des

temps avant la mort des prélats, fi bien que depuis AN. 1338. vingt-trois ans on n'en a élu aucun que par commandement du roi, & ainfi font intrus des gens incapables & fimoniaques. On fait marcher à la guerre prélats féculiers & réguliers, quoiqu'ils n'y foient obligés que pour repouffer les infidéles ou les schismatiques, en cas d'irruption dans le roïaume. Au commencement de chaque année on oblige les deux archevêques à doner pour étrenes deux cens marcs d'argent, & les évêques cinquante.

On traduit les clercs aux tribunaux féculiers, fans égard à leurs privileges: pour juger leurs differends on les condamne fouvent au combat fingulier, afin de leur faire perdre leurs droits crainte de violer les canons. On a défendu les affemblées des états, où l'on régloit le gouvernement du roïaume. On dépoüille les nobles de leurs charges & de leurs biens fans forme judiciaire. Toutes les bones coutumes font abolies, auffi-bien que les libertés & les droits accordés par les faints rois Etiene & Ladiflas: quoique le roi régnant ait fouvent promis avec ferment de les rétablir en leur premier état; & que le terme qu'il avoit pris pour l'exécution de cette promeffe foit expiré : en forte que tous les Hongrois font tournés à la révolte, & il est fort à craindre que la religion Chrétiene ne s'éteigne dans ce roïaume. Enfin quoique fuivant l'anciene coutume le roi dût fe gouverner par les confeils des évêques : il ne les écoute pas même quand ils lui parlent pour les veuves & les orfelins, il les repouffe honteusement. Les prélats concluent en priant le pape de remedier à tous ces défordres. Ce qui fupofe qu'ils le croïoient en droit de prendre conoiffance de la con

AN. 1338.

LX.

Lettre des

Tartares &

pape. Vading.

1338. 12. 1. 2.

&c.

73.74.c.

duite des rois même pour le temporel & de les corri ger, fuivant la prétenfion de Boniface VIII. & la doctrine d'Auguftin Triomfe. Le pape Benoît XII. fe contenta d'écrire à Charles Roi de Hongrie une exhortation datée du vingtiéme de Septembre 1338.

Au commencement de cette année arrivérent à Avignon des envoïés du grand can des Tartares, avec des Alains au une lettre où il fe qualifie empereur des empereurs & parle ainfi : Nous envoïons notre nonce André Franc avec quinze compagnons au pape, feigneur des Chrétiens en France, au-delà des fept mers, où le folcil fe Rain. cod. n. couche: pour ouvrir le chemin aux nonces que nous envoïerons fouvent au pape, & à ceux du pape vers nous, pour le prier de nous envoïer fa bénédiction & de faire toûjours memoire de nous dans fes faintes prieres; & qu'il ait pour recommandés les Alains Chrétiens, nos ferviteurs & ses enfans. Qu'ils nous amenent auffi d'Occident des chevaux & d'autres merveilles. La date eft de Cambalec ou Cambalu. On voit ici quelle idée du pape les miffionaires avoient doné à ce prince: qui le nomme, non le pere ou le pontife, mais le feigneur des Chrétiens,

Sup. n. 30,

Quatre princes de la nation des Alains écrivirent auffi au pape difant en fubftance: Nous avons été long temps inftruits dans la foi catholique & gouvernés utilement par votre légat frere Jean homme de grand merite, mais qui eft mort il y a huit ans. C'est Jean de Montcorrin archevêque de Cambalu, mort par confequent vers l'an 1330. La lettre continuë: Depuis ce temps nous fommes demeurés sans superieur & fans confolation fpirituelle, quoique nous

aïons

.

aïons oüi dire que vous nous avés pourvû d'un autre AN. 1338. légat, mais il n'eft pas encore venu. C'est Nicolas du même ordre des frères Mineurs, facré archevêque de Cambalu en 1333. C'est pourquoi, continuë la lettre, nous fupplions votre fainteté de nous en envoïer un au plutôt. Comme aussi d'écrire gratieusement à l'empereur notre maître, pour établir le commerce d'envoïés réciproques qu'il vous demande, & lier amitié entre vous & lui: d'où s'enfuivra un grand bien pour le salut des ames, au lieu que fon indignation attireroit une infinité de maux.

Le pape reçut tres-bien ces envoïés, leur rendit beaucoup d'honeur & leur fit des préfens. Il les renvoïa avec plufieurs lettres datées du treiziéme de Juin 1338. tant au grand can & à d'autres princes Tartares, qu'aux princes des Alains, ausquels il envoïa auffi Rain. n. 78. une confeffion de foi entierement femblable à celle

que

Rain. n. 8o.

Clement IV. avoit envoïée aux Grecs. Quatre Sup. mois aprés le pape Benoît envoïa en Tartarie quatre Vad, n. 10. freres Mineurs en qualité de fes nonces, favoir Ni- 1. c. colas Bonet profeffeur en théologie, Nicolas de Molan, Jean de Florence & Gregoire de Hongrie, dont la commiffion eft datée du second de Novembre, & ne devoit fervir que dix ans.

Il fe trouvoit alors en Italie quelques impofteurs Rain. Ibid. Armeniens, qui fe difant évêques, maltraitoient les catholiques de leur nation. Athanase prétendu évêque de Veric étoit à Rome, où il enfeignoit des erreurs contre la foi ; & fe fervoit de privileges & d'autres lettres fausses fabriquées fous les noms de quelques papes. Il perfécutoit en diverfes maniéres les Armeniens catholiques : il avoit en horreur ceux qui avoient Aaaa Tome XIX.

AN. 1338.

LXI.

de cardi

naux.

810.c.242. Rain. 1335.

n. 63.

été baptisés felon la forme de l'églife Romaine : il les nomoit Renegats, les emprifonoit & leur faifoit fouvent plufieurs autres perfecutions, pour les ramener à leurs premieres erreurs. Le pape en étant averti, envoïa ordre à l'évêque d'Anagni son vicaire à Rome, de mettre Athanafe en prifon : à l'évêque de Florence & à celui de Padoüe de faire auffi emprifoner deux autres Armeniens coupables des mêmes crimes, favoir Pierre, foi disant patriarche de Jerusalem & évêque de Nazareth, qui étoit à Padoüe, & Ezéchiel fon vicaire, réfidant à Florence.

Le vendredi des quatre temps de l'avent dix-huitiéPromotion me de Décembre 1338, le pape Benoît fit une promotion de fix cardinaux : dont le premier fut Gocio de Baluz. vit. Rimini, ainfi nommé du lieu de fa naiffance, fon . 1. p. 209. nom de famille étoit Defbatailles : le pape l'avoit fait patriarche titulaire de CP. le quatorziéme de Juin 1335. Il fut declaré cardinal prêtre étant abfent, car cette année 1338. le pape l'envoïa légat en Sicile avec Ratier évêque de Vaifon. Le second cardinal fut Bertrand de Deuce alors archevêque d'Embrun. Il étoit né au château de Blandiac en la fénéchauffée de Beaucaire & au diocéfe d'Ufés. De prevôt de l'église d'Embrun il en fut fait archevêque en 1333. & la même année le pape Jean XXII. l'envoïa à Robert roi de Sicile & à François Dandole doge de Venife: pour les confulter fur les moïens d'arrêter les progrés des Turcs. Il étoit encore abfent quand il fut declaré cardinal prêtre.

Le troifiéme cardinal fut Pierre Roger de Maumont archevêque de Rouen & depuis pape Clement VI. Le quatriéme fut Guillaume de Court natif du

diocése de Toulouse : c'est-à-dire de Mirepoix avant AN. 1338. que ce fut un évêché particulier, Guillaume de Court étoit moine de l'ordre de Cîteaux & docteur en théologie. Il fut fait évêque de Nifmes le dernier jour d'Avril 1337. & le troifiéme de Décembre il fut tranfferé à l'évêché d'Albi, dont il étoit revêtu quand il fut fait cardinal prêtre. Le cinquiéme cardinal fut Bernard d'Albi natif du diocéfe de Pamiers. L'an 1336. il fut fait évêque de Rodés, & l'année suivante envoïé en Espagne, pour accorder le roi de Castille & le roi de Portugal; & il y étoit encore quand il fut fait prêtre cardinal. Le fixiéme & dernier de cette promotion fut Guillaume d'Aure, qui de moine de Lefat fut fait abbé de Montolieu par Jean XXII. en 1323. & emploïé par Benoît XII. en 1336. à la composition des statuts pour la réforme de l'Ordre de S. Benoît. Il fut nom- Sup. mé cardinal prêtre ; & cut pour fucceffeur en l'abbaïe de Montolieu Raimond Roger d'Aure son parent. Trois de ces cardinaux étant abfens lors de la promotion, ne reçurent leurs titres qu'un mois aprés, Muf. Ital.to. c'est-à-dire le feiziéme de Janvier 1339. à Avignon dans la chambre du pape. Ces trois étoient l'archevêque d'Embrun, Bertrand Deuce, qui reçut le titre de cardinal prêtre : le cardinal Blanc, Guillaume. de Court qui avoit été moine de Cîteaux, & reçut le titre des Quatre couronés; & le cardinal de Montolieu Guillaume d'Aure, qui eut le titre de S. Etiene au mont Celius. C'est ce que témoigne un auteur du temps, favoir le cardinal Jaques Gaëtan dans fon cérémonial de la cour de Rome.

Rain. n. 87.

2. P. 432.

LXII.

Procédures contre Pierre

Gocio le premier des nouveaux cardinaux étoit cependant en Sicile avec Ratier évêque de Vaifon, & roi de Sicile.

Aaaa ij