon mal;& defirant fçavoir en quelle contrée il étoit, il fe leva à l'aide de fon écuyer, & parla en ces termes à Adrafte: » Ainfi les » Dieux puiffent-ils vous être favorables, >> dites-nous en quelle contrée nous fommes, & quel eft le malheur dont vous vous plai"gnés. Adrafte qui penfoit uniquement à »fon amour, répondit au chevalier: elle eft » fi belle qu'il n'y en a point qui l'égale ; mais » Palémon me l'a ravie.Comment t'apparte»noit-elle, reprit le chevalier étonné? Par » un droit incontestable, répondit-il; elle t'appartiendra de même, fi tu ne portes » point ce fer inutilement, & fi tu as le cou»rage de tuer cet ufurpateur. Qui eft-ce Pa» lemon, répliqua le chevalier? C'est Pale» mon, répondit froidement le berger. J'en» tends, ajouta l'étranger, qu'il fe nomme » Palemon; mais quel eft-il, & de quelle » condition? A ces mots Adrafte fe troubla » davantage, & regardant le chevalier d'un »æil farouche, il répondit : Palemon, c'eft » l'ennemi d'Adrafte. Et Adrafte, reprit le » Chevalier?

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Alors le berger entrant tout-à-fait en phrenefie

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phrenesie fit un grand éclat de rire, puis se mettant à pleurer, » Si la perfide nymphe, » dit-il, a méprifé fon amour, Doris qui » d'abord en verfa des larmes, prit enfin le parti de fe retirer. J'eus beau l'appeller » elle ne daigna pas feulement tourner la tê»te: mais ajouta-t-il, éprouveroit-on ail» leurs les mêmes traitemens? » Le chevalier connut enfin qu'il avoit l'efprit troublé, & jugeant que c'étoit l'amour qui caufoit ce dérangement, il en eut plus de compaffion. » Voilà, dit-il, en fe tournant vers fon écuyer, le fort qui m'attend, fi la mort » ne vient bientôt à mon fecours. Car la fo»lie de ce berger eft fans doute un effet de »l'amour. L'amour, reprit incontinent » Adrafte, eft plus aimable que Palemon, » & fi celui-ci n'avoit jamais exifté, je crois »que Doris feroit ici, où que je ferois aux » lieux qu'elle habite. L'infortuné berger » tint alors des propos fi extraordinaires que l'écuyer fut contraint d'en fourire. »Ét le chevalier s'en étant apperçu, tu ris, » lui dit-il, Halladin, tu ris de ce malheu»reux berger, & tu ne confideres pas que » tu auras peut-être bientôt le même fujet » de rire de moi. De moi, reprit le berger? Je fuis Adrafte, & je voudrois bien fça» Voir fi Palemon vivra long-temps,

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Il reprenoit toujours ainfi la derniere parole qu'il entendoit, & le chevalier ennuyé III. Partie.

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de ces difcours commanda à fon écuyer de brider leurs chevaux, & montant fur le fien, il entra dans le bois. Pâris fut plufieurs fois tenté de lui offrir fon affiftance; mais il craignit que s'il engageoit la converfation avec cet étranger, il ne manquât l'occafion de faire fa cour à Diane. D'ailleurs, comme il connoiffoit Therfandre & Madonthe, il vouloit les avertir promptement de ce qu'il venoit d'apprendre. Il reprit donc le chemin qu'il avoit laiffé.

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A peine il étoit forti du bois qu'il apperçut les bergeres ; elles venoient lentement, tantôt chantant, & tantôt difcourant de diverfes chofes. Il y avoit entre les bergeres Aftrée, Diane, Phylis, Stelle, Doris, Aminthe, Celidée, Florise, Circéne, Palinice, & Laonice. Quelques-unes d'elles étoient étrangères; mais le défir de voir la belle Alexis, & la maifon d'Adamas les avoit engagées à ce petit voyage. Il y avoit auffi plufieurs bergers, entre lefquels étoit Lycidas, Silvandre, Hylas, Tyrcis, Tha mire, Calydon, Palemon, & Corylas, qui ne ceffoient de chanter, ou de difcourir pour tromper la longueur du chemin. Quand Pâris les apperçut, Hylas chantoit ces vers; Je refpecte Phylis, j'eftime son merite, Et tout ce qu'elle fait ;

Mais veut-elle fçavoir d'où vient que je la quitte? C'eft parcequ'il me plait,

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