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AN. 1302. guer l'expofé & la décision:tout l'expofé tend à prouve que la puiffance temporelle eft foumise à la spirituelle; & que le pape a droit d'inftituer, de corriger & de dépofer les fouverains : cependant Boniface, tout entreprenant qu'il étoit, n'ofa tirer cette consequence qui fuivoit naturellement de fes principes, ou plûtôt Dieu ne le permit pas ; & Boniface fe contenta de décider en general que tout homme eft foumis au pape, verité dont aucun catholique ne doute, pourvû qu'on restraigne la proposition à la puissance fpirituelle. Et nous avons vû que cent ans auparavant le pape Innocent III.avoüoit formellement que le roi de France ne reconnoît point de fuperieur pour le temporel. Quant au reproche d'admettre deux principes avec les Manichéens, fi on ne reconnoît la fubordination des deux puiffances: ce reproche tombe fur tous les anciens & particulierement fur le pape S. Gelafe, qui Gel. epift. 8. dit nettement: Il y a deux moïens par lefquels ce monSup.liv.xxx. de eft principalement gouverné, l'autorité facrée des

6. Per vene

rab.

Sup. liv.

XXV. 7. 42.

1.31.

.

évêques & la puiffance roïale. Et enfuite, parlant toûjours à l'empereur. Les évêques obéiffent à vos loix quant aux chofes temporelles, fachant que vous avés reçu d'enhaut la puiffance. C'eft que les Manichéens mettoient deux puiffances opofées, indépendantes & comme deux dieux: au lieu que les deux puiffances que nous reconnoiffons viennent également de Dieu & doivent être unies & s'aider mutuellement.

Le même jour dix-huitiéme Novembre auquel on celebre à Rome la dédicace de l'églife de S. Pierre, le Rain. 1302. pape Boniface publia une autre bulle portant excommunication generale contre tous ceux qui prenent,

n. 14.

dépoüillent, ou retienent ceux qui vont au faint fiége

ou en reviennent, ou qui les empêchent d'y venir li-
brement; & cette cenfure s'étend fur toutes person-
nes de quelque dignité que ce foit, même les rois &
les
empereurs, nonobftant tout privilege de ne pou-
voir être excommuniés. Or quoique cette excomuni-
cation fût generale & introduite par une anciene cou-
tume contre ceux qui empêchoient le voïage de Ro-
me, on voïoit bien dans les circonftances prefentes
qu'elle regardoit principalement le roi Philipe le Bel,
à caufe de la défenfe qu'il avoit faite aux prélats de
fon roïaume d'en fortir,pour obéïr à l'ordre du pape ;
& le pape s'en expliqua affez enfuite.

AN. 1302.

XIX.

Le cardinal

Rain. n. 15.

Peu de temps aprés il envoya legat en France Jean le Moine cardinal prêtre du titre de S. Marcellin, promu le Moine leen 1294. par Celestin V. Sa commiffion eft du vingt- gat en Franquatrieme de Novembre 1302. & il avoit pouvoir ce. d'abfoudre le roi Philipe, s'il le demandoit, de l'ex- Sup. liv. communication que le pape prétendoit qu'il eût en- LxxxIx. n. couruë. L'instruction de ce légat contenoit douze ar- 30. ticles de prétentions du pape contraires à celles du celles du n. 34. roi, qui fe réduisent à ce qui fuit. 1. Il révoquera la Diff p-90. défense qu'il a faite aux évêques & aux autres ecclefiaftiques de venir à Rome où nous les avions apel

lés
pour le premier jour de Novembre dernier paffe:
il levera les faifies faites à ce fujet & en fera pleine fa-
tisfaction. 2. Vous lui déclarerés que le pape a la prin-
cipale autorité de conferer les benefices vacans en
cour de Rome ou ailleurs, & que la collation de quel-
que laïque que ce foit n'y donne aucun droit fans le
confentement du faint fiége. 3. Que le pape peut en-
voïer librement des légats & des nonces à tous les
roïaumes & les autres lieux comme il lui plaît, fans la

Rain. 1303.

AN. 1300.

demande ni le confentement de perfone, nonobstant tout usage contraire.4. Que l'adminiftration des biens & des revenus ecclefiaftiques n'apartient à aucun laïque, & que le pape en a la fouveraine dispensation: en forte qu'il peut demander & exiger felon qu'il trouve à propos le centiéme, le dixième ou une autre quantité. 5. Que le roi ni aucun autre laïque ne peut faifir ni occuper les biens ecclefiaftiques, finon dans les cas de droit : ou attirer à fon tribunal les perfones ecclefiaftiques pour les actions perfonelles, ou pour les recellés à l'égard des biens, qui ne font pas tenus de lui en fief. En quoi on empêche les prélats d'user du glaive fpirituel particulierement fur les monasteres, qui font en la garde du roi. 6. Comme en la presence du roi & fans qu'il l'empêchât, on a brûlé publiquement au mépris du faint fiége une bulle dont le feau portoit les images des SS. apôtres & notre nom, vous lui dénoncerés qu'il ait à comparoître devant nous par procureur, pour se justifier s'il le peut & obéïr à nos ordres; & vous lui déclarerés que pour peine d'un tel crime nous avons réfolu de révoquer tous les privileges accordés par nous & nos prédeceffeurs, à lui, à la famille & fes officiers. 7. Qu'il n'abuse pas de la garde des cathedrales vacantes qu'on nomme regale: en degradant les bois & les bâtimens, & confumant les fruits au-delà des frais de garde neceffaires. 8. Qu'il rende aux prélats l'exercice du glaive fpirituel, nonobftant fes privileges. 9. Il faut lui ouvrir les yeux fur le changement de monoïe fait par deux fois en peu de temps, au grand préjudice des ecclefiaftiques & des feculiers : fur quoi il eft obligé à restitution & réparation. 10. Il faut encore le faire fouvenir des abus

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11.

commis par lui & par les fiens mentionnés dans la AN. 1302. lettre close que lui porta notre notaire Jacques; c'est le nonce Jacques des Normans. Suit un grand article touchant la ville de Lion que le pape foutient n'être point dans les limites du roïaume de France,mais apartenir à l'église de Lion, fans que le roi y ait aucun droit, même de reffort. C'eft pourquoi il défend au roi de troubler la jurifdiction de l'archevêque & du chapitre; & veut qu'il répare les dommages qu'il leur a causés. L'instruction du legat finit par une menace, fi le roi dans un certain temps ne remedie à tous ces abus, en forte que le pape ait fujet d'être content: il procedera contre le roi fpirituellement & temporellement comme il jugera expedient.

que

12.

XX.

Réponses du

Le cardinal le Moine s'étant acquité de fa commiffion, le roi lui donna fa réponse par écrit article par roi aux plainarticle, dont voici la fubftance: Le roi n'a fait aucune tes du pape. défense contraire à la liberté d'aller à Rome & d'en Diff. p. 92, revenir: seulement à cause des guerres & particulierement la révolte des Flamans, il a défendu aux naturels François de fortir du roïaume fans fa permiffion, & a prié les évêques & les autres ecclefiaftiques,même leur a enjoint, de ne pas abandonner le roïaume & leurs églifes dans un temps fidangereux, où ils font tenus d'afLifter le roi de leurs confeils & de leurs fecours.2. Le roi n’a usé de la collation des benefices que fuivant le droit & la coutume,comme S.Louis &fes autres prédeceffeurs de temps immemorial. Il ne veut rien innover fur ce fujet, & ne croit pas que le pape veüille innover de fon côté.3.Le roi ne prétend empêcher l'entrée de fon roïaume aux légats, aux nonces, ou a aucune autre perfone, à moins qu'elle ne lui foit fufpecte 6. La bulle brûlée

AN. 1302.

avoit été obtenue par l'évêque & le chapitre de Laon contre les échevins de la ville: mais l'inftance aïant été portée au parlement, l'évêque & le chapitre déclarerent qu'ils ne vouloient point s'en aider ; & elle fut brûlée à la requête des échevins, afin que leurs parties ne puffent s'en prévaloir. En quoi on n'eût intention de rien faire au mépris du pape ou de l'églife.

9.

Le roia eû recours au changement de la monoïe pour la neceffité de défendre son état, suivant le pouvoir qu'il en a & l'usage de ses prédeceffeurs : toutefois à la priere de fes fujets, il y a déja pourvû, en forte que bientôt perfone n'aura fujet de fe plaindre. Il est vrai que le roi Philipe le Bel affoiblit notablemon. p. 213. ment les monoïes pour le poids & pour l'aloi depuis l'an 1296. & ce fut la plus grande tâche de fon regne. Les réponses fur les autres articles font plus generales.

Leblanc.

214. c.

Sur la plufpart le roi nie le fait,& promet fi fes officiers ont commis quelque abus d'y aporter le remede convenable. Il conclut par le defir qu'il a d'entretenir la paix & l'union avec l'église Romaine: il fuplie le pape d'y contribuer de fon côté & de ne le pas troubler dans l'ufage de fes libertés & de fes privileges: enfin il déclare qu'il veut bien fur les difficultés qui pouroient refter, croire le confeil des ducs de Bretagne & de Bourgogne, aufquels le pape avoit aussi offert de s'en rapporter.

Cette réponse étoit affez refpectueuse pour un roi qui ne devoit compte à perfone du gouvernement de fon état ; & toutefois le pape Boniface n'en fut pas content; comme on voit par une lettre qu'il écrivit à Charles de Valois frere du roi, le vingt-quatrième de Fevrier 1303. où il parloit ainfi: Nous avons reçu de

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