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lui recommande trois filles Chrétiennes & efclaves, qui doivent être conduites à Peking.

Lorfque la Princeffe Cecile nous écrivoit ces Lettres, ni elle ni les autres Dames n'avoient pas encore de connoiffance du dernier ordre de l'Empereur. On jugea à propos de leur envoyer un Missionnaire, qui en leur apprenant ces triftes nouvelles, les animât par fa préfence & par la participation des Sacremens, s'il étoit poffible. On ne pouvoit y envoyer un Européan; fa phyfionomie l'auroit auffi-tôt fait connoître. Mais il femble que la Provi, dence eût conduit exprès à PeKing le P. Rofario Jefuite Chinois, qui a été long-tems compagnon & enfuite fucceffeur du feu P. Provana, & qui

retournoit dans fa miffion de Chenfi. On propofa à ce Pere d'aller au Fourdane: il accepta volontiers cette commiffion ; & il s'en acquitta avec zele & avec fageffe. Le voyage étoit pénible, & dans les circonftances très-dangereux, mais beaucoup moins pour un Chinois que pour un Européan. Il partit le jour de l'Affomption de la fainte Vierge accompagné d'un fervent Chrétien quelques fecours d'argent que nous lui avions fournis, pour foulager du moins les pauvres femmes Chrétiennes qui fouffroient d'avantage.

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avec

Le douziéme Août nous apprîmes qu'on avoit ôté au Prince Louis le domeftique qui le fervoit dans la prifon. C'étoit un fort mauvais augure, & plufieurs appréhendoient qu'on n'eût pris le deffein de le fai

re mourir fans témoin.

Ce domestique vint auffi-tôt me voir, c'est un jeune homme âgé dè vingt ans, nommé Chouang-ting qui eft encore infidele voici ce qu'il me rap

:

"porta. «Le 23 de la fixiéme » Lune, c'est-à-dire,le ro d'Août, » nous entendîmes ouvrir bruf» quement la porte de la prifon; » & nous jugeâmes qu'il s'agiffoit » de quelque évenement extraor» dinaire. Nous vîmes entrer le » fils du troifiéme frere de l'Em» pereur, qui s'adreffant à mon » Maître lui dit : l'Empereur or» donne qu'on faffe fortir ce va» let. Mon Maître fe-mit à ge>> noux & répondit: qu'il forte, à "la bonne heure.

» Le Regulo, fans rien dire » autre chofe, me fit plier mon " paquet, & m'ordonna de re» tourner chez mon pere. Il for

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tit en même-tems lui-même & fit refermer la porte comme « auparavant. Mon Maître a qua- « rante neuf ans ; il est tout dé- « charné, quoiqu'il paroiffe avoir « encore affez de vigueur. Il « prie cinq fois le jour: on ne «< lui a laiffé aucun livre: mais il «< fçait une infinité de prieres par «< cœur: il porte toûjours fur lui « le reliquaire du bois de la croix « que vous lui envoyâtes au « Fourdane: il a des médailles & « plufieurs chapelets: il n'a d'au- « tre amusement que celui d'exa- cr miner le travail des Guefpes «< & des araignées : il me faifoit « remarquer un jour comment « Dieu avoit inftruit ces ani- «< maux à faire des ouvrages, où « l'induftrie des hommes ne < pourra jamais parvenir: il m'ex- « pliquoit la doctrine Chrétien- « ne; & il m'apprenoit les prieres. «

Je fouhaitte fort d'être Chré,, tien mais mon pere & mes

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deux freres font infideles: on ,, ne fçait pas encore à quel Maître nous ferons livrez, ni quelle liberté on nous laiffera. » C'est tout ce que je pûs tirer de ce jeune homme, qui eft naturellement mélancolique & taciturne.

Le jour de l'Affomption; Paul Ma valet du Prince Jofeph accourut de grand matin à notre Eglife, & vint nous dire en pleurant, que Dieu venoit d'appeller à lui fon bon Maître ; qu'il étoit mort d'un flux de fang; que les Gardes affuroient que depuis trois jours, il ne venoit plus recevoir au tour ce qu'on lui portoit à manger; & que le 14 au matin ils l'avoient vû couché à la porte de fon cachot demi-nud,

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