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la paffion délicate & conftante du malheureux Comte des Barres ne pourront vaincre une foibleffe qui me force à vous méconnoître. Blâme - moi, Salmeni, autant que je me défapprouve; j'y confens, repliqua Mademoiselle du Mez mais dis-moi fa tu crois Roger amoureux d'Adélaïde ? Que vous importe, Mademoiselle, repartit Salmeni? Que m'importe, reprit vivement Mademoiselle du Mez? n'euffé-je que l'intérêt de mon frere, il m'importe de favoir fi Roger eft fon Rival. En pouvez-vous douter, lu dit Salmeni? votre cœur cherche à vous abuser. L'éloignement du Comte de Rethel, qui vous étonne, qui vous fait douter, eft la preuve certaine de fa tendreffe pour Mademoiselle de Couci, & de l'intelligence de leurs cœurs. Ne voyez-vous pas, Mademoiselle , que le Comte de Rethel ne difparoît de la Cour, que pour éloigner tout foupçon ? Il craint Enguerrand; il craint que Monfieur le Maréchal ne découvre qu'il eft fon Ri-\ val; il craint le reffentiment que le Roi pourroit en avoir; il craint qu'Adélaïde ne foit la victime de celui d'un pere violent & irrité; il vous craint, Mademoiselle, votre pénétration l'a dé

jà fait trembler; enfin, il fe craint luimême, Son abfence eft l'effet de la prudence & des confeils du Sire de Couci il'eft dans les intérêts d'une fœur qu'il aime tendrement, & d'un ami qui lui eft auffi cher, que s'il étoit fon frere. Ils efperent tous trois que le temps, & qu'une obftination aufli méprifante que hardie rebuteront Monfieur le Maréchal, & que faifant enfin un autre choix, Enguerrand accordera fa fille au Comte de Rethel. N'en dontez donc plus, Mademoiselle e; ils s'aiment & s'aimeront toujours. L'A mour qui les fert jufques dans les obsta cles qu'il leur fait naître, vous trahit, en vous laiffant douter de leur commune tendresse. Oui, vous êtes fans espérance; il ne vous refte plus qu'à triompher de votre malheureuse foibleffe. Votre repos, votre gloire & votre raifon l'ordonnent; mais votre raison, lâchement efclave de l'amour, ne voit, n'entend, ne croit & n'écoute plus rien. Juge donc, Salmeni, de l'excès de ma tendresse, repliqua Mademoiselle du Mez! & obtiens de ta complaifance de ne me plus combattre. Par pitié, ne me montre plus des vérités qui me portent le poignard dans le fein, Dis-moi que Roger & Adélaïde s'ai

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ment; je veux, hélas! vainement en douter, mais ne me dis pas qu'ils parviendront un jour à être heureux. Ah! comment parviendroient-ils à l'étre? Roger arracheroit donc la vie à mon infortuné frere. Je ferois donc deux fois immolée au bonheur de ces Amants. Jufte Ciel ! je n'ofe y penfer. Que de maux préfents! que de malheurs -à craindre ! Mademoiselle du Mez, après avoir prononcé ces mots, tomba dans la plus profonde rêverie: elle rompit enfin le filence. Roger eft parti, ditelle; rien ne me retient plus à la Cour. Mon frere exige de mon amitié que j'aille à Chelles; fes intérêts & les miens le demandent. Eh bien ! je par- tirai demain: demain Adélaïde me verra. Oui, Salmeni: elle trouvera en moi une Compagne auffi perçante qu'incommode: j'aurai fans ceffe les yeux attachés fur fes moindres mouvements, fur toutes fes démarches, fur les perfonnes avec qui elle aura quelque liaifon; rien enfin ne m'échappera. Oui, je ferai bientôt inftruite du fecret de fon cœur, & ce fecret découvert, je pourrai rompre les mesures myftérieufes que fans doute elle a prifes. Pour mon mal-heur il ne m'eft pas permis de douter

qu'elle ne foit adorée de Roger; mais un autre que Roger pourroit être l'objet de fa tendreffe. Ah! Salmeni, s'il étoit vrai qu'elle en aimât un autre, je ne ferois pas fans efpérance!

La démarche de Mademoiselle de Couci avoit piqué au vif la Maréchale; elle étoit trop haute pour approuver d'abord le projet que fon fils avoit formé d'envoyer fa fœur à Chelles; cependant elle s'étoit rendue. Mais la maladie dangereuse dont elle fut attaquée, rompit les mesures concertées pour pénétrer le fecret d'Adélaïde; & Mademoifelle du Mez ne parut plus occupée que du danger où étoit une mere, qui lu étoit extrêmement chere.

Tandis que les fentiments de la nature & les mouvements de l'amour, jettoient Mademoiselle du Mez dans une fituation des plus triftes, Roger paffoit à Rethel les jours & les nuits, occupé d'Adélaïde. Les nouvelles qu'il recevoit. du Grand Senéchal, de fon cher Raoul & de Mademoiselle de Rocheville, lui caufoient de continuelles alarmes. II apprenoit du Comte des Barres, que le Maréchal, plus paffionné que jamais méprifoit fes confeils, pour n'écouter que le defir de fe venger de l'infulte

d'Adélaïde, fans cependant renoncer à fes prétentions. Raoul lui mandoit, que ni le temps, ni Madame de Couci ne pouvoient modérer le reffentiment d'Enguerrand. Ces fâcheufes nouvelles caufoient à Roger mille frayeurs i craignoit qu'Enguerrand ne fe portât jufqu'à la violence : il voyoit, en tremblant, expirer le délai des deux mois, que la douleur, les larmes, & les foumiffions de Madame de Couci & de Raoul, avoient obtenus. Malgré fon eftime pour Mademoiselle du Mez, il étoit dans des appréhenfions continuelles, que la malheureuse paffion dont elle étoit prévenue pour lui, ne la rendit indifcrete. Il ofoit cependant quelquefois, fe livrer au doux efpoir d'être un jour heureux; mais cette flatteufe idée étoit bientôt détruite, par la crainte mortelle de ne pouvoir triompher des obftacles qui s'oppofoient à fon bonheur.

La paffion du Comte de Rethel le livroit, prefque fans relâche, aux plus vives inquiétudes. Un jour qu'enfeveli dans une profonde rêverie, il marchoit à grands pas dans le cabinet de fon pere, fes regards incertains s'arrêterent fur une tablette, où étoit une petite boîte d'écaille, garnie d'or. Sans trop

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