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LE destin se déclare; et nous venons d'entendre
Ce qu'il a résolu du beau-pere et du gendre.
Quand les dieux étonnés sembloient se partager,
Pharsale a décidé ce qu'ils n'osoient juger..
Ses fleuves teints de sang, et rendus plus rapides
Par le débordement de tant de parricides;
Cet horrible débris d'aigles, d'armes, de chars,!
Sur ces champs empestés confusément épars;
Ces montagnes de morts privés d'honneurs suprêmes,
Que la nature force à se venger eux-mêmes, 55
Et dont les troncs pourris exhalent dans les vents

De quoi faire la guerre au reste des vivants,
Sont les titres affreux dont le droit de l'épée,
Justifiant César, a condamné Pompée.

Ce déplorable chef du parti le meilleur,
Que sa fortune lasse abandonne au malheur,
Devient un grand exemple, et laisse à la mémoire
Des changements du sort une éclatante histoire.
Il fuit, lui qui, toujours triomphant et vainqueur,
Vit ses prospérités égaler son grand cœur;

Il fuit, et dans nos ports, dans nos murs, dans nos villes;
Et, contre son beau-pere ayant besoin d'asiles,

Sa déroute orgueilleuse en cherche aux mêmes lieux
Où contre les Titans en trouverent les Dieux.

Il croit que ce climat, en
ce climat, en dépit de la guerre,
Ayant sauvé le ciel, sauvera bien la terre,
Et, dans son désespoir à la fin se mêlant,
Pourra prêter l'épaule au monde chancelant.
Oui, Pompée avec lui porte le sort du monde,
Et veut que notre Égypte, en miracles féconde,
Serve à sa liberté de sépulcre ou d'appui,

Et releve sa chute, ou trébuche sous lui.

C'est de quoi, mes amis, nous avons à résoudre.
Il apporte en ces lieux les palmes, ou la foudre:
S'il couronna le pere, il hasarde le fils;
Et, nous l'ayant donnée, il expose Memphis.
Il faut le recevoir, ou hâter son supplice,
Le suivre, ou le pousser dedans le précipice.
L'un me semble peu sûr, l'autre peu généreux;
Et je crains d'être injuste, ou d'être malheureux.
Quoi que je fasse enfin, la fortune ennemie
M'offre bien des périls, ou beaucoup d'infamie:

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C'est à moi de choisir; c'est à vous d'aviser
À quel choix vos conseils me doivent disposer.
Il s'agit de Pompée; et nous aurons la gloire
D'achever de César ou troubler la victoire;
Et je puis dire enfin que jamais potentat
N'eut à délibérer d'un si grand coup d'état.

PHOTIN.

Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées,
La justice et le droit sont de vaines idées;
Et qui veut être juste en de telles saisons
Balance le pouvoir, et non pas les raisons.
Voyez donc votre force; et regardez Pompée,
Sa fortune abattue, et sa valeur trompée.
César n'est pas le seul qu'il fuie en cet état :
Il fuit et le reproche et les yeux du sénat,
Dont plus de la moitié piteusement étale
Une indigne curée aux vautours de Pharsale;
Il fuit Rome perdue, il fuit tous les Romains,
À qui par sa défaite il met les fers aux mains;
Il fuit le désespoir des peuples et des princes,
Qui vengeroient sur lui le sang de leurs provinces,
Leurs états et d'argent et d'hommes épuisés,
Leurs trônes mis en cendre, et leurs sceptres brisés :
Auteur des maux de tous, il est à tous en butte,
Et fuit le monde entier écrasé sous sa chute.
Le défendrez-vous seul contre tant d'ennemis?

L'espoir de son salut en lui seul étoit mis;

Lui seul pouvoit pour soi: cédez alors qu'il tombe.

Soutiendrez-vous un faix sous qui Rome succombe,
Sous qui tout l'univers se trouve foudroyé,
Sous qui le grand Pompée a lui-même ployé?
Quand on veut soutenir ceux que le sort accable,
A force d'être juste on est souvent coupable;
Et la fidélité qu'on garde imprudemment,
Après un peu d'éclat, traîne un long châtiment,
Trouve un noble revers, dont les coups invincibles
Pour être glorieux ne sont pas moins sensibles.

Seigneur, n'attirez point le tonnerre en ces lieux;
Rangez-vous du parti des destins et des dieux;
Et, sans les accuser d'injustice ou d'outrage,
Puisqu'ils font les heureux, adorez leur ouvrage;
́Quels que soient leurs décrets, déclarez-vous pour eux,
Et pour leur obéir perdez le malheureux.

Pressé de toutes parts des coleres célestes,

Il en vient dessus vous faire fondre les restes;

Et sa tête, qu'à peine il a pu dérober,
Toute prête de choir, cherche avec qui tomber.
Sa retraite chez vous en effet n'est qu'un crime;
Elle marque sa haine, et non pas son estime:
Il ne vient que vous perdre en venant prendre port;
Et vous pouvez douter s'il est digne de mort!

Il devoit mieux remplir nos vœux et notre attente,
Faire voir sur ses nefs la victoire flottante;

Il n'eût ici trouvé que joie et que festins:

Mais, puisqu'il est vaincu, qu'il s'en prenne aux destins. J'en veux à sa disgrace, et non à sa personne;

J'exécute à regret ce que le ciel ordonne;
Et du même poignard pour César destiné
Je perce en soupirant son cœur infortuné.
Vous ne pouvez enfin qu'aux dépens de sa tête
Mettre à l'abri la vôtre, et parer la tempête.
Laissez nommer sa mort un injuste attentat:
La justice n'est pas une vertu d'état.

Le choix des actions ou mauvaises ou bonnes
Ne fait qu'anéantir la force des couronnes;
Le droit des rois consiste à ne rien épargner.
La timide équité détruit l'art de régner:

Quand on craint d'être injuste, on a toujours à craindre;
Et qui veut tout pouvoir doit oser tout enfreindre,
Fuir comme un déshonneur la vertu qui le perd,
Et voler sans scrupule au crime qui le sert.

C'est là mon sentiment. Achillas et Septime
S'attacheront peut-être à quelque autre maxime;
Chacun a son avis: mais, quel que soit le leur,
Qui punit le vaincu ne craint point le vainqueur.

ACHILLAS.

Seigneur, Photin dit vrai: mais, quoique de Pompée
Je voie et la fortune et la valeur trompée,

Je regarde son sang comme un sang précieux
Qu'au milieu de Pharsale ont respecté les dieux.
Non qu'en un coup d'état je n'approuve le crime;
Mais, s'il n'est nécessaire, il n'est point légitime.
Et quel besoin ici d'une extrême rigueur?

Qui n'est point au vaincu ne craint point le vainqueur.

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