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AN. 1334.

ce prélat n'étant pas exercé à parler & conoiffant la grande ignorance de la plufpart des évêques qui l'environoient, ufoit de remifes & ne favoit comment apaifer l'émotion du peuple. Il crut devoir apeller en cette occafion Nicephore Gregoras, quoiqu'il ne fut point du clergé, parce qu'il avoit grande habitude de parler. Nicephore confeilla d'abord de garder le filence & infifta fort fur cet avis: difant qu'il faloit témoigner de la grandeur d'ame & du mépris pour défi des Latins: parce qu'il ne fe préfentoit point en cette occafion de néceflité de parler. Mais enfuite faifant réfléxion que le filence pouvoit caufer des foupçons défavantageux: il prit en particulier le patriarche & quelques évêques choifis, & leur fit un long difcours qu'il a pris grand foin d'inferer dans fon

hiftoire.

le

Il y dit en fubftance, qu'il ne faut pas permettre au premier venu de difputer avec les Latins : qu'il faut avoir un but en cette difpute & convenir d'un juge. Or, ajoûte t'il, comme nous n'avons point ici de tiers pour nous juger, c'est à nous à le faire. Car on convient de part & d'autre que notre doctrine eft bone, c'est-àdire que le S. Efprit procéde du pere; & eux feuls foutienent ce qu'ils ont ajoûté de nouveau, c'est-à-dire qu'il procéde auffi du fils. Par cette régle on doneroit gain de cause à tous les hérétiques, qui retranchent quelque article de foi. Gregoras continue: S'ils parlent de la chaire de S. Pierre & font valoir leur fucceffion comme un nuage qui menace du tonerre, prétendant que nous devons exécuter ce qu'ils auront prononcé contre nous fans conoiffance de caufe: ils n'en font que plus odieux, pour avoir abusé de la dignité du S.

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fiége, en décidant felon leur volonté, fans avoir é- AN. 1334. gard aux régles établies par tous les conciles. Il fe plaint ensuite que les Latins s'apuient trop fur les fyllogifmes & la dialéctique ; & en effet nos fcholaftiques ne favoient raifoner que par des argumens en forme. Or il soutient que cette maniére de raisoner, fondée fur les fens & l'expérience, n'a point lieu dans les chofes divines, qui font au deffus de notre portée. Il ajoûte que ces queftions ont été déja plufieurs fois agitées de part & d'autre,en forte que les Grecs favent à quoi s'en tenir. Suivant cet avis de Gregoras on n'entra point en difpute & nous ne voïons aucun effet du voïage des deux nonces.

En Italie la ville de Boulogne se révolta contre le pape & chassa le légat Bertrand Poïet cardinal évêque d'Oftie. Les auteurs de la révolte aïant comploté fecretement excitérent le peuple à fédition, & pendant – plusieurs jours de fuite firent foner les cloches, comme en cas d'alarme: puis le peuple affemblé vint affiéger le légat, qui ne fe défioit de rien, au château qu'il avoit fait bâtir dans la ville; & l'y tinrent enfermé pendant dix jours. Ils firent des tranchées tout autour, pour empêcher qu'il n'y entrât du fecours, & défendirent fous de groffes peines qu'on y aportât des vivres ou d'autres chofes nécéffaires à la vie ; & cependant ils crioïent: Meure le légat: meurent le légat & les François ; enfin le légat fut obligé de compofer pour fortir avec les fiens, du château & de la ville.

Pendant le fiége ils briférent les prifons de l'évêque de Boulogne Bertrand Acciaioli & du gouverneur de la ville pour le pape; & rapellérent tous ceux qui en avoient été bannis pour leur crimes. Ils fe jettérent Tet iij

XXXVII. de Boulogne. Légat chaffé Rain. 1337

n. 27.

AN.

1334.

Vit. Pap.to. 1. p. 177.

XXXVIII.

Jean XXII.

Baluz vit. to. 1. p. 177.

fur le nonce du pape Bertrand archevêque d'Embrun, fur l'évêque de Mirepoix, celui de Boulogne, les abbés de Nonantule & de S. Etiene de Boulogne, & fur plufieurs tant clercs que laïques attachés au légat ou à l'église Romaine, & les dépouillerent de tout, livres, meubles de chapelle, chevaux, vaiffelle d'argent, habits, armes, argent monoïé. Ils mirent le feu au palais épifcopal, prirent tous ceux qu'ils purent trouver de la famille & de la langue du légat, c'est-à-dire Gascons, en blefférent plufieurs & en tuérent quelquesuns. Enfin ils démolirent jusques aux fondemens le château que le légat avoit fait bâtir à grands frais.

C'est ainfi qu'il fut chaffé de Boulogne la semaine de Pâques,aprés avoir été légat dans toute la Lombardie environ seize ans. Il revint auprés du pape aïant perdu prefque tout ce qu'il avoit; & il y arriva à la Pentecôte qui cette année 1334. fut le quinziéme de Mai. Le pape fit informer contre les Bolonois, mais fa mort l'empêcha de pouffer plus loin cette procédure.

Il s'apliquoit en même temps à deux affaires diffiMort de ciles, l'élection d'un nouvel empereur & la question de la vifion béatifique, qu'il vouloit décider. Pour cette affaire & pour quelques autres, il indiqua un confiftoire au fecond jour de Décembre 1334. Mais la nuit précédente aprés fouper il fut attaqué de maladie, ainfi il ne fit rien ce jour là. Le troifiéme du mois aprés vêpres il fit apeller tous les cardinaux qui étoient à Avignon; & ils s'y trouverent tous à l'excéption de deux, Jean Gaëtan qui n'étoit pas dans la ville, & Napoleon des Urfins, qui bien qu'il y fût ne voulut pas aflifter à cet acte. Les cardinaux qui s'y trouverent é

Rain. 1334.

lib. x1. 6. 19.

20. to. XI.

toient au nombre de vingt, & le pape en leur présen- AN. 1334ce fit lire une bulle mife en groffe à peu prés femblable à fa déclaration du troifiéme de Janvier. En celle- n. 36. 37. ci il dit: Nous confeffons & nous croïons que les J. Villani ames féparées des corps & purifiées font au ciel dans le paradis avec J. C. & en la compagnie des anges, & Conc.p.1629. qu'elles voïent Dieu & l'effence divine clairement & face à face,autant que le comporte l'état d'une ame séparée. Que fi nous avons prêché, dit ou écrit quelque chofe au contraire, nous le révoquons expreffément,

Le pape fit auffi fon teftament devant les cardinaux & leur recomanda l'église & fes neveux. Il révoqua toutes les réferves de bénéfices qu'il avoit faites, voulant qu'elles fuffent nulles du jour de fa mort. Ce fut le dimanche quatriéme de Décembre à neuf heures du matin, aprés qu'il eût oüi la messe au point du jour & communié. Il avoit vêcu environ quatre-vingtdix ans & tenu le S. fiége dix-huit ans, trois mois & vingt-huit jours. Il fut enterré le lendemain cinquiéme Décembre dans l'églife cathédrale d'Avignon, où l'on voit encore fon tombeau d'architecture gothique magnifique pour le temps.

C.

fer.

c. 18.

Ce fut Jean XXII. qui introduifit la fête de la fain- Baluz.vit.to, te Trinité dans l'églife Romaine, qui n'avoit point 1. p. 177.793. accoutumé de la célébrer auparavant par un office fin- c.2. Ext. de gulier : quoique depuis environ quatre cens ans cette Thomaff. fête fut établie en quelques cathédrales & en quelques fest. liv. 11: monafteres. Les uns la célébroient le premier diman- Baill. feft. che aprés la Pentecôte, les autres le dernier : le pape Jean choifit le premier, & nous l'obfervons encore. Aprés fa mort on trouva dans le tréfor de l'églife à Avignon, en or monoïé, la valeur de dix-huit mil

mob. Trin.

XXXIX. Jean XXII.

Trefor de

AN. 1334.
J.Vill. c. 20.

Matth.v1.19.

20.

lions de florins & plus; & en vaiffelle, croix, courones, mitres & autres joraux d'or & de pierres précieuses, la valeur de fept millions, faifant en tout vingt-cinq millions de florins d'or. C'eft ce que raporte Jean Villani qui ajoûte: J'en puis rendre un témoignage certain, parce que mon frere, homme digne de foi, qui étoit alors à Avignon marchand du pape, l'aprit des tréforiers & des autres qui furent commis pour compter & pefer le trésor, & en faire le raport au collège des cardinaux pour le mettre dans l'inventaire. Le tréfor fut amaffé pour la plus grande partie par l'industrie du pape Jean, qui dés l'an 1319. établit les réserves de tous les bénéfices des églifes collégiales de la Chrétienté, difant qu'il le faifoit pour ôter les fimonies, d'où il tira un trésor infini. De plus en vertu de la réserve, il ne confirma quafi jamais l'élection d'aucun prélat, mais il promouvoit un évêque à un archevêché & mettoit à fa place un moindre évêque: d'où il arrivoit souvent que la vacance d'un archevêché ou d'un patriarcat produifoit fix promotions ou plus, dont il venoit de grandes fommes d'argent à la chambre apoftolique. Mais le bon-homme ne fe fouvenoit pas de l'évangile où J. C. dit à fes difciples: Que votre tréfor foit dans le ciel & ne téfaurifés point fur la terre. Ce font les paroles de Jean Villani, qui ajoûte: Le pape Jean difoit qu'il amaffoit ce tréfor pour fournir au paffage d'outre mer, & peut-être en avoit-il l'intention Et enfuite: Il fut modefte dans fa maniere de vivre, fobre, aimant mieux les viandes groffiéres que les délicates, & dépenfoit peu pour fa perfone. Prefque toutes les nuits il fe levoit pour dire fon office & pour étudier : il disoit la messe presque

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