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POLYEUCTE.

Au temple, où l'on m'appelle.
NÉARQUE.

Quoi! vous mêler aux vœux d'une troupe infidele?
Oubliez-vous déja que vous êtes chrétien!

POLYE UCTE.

Vous par qui je le suis, vous en souvient-il bien?

NÉARQUE.

J'abhorre les faux dieux.

POLYEUCTE.

Et moi, je les déteste.

NÉARQUE.

Je tiens leur culte impie.

POLYEUCTE.

Et je le tiens funeste.

NÉARQUE.

Fuyez donc leurs autels.

POLYEUCTE.

Je les veux renverser,

Et mourir dans leur temple, ou les y terrasser.

Allons, mon cher Néarque, allons aux yeux des hommes
Braver l'idolâtrie, et montrer qui nous sommes:
C'est l'attente du ciel, il nous la faut remplir;
Je viens de le promettre, et je vais l'accomplir.
Je rends graces au Dieu que tu m'as fait connoître
De cette occasion qu'il a sitôt fait naître,
Où déja sa bonté, prête à me couronner,
Daigne éprouver la foi qu'il vient de me donner.

NÉARQUE.

Ce zele est trop ardent, souffrez qu'il se modere.

POLYEUCTE.

On n'en peut avoir trop pour le Dieu qu'on révere.

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Plus elle est volontaire, et plus elle mérite.

NÉARQUE.

Il suffit, sans chercher, d'attendre et de souffrir.

POLYEUCTE.

On souffre avec regret quand on n'ose s'offrir.

NÉARQUE.

Mais dans ce temple enfin la mort est assurée.

POLYEUCTE.

Mais dans le ciel déja la palme est préparée.

NÉARQUE.

Par une sainte vie il faut la mériter.

POLYEUCTE.

Mes crimes, en vivant, me la pourroient ôter.

la mort assure?

Pourquoi mettre au hasard ce que
Quand elle ouvre le ciel, peut-elle sembler dure?
Je suis chrétien, Néarque, et le suis tout-à-fait;
La foi que j'ai reçue aspire à son effet.

Qui fuit croit lâchement, et n'a qu'une foi morte.
NÉARQUE.

Ménagez votre vie; à Dieu même elle importe;
Vivez pour protéger les chrétiens en ces lieux.

POLYEUCTE.

L'exemple de ma mort les fortifiera mieux.

NÉARQUE.

Vous voulez donc mourir?

POLYEUGTE.

Vous aimez donc à vivre?

NÉARQUE.

Je ne puis déguiser que j'ai peine à vous suivre.
Sous l'horreur des tourments je crains de succomber.

POLYEUCTE.

Qui marche assurément n'a point peur de tomber.

Dieu fait part, au besoin, de sa force infinie.
Qui craint de le nier, dans son ame le nie;

Il croit le pouvoir faire, et doute de sa foi.

NÉARQUE.

Qui n'appréhende rien présume trop de soi.

POLYEUCTE.

J'attends tout de sa grace, et rien de ma foiblesse.

Mais, loin de me presser, il faut que je vous presse! D'où vient cette froideur?

NÉARQUE.

Dieu même a craint la mort.

POLYEUCTE.

Il s'est offert pourtant; suivons ce saint effort;
Dressons-lui des autels sur des monceaux d'idoles.
Il faut, je me souviens encor de vos paroles,
Négliger, pour lui plaire, et femme, et biens, et rang;
Exposer pour sa gloire et verser tout son sang.
Hélas! qu'avez-vous fait de cette amour parfaite
Que vous me souhaitiez, et que je vous souhaite?
S'il vous en reste encor, n'êtes-vous point jaloux
Qu'à grand' peine chrétien j'en montre plus que vous?
NÉARQUE.

Vous sortez du baptême, et ce qui vous anime
C'est sa grace qu'en vous n'affoiblit aucun crime;
Comme encor tout entiere, elle agit pleinement,
Et tout semble possible à son feu véhément:
Mais cette même grace en moi diminuée,

Et par

mille péchés sans cesse exténuée,

Agit aux grands effets avec tant de langueur
Que tout semble impossible à son peu de vigueur.
Cette indigne mollesse et ces lâches défenses
Sont des punitions qu'attirent mes offenses;
Mais Dieu, dont on ne doit jamais se défier,
Me donne votre exemple à me fortifier.

Allons, cher Polyeucte, allons aux yeux des hommes
Braver l'idolâtrie, et montrer qui nous sommes:
Puissé-je vous donner l'exemple de souffrir,

Comme vous me donnez celui de vous offrir!

POLYEUCTE

À cet heureux transport que le ciel vous envoie,
Je reconnois Néarque, et j'en pleure de joie.
Ne perdons plus de temps, le sacrifice est prêt;
Allons-y du vrai Dieu soutenir l'intérêt;
Allons fouler aux pieds ce foudre ridicule
Dont arme un bois pourri ce peuple trop crédule;
Allons en éclairer l'aveuglement fatal;
Allons briser ces dieux de pierre et de métal;
Abandonnons nos jours à cette ardeur céleste;
Faisons triompher Dieu : qu'il dispose du reste.
NÉARQUE.

Allons faire éclater sa gloire aux yeux
gloire aux yeux de tous,
Et répondre avec zele à ce qu'il veut de nous.

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