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D'où nous concluons que, puifque l'Auteur de la Nature, agit communément & conftamment par les voies les plus fimples & les plus fécondes, & qu'aucune raison ne démontre qu'il se foit écarté de cette maniere grande & fublime, dans la production des Elémens de la matiere; il ne faut point admettre une multiplicité d'efpeces différentes de Matiere, là où une feule efpece de Matiere eft fuffifante.

IV. L'Auteur de la Nature, ne fe montreroit pas moins riche, mais il fe montreroit moins fage, en prodiguant les Caufes & les Principes fans raifon : comme un Artiste fe montreroit moins fage & moins habile, en multipliant les refforts & les rouages, pour mouvoir une Machine qui n'en exigeroit qu'un feul.

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Or, quelle raifon peut-il y avoir d'employer conf tamment & perfévéramment dans la Nature une inutile redondance de caufes & de principes, là où un feul Principe eft néceffaire & fuffifant? Donc la preuve ou la raifon par laquelle nous établissons l'homogénéité de la Matiere, eft une raifon très-philofophique & très-folide.

que

149. OBJECTION II. Comment concevoir & comment fe perfuader qu'un Corps dur & pefant, tel le marbre & le chêne, foit compofé de la même matiere qu'un corps léger & fluide, tel que l'Air & la Lumiere? Des propriétés fi différentes n'annoncentelles pas évidemment une différence de fubftance dans ces corps?,

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RÉPONSE. 1o. L'Air, qui paroît être un corps fi léger, a une pefanteur très-réelle, proportionnelle à la quantité de fes molécules: comme nous le démontrerons ailleurs. L'Air, qui paroît n'avoir aucune vertu réfiftante, quand il a une libre iffue pour s'é-: carter ou pour s'échapper, montre bien fenfiblement

fa réfiftance: quand on enfonce perpendiculairement dans l'eau un grand Gobelet de verre renverfé, fous lequel on a mis un petit morceau de liege, pour marquer l'élévation de l'eau dans l'intérieur du verre. Cette maffe fluide d'Air, renfermée entre l'eau & l'intérieur du verre quoique peu matérielle, eft pourtant compofée de parties réellement folides & impénétrables, qui occupent exclufivement un espace; qui réfiftent efficacement à l'eau, & l'empêchent de s'élever jufqu'au fond du verre; qui, flexibles & élaftiques, peuvent bien fe réduire à un moindre volume, mais dont le volume ne peut jamais être réduit à zéro.

Un pied cube d'Air, n'eft environ 800 fois moins pefant & moins réfiftant qu'un pied cube d'eau: que parce qu'un pied cube d'air, a une quantité de matiere environ 800 fois moindre qu'un pied cube d'eau. Donc en raffemblant dans l'efpace d'un pied cube, environ huit cents fois autant de molécules d'air, qu'il y en a dans un pied cube d'air; on en feroit une maffe auffi denfe que l'eau, plus denfe que le fapin & le chêne, qui flottent fur l'eau.

II. La Lumiere, compofée d'élémens d'une ténuité & d'une vîteffe inconcevables, quand elle est réunie & concentrée par le moyen d'un Miroir ardent dans un même foyer, fond l'or, enflamme le bois, divife & calcine les corps les plus compactes & les plus réfiftans.

Donc la matiere de la Lumiere, a une maffe qui, multipliée par fa vîteffe, donne une force motrice ou une fomme de mouvement. Donc une quantité confidérable de cette Matiere, réunie en un même tout, & dépouillée de fon mouvement, pourroit former un maffe folide, réfiftante, palpable, impénétrable, gravitante: comme les divers corps fenfibles & palpables.

III. Pourquoi donc cette matiere de l'Air ou de la Lumiere, raffemblée en quantité confidérable, & transformée en molécules parfaitement semblables aux molécules de l'or ou du marbre, ne pourroit-elle pas opérer les mêmes effets que produit l'or ou le marbre? Et fi la matiere de l'Air ou de la Lumiere, par le moyen d'une grande condenfation, par le moyen de quelques modifications différentes, peut produire les mêmes effets que produit l'or ou le marbre: für quel fondement peut-on prétendre que la matiere qui compofe l'Air ou la Lumiere, l'or ou le marbre, differe réellement dans ces divers corps, autrement que par la diverfité de fes modifications?

IV. Tout le monde fait que le Diamant s'éva pore & fe volatilife tout entier au grand feu, fans laiffer aucun veftige de fa fubftance: comme on peut s'en convaincre par une foule d'expériences rapportées dans la Gazette de France de 1771, page 280.

Si l'on pouvoit voir les élémens du Diamant ainfi volatilifés croiroit-on que cette nuée 'infiniment fubtile, fût propre à former, par fa réunion, un corps tel que le Diamant? Quelle accablante obfervation, pour ceux que pourroit encore révolter ici l'idée d'une Matiere homogene! On peut dire la même chofe, de l'Or volatilisé par le feu folaire, au foyer des grandes Loupes.

150 OBJECTION III. La principale preuve fur laquelle on fonde l'infecabilité des Elémens primitifs, c'est l'immutabilité des Métaux parfaits. Mais cette prétendue immutabilité des Métaux parfaits, n'eftelle pas détruite & démentie par les expériences rapportées dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, fous les années 1702, 1709, 1784? En voici le fonds & le résultat.

Thschirnaufen, gentilhomme de Luface, trouva

l'art, vers la fin du dernier fiecle, de fondre de grandes Loupes de verre, d'environ trois pieds de diametre; qui, expofées aux rayons folaires, dans un tems bien pur & bien ferein, donnoient dans leur foyer, un degré de chaleur incomparablement fupérieur à celui des Fourneaux les plus ardens. Le fameux Duc d'Orléans, celui qui fut enfuite Régent du Royaume, fe procura une de ces Loupes merveilleufes, celle qui appartient aujourdhui à l'Académie Royale des Sciences; & ce fut avec cette Loupe que le Chymifte Homberg fit, fur l'Or & fur l'Argent, les premieres expériences dont il eft ici question.

Ces Expériences ont été renouvellées & répétées au Louvre, avec le plus grand foin, en 1772, 1773 & 1774, par Meffieurs Macquer, Lavoifier, Cadet & Briffon, nommés Commiffaires à cet effet par l'Académie; & les effets en ont été foncierement les mêmes. (*).

1o. Si on expofe au foyer de cette Loupe, fur un fupport convenable, tel qu'un petit creufet de grès ou de charbon, un petit morceau d'Or: à l'inftant cet Or fe fond, bouillonne, pétille, jaillit en petits globu les liquides, qui s'élancent à fept ou huit pouces de diftance; & qui reçus fur une feuille de papier, préfentent à l'oeil, une poudre d'or très-fine.

II°. Quand l'Or eft devenu liquide: fi on l'éloigne un peu du foyer de la Loupe, une partie de cet or, s'évapore en fumée jaune; l'autre partie fe vitrifie, & devient une efpece particuliere de verre, dont la couleur reffemble à celle de l'or; mais dont

(*) NOTE .Ces dernieres Expériences ont été faites, avec la Loupe de Tíchirnausen, qui a trente-trois pouces de diametre; & avec une autre Loupe bien fupérieure encore à celle de Tfchirnaufen; favoir, celle de Berniere. On peut en voir le détail, dans la derniere édition du Dictionnaire de Chymic.

la pefanteur, plus grande que celle du verre ordinaire, eft beaucoup moindre que celle de l'or même. Donc les élémens de l'or, font entamés & dénaturés dans cette expérience: donc les élémens de l'or, ne font point infécables & indeftructibles.

RÉPONSE. Le feul fait & la feule théorie d'où l'on puiffe déduire & d'où l'on déduit en effet bien philofophiquement l'infécabilité naturelle des Elémens primitifs de la Matiere; c'est la ftabilité de La Nature vifible. Pour que la Nature vifible foit aujourdhui, ce qu'elle étoit il y a mille ans, il y a quatre ou cinq mille ans : il faut néceffairement que les Molécules élémentaires qui y conftituent les diverfes efpeces de Corps, foient aujourdhui précisément ce qu'elles étoient il y a mille ans, il y a quatre ou cinq mille ans; & par conféquent, que ces Molécules élémentaires, pendant cette révolution de tems & de chofes, n'aient réellement effuyé aucun changement, aucune altération.

L'immutabilité des Métaux parfaits, n'eft qu'une preuve expérimentale de la théorie générale; & les expériences que l'on oppofe à cette immutabilité des Métaux parfaits, ne prouvent rien du tout, pour deux raifons: en premier lieu, parce qu'il n'eft point décidé que ce foient les élémens même de l'or, qui fe convertiffent en verre : en fecond lieu, parce que, quand même il feroit certain que ce font les élémens mêmes de l'or qui fe convertiffent en verre; il ne s'enfuivroit pas de-là que les élémens de l'or, aient été entamés & tronqués en eux-mêmes.

1o. Il n'eft pas démontré que ce foient les élémens mémes de l'Or, qui fe convertiffent en Verre. Ce Verre peut fe former par le moyen des Parties terreufes & falines, que la chaleur fait exhaler du fein des creusets & des corps voifins; ou qui déjà répandues dans la

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