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AN. 1305.

Sup. liv. LXXXIX. n. 4. Vading. 1305. n.10.

occupé aux miffions du levant quand il écrivit au vi-
caire general de fon ordre une lettre, où il dit: Je
partis de Tauris ville de Perse l'an 1291. & j'entrai
dans. l'Inde où je fus treize mois à l'églife de l'apôtre
S. Thomas & je baptifai environ cent perfones en
divers lieux. Mon compagnon de voïage fut frere Ni-
colas de Pistoie qui mourut là & fut enterré dans la
même églife. Pour moi paffant plus avant j'arrivai au
Catai roïaume de l'empereur des Tartares
que l'on
nomme le grand Can. Je l'invitai, fuivant les lettres
du pape, à embraffer la religion Chrétiene, mais il
eft trop endurci dans l'idolatrie : toutefois il fait beau-
coup de bien aux Chrétiens,& il y a déja plus de deux
ans que je fuis chés lui. Des Neftoriens qui portent le
non de Chrétiens, mais qui font fort éloignés de la
vraie religion, font fi puiffans en ces quartiers là,
qu'ils ne permettent à auçun Chrétien d'un autre rit
d'y avoir un oratoire, quelque petit qu'il foit, ni de
prêcher autre doctrine que la leur: car aucun des apô-
tres ni de leurs difciples n'eft venu en ces païs. Ces
Neftoriens donc, tant par eux que par d'autres gagnés
à force d'argent, m'ont fufcité de tres rudes perfecu-
tions, difant que je n'étois point envoïé par le pape,
mais que j'étois un grand espion & un feducteur; &
quelque temps aprés ils ont amené d'autres faux té-
moins qui difoient qu'on avoit envoïé à l'empereur
un ambassadeur qui lui portoit de grandes richesses,
que je l'avois tué dans l'Inde & avois emporté ce tre-
for. Cette impofture a duré environ cinq ans : en forte
que j'ai été fouvent traîné en jugement avec honte &
en peril de mort. Enfin par la confession d'un cou-
pable l'empereur a connu mon innocence & la ma-

lice de mes ennemis, qu'il a envoïés en exil avec A N. 1305.

leurs femmes & leurs enfans.

n. 19.

J'ai paffé onze ans en cette miffion fans compagnon jufqu'à l'arrivée de frere Arnold Alleman de la province de Cologne, depuis laquelle c'est ici la feconde année. J'ai bâti une église dans la ville de Rain. 1305. Cambalu, qui est la principale refidence du roi : il y . a fix ans que je l'ai achevée, j'y ai fait un clocher & y ai mis trois cloches. J'y ai baptifé comme je croi jufqu'à prefent environ fix mille perfones ; fans les calomnies dont j'ai parlé, j'en aurois baptifé plus de trente mille, & je fuis fouvent occupé à baptifer. J'ai inftruit auffi fucceffivement cent cinquante enfans de païens de l'âge d'entre fept & onze ans, qui ne conoiffoient encore aucune religion. Je les ai baptifés & leur ai apris les lettres latines & grecques, & j'ai écrit pour eux trente-deux pfautiers avec les hymnes & deux breviaires : par le moïen defquels onze enfans favent déja notre office, tienent le choeur & font leurs femaines comme dans les couvents, foit que je fois prefent ou non. Plufieurs d'entr'eux écrivent des pfautiers & d'autres chofes convenables, & l'empereur fe plait fort à les oüir chanter. Je fone les cloches pour toutes les heures & je fais l'office avec les enfans, mais nous chantons par routine n'aïant pas de livres

notés.

Un roi de ce païs-là nommé George de la fecte des Neftoriens & de la race du prêtre Jean de l'Inde, s'attacha à moi la premiere année que je vins ici, & s'étant converti à la foi catholique par mon miniftere, il reçut les ordres mineurs & me fervit la meffe revêtu de ses habits roïaux. Quelques autres Nestoriens l'a

cuferent d'apoftafie: mais il ne laiffa pas d'amener à la AN. 1305 foi catholique une grande partie de fes fujets, fit bâ

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tir une églife magnifique à l'honeur de Dieu, de la
fainte Trinité & du pape, la nommant l'églife Ro-
maine. Ceprince mourut il y a fix ans bon Chrétien,
laiffant un fils qui a maintenant neuf ans. Mais les
freres du roi George étant Neftoriens pervertirent.
aprés fa mort tous ceux qu'il avoit convertis, & les
ramenerent à leur fchifme. Ainfi comme j'étois feul
& ne pouvois quitter le Can, je ne pus aller à cette é-
glife, qui eft à la diftance de vingt journées : toute-
fois s'il me vient quelques bons ouvriers, j'efpere en
Dieu
que tout fe poura rétablir:
rétablir: car j'ai encore le pri-
vilege du roi George. Je le repete, fans ces calomnies
le fruit auroit été grand; & si j'avois cû deux ou trois
compagnons, peut-être que le Can feroit baptisė. Je
vous prie donc fi quelques freres veulent venir, qu'ils
foient de ceux qui cherchent à doner bon exemple
& non à fe faire valoir.

Quant au chemin, je vous avertis qu'il eft plus court & plus fur par les terres de l'empereur des Tartares feptentrionaux, en forte qu'on peut arriver en cinq où fix mois. L'autre chemin eft tres-long & tres-dangereux; il a deux trajets de mer,le premier de Provence à Acre, le fecond d'Acre à Angelic ; & il pouroit ariver qu'à peine feroit-on ce voïage en deux ans. Depuis douze ans je n'ai point reçu de nouvelles de la cour de Rome, de notre ordre & de l'état de l'occident mais il y a deux ans qu'il vint un chirurgien Lombard, qui répandit fur ce fujet en ces quartiers des medifances incroïables. Je prie donc nos freres à qui cette lettre parviendra de faire en forte que ce

qu'elle

qu'elle contient viene à la conoiffance du pape, des A N. 1305. cardinaux & des procureurs de notre ordre en cour de Rome. Je fuplie notre miniftre general de m'envoïer un antiphonier, une legende des faints, un graduel & un pfautier avec la note,pour fervir d'original : car je n'ai qu'un breviaire portatif avec de courtes leçons & un petit miffel. Si j'ai un original, les enfans dont j'ai parlé en écriront. Je fuis maintenant occupé à bâtir une autre église pour divifer ces enfans en plufieurs lieux. Je fuis deja vieux & j'ai blanchi plûtôt par les travaux & les afflictions que par l'âge: car je n'ai que cinquante-huit ans. J'ai apris fuffisamment la langue & l'écriture des Tartares; & j'ai déja traduit en cette langue tout le nouveau teftament & le pfautier: j'enseigne & je prêche publiquement la loi de J. C. felon ce que j'ai vû & oüi. Je ne crois pas qu'aucun prince au monde puiffe être égalé au Can pour l'étendue du païs, la multitude du peuple & la grandeur des richeffes. Donné en la ville de Cambalu au roïaume de Catai l'an 1305. le huitiéme de Janvier, bit... Telle eft la lettre de frere Jean de Montcorvin qui a befoin de quelques obfervations.

V. Haiton.

c. 1.

Bibl. orient.

P. 991.

Le roïaume de Catai ou Catha eft la Chine feptentrionale, conuë alors fous le nom de Catai, comme il paroît dans la relation du Venitien Marco Paolo qui y étoit vers l'an 1269.elle fut nomée Chine par les Portugais, qui la découvrirent en 1516. Ce païs avoit des rois particuliers dont la réfidence étoit à Cam- P.222.253. balu ou Can-balic, conuë aujourd'hui fous le nom de Pequin. Cependant fuivant cette lettre il femble que le grand Can des Tartares refidât alors à Cambalu; & ce grand Can étoit Mahomet Gaïateddin autre, Tome XIX.

M

p.ss.

P. 363.

AN. 1305. Pococ. Supl.

P. 3.

C. 45.

ment Algiaptou fils d'Argon qui fucceda à fon frere Cazan en 703. de l'Hegire ou 1303. Il fe nommoit auffi en Perfan Chodabenda,c'est-à-dire ferviteur de Dieu,

& regna jufqu'en 716. 1316: fuivant les hiftoires orientales: il réfidoit l'hiver à Bagdad & l'efté à SultaHait. hift. nie, qu'il fonda en 705. 1304. C'est celui qu'Aïton nomme Carbaganda par corruption de Chodabenda. Il dit qu'il étoit né d'une mere Chrétiene, & qu'il avoit été baptifé & nommé Nicolas : mais qu'aprés la mort de fa mere il fe fit Musulman. Quant aux Neftoriens ils s'étendirent d'abord dans l'empire des Perfes ennemis des Romains, & avancerent encore plus vers l'orient fous la domination des Musulmans, en forte qu'ils entrerent à la Chine dés l'an 636. de Kirch.China J. C. A l'égard des medifances répanduës par le chiilluftr. fol.91. rurgien Lombard, ce pouroit bien être les reproches contre le pape Boniface.

XLVII.

ce Arme

nien.

Haïton que je viens de citer étoit un Armenien Haiton prin- feigneur de Curchi parent du roi d'Armenie, qu'il fervit pendant plufieurs années dans les guerres conHait. praf. tre les Sarrafins & les Tartares, aïant toutefois réfolu bist. c. 46. depuis long-temps d'embrasser la vie religieufe, ce qu'il executa cette année 1305. car aprés une grande victoire remportée par les Armeniens fur les troupes du fultan d'Egypte en Caramanie, il prit congé du roi Livon & de fes autres parens & paffa en l'ifle de Chipre où il prit l'habit dans un monaftere de l'ordre de Premontré nommé Epifcopia.

L'Armenie avoit déja eû deux rois du nom d'Haïton. Le premier après avoir regné quarante-cinq ans, Hait. hift. laiffa le roïaume à fon fils Tivon ou Livon, se fit moine, on ne dit point de quel ordre, & prit le nom

C. 33.

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