XXI.

LoüisHutin.

fouterrains, où ils se mêloient ensemble comme des bêtes, fans aucun égard à la parenté la plus proche. Ils difoient que l'églife Romaine n'étoit pas celle de J. C. mais une focieté d'infidéles. Auffi fe moquoientils des cenfures eccléfiaftiques, de l'autorité des prélats, & de toutes les cérémonies de la religion : ils ne gardoient ni jeûnes ni abftinences, & mangeoient de la viande même le vendredi faint. Ils n'obfervoient aucune fête & travailloient le jour de Pâque. Ils ne tenoient pas le parjure pour un peché. Ils enseignoient que l'interceffion des Saints n'étoit d'aucune utilité & qu'il ne faloit ni les invoquer ni les honorer. Enfin ils enfeignoient plufieurs autres erreurs, dont le recit feroit ennuieux & feroit horreur.

Leur nombre étoit grand: un de leurs apôtres qui fut brûlé à Vienne confessa à la question qu'ils étoient plus de huit mille en Bohême, en Autriche, en Turinge & aux environs: outre ceux du refte de l'Allemagne & de l'Italie. Les freres Prêcheurs exerçant l'inquifition en découvrirent plufieurs qui furent condamnés au feu.Mais ils demeurerent tous dans leur opiniatreté & se livrerent au fuplice avec joïe, fans qu'un feul fe repentit. Ces hérétiques fraïerent le chemin à ceux qui vinrent depuis en Bohême & en Allemagne.

fa

Le roi Philipe le Bel laiffa trois fils : Loüis déja roi Mort de de Navare comme héritier de la reine Jeanne sa mere, . Philipe le Philipe comte de Poitiers, & Charles comte de la Marche. Louis comme l'aîné fuccéda à la courone de Cont. Nang. France : il fut le dixiéme du nom, & on l'a furnom

Long roi.

p.659.

Baluz. vit. mé Hutin à caufe de fa vivacité & fes manieres trop FR. 1. p. 113.

jeunes.

En 1316. il envoïa le comte de Poitiers fon frere

pour

P. 114. 115.

p.179

pour affembler s'il pouvoit les cardinaux à Lion, fui- AN. 1351. vant le projet du roi Philipe le Bel. Le comte de Poitiers y travailla prés de fix mois ; & enfin il les fit venir à Lion au nombre de vingt-trois, & leur promit par ferment de ne leur faire aucune violence & ne les point contraindre à s'enfermer pour l'élection. Les chofes étant ainfi difpofées, il reçut nouvelle de la mort du roi Loüis fon frere, decedé le famedi cinquiéme de Juin veille de la Trinité, aprés avoir regné feulement dix-huit mois. Le comte Philipe fut alors fort embaraffé, ne jugeant pas à propos de demeurer plus long-temps à Lion, & ne voulant pas laisser imparfaite l'affaire de l'élection du pape. Aïant pris confeil, il fut jugé que le ferment qu'il avoit fait de ne point enfermer les cardinaux étoit illicite, & que par conféquent il ne devoit point le garder. Alors il fit venir tous les cardinaux en la maifon des freres Prêcheurs, & leur déclara qu'ils n'en fortiroient point qu'ils n'euffent élu un pape; & aprés avoir mis des gardes pour les empêcher de fortir, il revint à Paris. Comme le roi Louis avoit laiffé fa femme Clemence enceinte, le comte Philipe fut nommé regent du roïaume en attendant la naiffance de l'enfant. al

XXII.

pape.

Les cardinaux furent enfermés la veille de la faint Pierre vingt-huitiéme de Juin & quarante jours aprés, Jean XXII. favoir le famedi avant la S. Laurent feptiéme d'Août 1316. ils élurent tout d'une voix Jaques d'Eufe cardi nal évêque de Porto. Il étoit né à Cahors de bas lieu : mais par fon bon efprit & fon travail il devint tressavant, particulierement en droit. Il étoit de petite Bal. to. 1. p. taille, mais d'un grand courage. Il fut premierement 151.687. évêque de Frejus pendant onze ans : puis Clement V.

Tome XIX.

Kk

J. Vill. IX.

c. 79.

AN. 1316.

Sup. n. 4.

Rain. 1316.

n. 4.

1. ๕.

n.

le transféra au fiége d'Avignon en 1310. & deux ans aprés, à la promotion de Decembre 1312. il le fit car, dinal. Le nouveau pape prit le nom de Jean XXII, & fon couronement fut differé quelque temps à la priere de Philipe régent du roïaume de France, qui avoit temoigné au pape vouloir y affifter: mais le pape aprés avoir attendu prés d'un mois fe fit couroner à Lion dans l'église cathedrale le dimanche cinquiéme jour de Septembre. Auffi tôt il dona part de fa promotion, fuivant la coûtume, par une lettre circulaire adreflée aux évêques & aux rois, où il dit qu'il a été élu pape unanimement par tous les cardinaux, fans aucune diverfité de fuffrages; & qu'il a beaucoup héfité à accepter cette charge fi terrible : ce qui ne s'accorde pas avec ce que quelques auteurs ont écrit, qu'il s'étoit lui-même nommé pape. Il partit de Lion vers la fin du mois de Septembre & le famedi second jour Bal.152.718. d'Octobre il arrivaà Avignon,où il avoit auparavant fait publier qu'il tiendroit fa cour.

XXIII.

de cardi

naux.

Cependant la reine Clemence accoucha le quatorziéme de Novembre d'un fils qui fut nommé Jean & mourut cinq jours aprés, le dix-neuvième du même mois. Alors le régent Philipe fon oncle fut reconnu roi cinquième du nom: on le furnomma le Long à caufe de fa grande taille.

Le pape étant à Avignon fit une promotion de Promotion huit cardinaux, le vendredi dix-feptiéme de Decembre aux quatre-temps de l'Avent. Le premier fut Bernard de Ĉaftanet natif de Montpellier, qui fut auditeur du palais sous Innocent V. & ce pape le fit évêque d'Albi en 1276. En 1308. il paffa de cet évêché à celui du Pui en Velai: que le pape Jean lui permit de

garder en commende en le faisant cardinal évêque de AN. 1316. Porto. Bernard avoit alors quarante-un an d'épifcopat & mourut l'année fuivante 1317. le quatorziéme d'Août, n'aïant été que huit mois cardinal.

Le fecond fut Jaques de la Vie natif de Cahors fils d'une fœur du pape,alors élu évêque d'Avignon: dont le pape fon oncle lui dona le fiége en commende, le faifant cardinal prêtre du titre de S. Jean & S. Paul. Le troifiéme fut Gaucelme ou Joffeaume de Jean auffi natif de Cahors d'une famille diftinguée. Il étoit vicechancelier de l'église Romaine & fut fait cardinal prêtre du titre de S. Marcellin & S. Pierre. Le quatriéme fut Bertrand del Poïet natif du diocéfe de Ca- J. Vill. xl. & hors & neveu du pape : auquel il reffembloit fi fort 6. 19. que plufieurs difoient publiquement qu'il étoit fon fils. Il fut cardinal prêtre du titre de S. Marcel. Le cinquième fut Bertrand de Montfavez grand jurifconfulte qui avoit enfeigné le droit en l'Univerfité de Montpellier. Il étoit né à Castelnau de Montratier au diocéfe de Cahors & fut cardinal diacre du titre de fainte Marie en Aquire. Le fixiéme fut Pierre d'Arreblai : il étoit fils du fénechal de Perigord & fut chanoine de S. Quentin & archidiacre de Bourbon dans l'église d'Autun. Il étoit chancelier de France & fut fait prêtre cardinal du titre de fainte Sufane. Le Bal.p.733. feptiéme fut Gaillard de la Mote Gafcon, fils de la niéce du pape Clement V. & fut cardinal diacre du titre de fainte Luce. Le huitiéme Jean Gaëtan des Urfins Romain, cardinal diacre du titre de S. Theodore. Voilà les cardinaux de la premiere promotion de Jean XXII. tous François hormis le dernier.

Il y en avoit deux que le pape avoit faits à la priere

2. 19.

AN. 1316. du roi Philipe le Long, qui les lui recomanda insta Rain. 1316. ment lorsqu'ils étoient ensemble à Lion, savoir Ja~ ques de la Vie & Pierre d'Arreblai. C'est pourquoi auffi-tôt aprés leur promotion le pape en dona avis au roi, s'excufant de ne pas envoïer le chapeau à ce dernier. Car, dit-il, les papes nos prédéceffeurs n'ont point accoutumé de l'envoïer aux cardinaux qu'ils ont créés abfens, fi ce n'eft pour des raisons particulieres dont les exemples font rares, & ne doivent point être tirés à confequence.

XXIV.

chaffe. Gly

СР.

Niceph.

Greg. VII.

C. II.

Sup. g. 3.

Cang. gloß.
Gr. p. 822.

A C. P. Niphon fut chaffé du fiége patriarcal dés Niphon l'année 1315. à cause de fon avarice, qui lui avoit fait cys patr. de commettre plufieurs facriléges,& emplorer pour s'enrichir des moïens injuftes & peu convenables à sa dignité. S'étant retiré il se logea au monastere de la Periblepte. Un an aprés,c'eft-à-dire en 1316.on éleva fur le trône patriarcal Jean Glycys alors logothete du drome c'est-à-dire à peu prés controlleur des poftes. Il avoit femme & enfans, mais il étoit des plus favans & fort attaché au ftile noble des anciens Atheniens, qu'il regardoit comme un excellent modele. Perfone n'aprochoit de lui pour la folidité du jugement, l'inclination au bien & la gravité des mœurs : ce qui fit regarder fa promotion comme la récompenfe de fon merite. Sa femme prit auffi-tôt l'habit monaftique, & il vouloit de fon côté s'en revêtir par respect pour le fiége patriarcal: mais l'empereur l'en empêcha, parce qu'il étoit fujet en certaines saisons à de violentes attaques de goute: ce qui lui rendoit nécessaire au jugement des medecins l'ufage de la viande, dont Fabftinence eft inséparable de la vie monaftique chez les Grecs.