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foit un certain prix que j'avois refufé á tout le refte.

Lorfqu'Alcide quitta la Cour de Bourgogne, je fentis un genre d'affliction qui m'étoit inconnu : j'en fus étonnée ; j'en cherchai la caufe, j'eus un dépit mêlé de honte, en la découvrant. Que vous dirai-je belle Adélaïde ? Je ne puis difconvenir avec moi-même de la tendre impreffion qu'Alcide avoit faite fur mon cœur. Je voulus appeller ma raifon à mon fecours, mais je l'implorai vainement; je fis la trifte expérience qu'elle ne fe montre forte, que lorfqu'elle ne voit point d'ennemis à com battre. L'idée d'Alcide m'a fuivie, m'a perfécutée fans relâche ni le temps, ni l'absence, ni le peu d'efpoir de le revoir jamais, n'ont pu l'effacer de mon fouvenir. Enfin, ne pouvant plus mé défendre, je livrai mon ame aux fentiments les plus vifs. Madame de Fajel *prononça ces dernieres paroles avec une voix entrecoupée de fanglots. Je ne puis pardonner, lui dit alors Mademoifelle de Couci, à cet heureux Alcide fon indifférence pour ce qui étoit de plus parfait à la Cour du Duc de Bourgogne, comme vous êtes aujourd'hui se qu'il y a de plus beau à celle de Fran

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ce: ce caprice, qui vous rend malheu reufe, me fait haïr cet Alcide; & fi ja mais votre confiance va jufqu'à me le nommer, quel qu'il foit, il pourra peutêtre perdre mon eftime. Que je crains, s'écria Madame de Fajel les yeux pleins de larmes, qu'il n'en foit trop digne ! Elle fe tut un moment, foupira', & reprit ainfi :

Il y avoit près de trois ans que j'éprou vois tout ce que l'Amour a de plus trif te & de plus humiliant, quand Mon fieur de Fajel, devenu veuf depuis quel ques mois, ,.me demanda à mon pere, & m'obtint. Le croirez-vous, belle Adélaïde? je n'en fus point effrayée. Les convenances que mon pere trouvoit dans ce mariage, lui firent oublier que Monfieur de Fajel paffoit pour être violent, bizarre, foupçonneux & jaloux & je ne l'en fis pas fouvenir L'envie que j'avois de mettre un frein à des fentiments inutiles & perdus, me fit regarder Monfieur de Fajel comme: un fecours affuré contre moi-même. C'en eft fait, me difois-je, je vais être forcée à revenir de mon égarement un devoir indifpenfable va triompher de ma folle paffion; la liberté que j'avois de l'entretenir, m'empêchoit de la

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vaincre. Hélas! je le croyois ! L'impatient Fajel vit arriver avec tranfport, le jour qui devoit nous unir. Je l'avois attendu fans crainte : je m'étois flatté de m'arracher à l'objet que le devoir me prefcriroit d'aimer ; je penfois que cet attachement feroit mon unique occupation & mon bonheur. Vain efpoir, qui fe diffipa à la vue de FAutel. Je frémis: je fentis dans cet inftant tout l'horreur d'un ferment folemnel, dont les droits facrés me réduifoient à renoncer à la feule idée qui m'étoit chere. Une pâleur mortelle fe répandit fur mon vifage: il échappa des larmes de mes yeux. Un refte de raifon me fit voir que je ne pouvois plus reculer; mais malgré l'effort extrême que je me faifois pour cacher le trouble de mon ame, il fut apperçu de Monfieur de Fajel. If lui apprit que je l'époufois fans l'aimer, & lui fit naître les craintes mortelles, que mon cœur ne fût prévenu en faveur d'un autre ; craintes, qui le tourmentent d'autant plus, que fa paffion n'a pas diminué, & qu'il cherche en vain l'objet qui lui vole mon cœur. Autant qu'il le peut, il dévore fes inquiétudes, & une jaloufie qu'il nomme délicateffe, mais qu'il ne

fauroit difconvenir être injurieuse à ma conduite. Cependant il me dit fouvent que je l'aimerois, fi je n'en aimois pas un autre: il ajoute que fes complaifances, fes attentions pour me plaire, & fa tendreffe vaincroient mon indifféren-ce, s'il n'avoit dans mon cœur que cette ennemie à combattre.

mais

Peu de jours après mon mariage, Monfieur de Fajel m'emmena dans fes Terres: ce fut alors que je fentis combien je m'étois abufée. Je connus, trop tard, que j'avois trop compté fur tvor, que cœur un devoir dont mon cœur fecouoit le joug. Ce févere devoir crioit contre ma foibleffe ; je le laiffois gémir fans lui rien accorder. Ses cris commençoient pourtant à fe faire entendre: je commençois à les écouter, lorfque mon pere: vint à la Cour de Philippe avec Monfieurde Fajel. Avec quel trouble & quelle douleur n'appris-je pas qu'ils m'appelloient auprès d'eux. Cette nouvelle étonna ma raison, & ralluma dans mon cœur la paffion qu'elle y avoit un peu affoiblie. J'écrivis à Monfieur de Fajel; je le priai, je le conjurai de ne pas exiger de moi de les venir joindre; mais toutes mes inftances furent vaines: mon pere & lui m'ordonnerent d'obéir. Il fal

fut partir. J'ai honte à l'avouer; il étoit des moments où je fentois la joie s'em-parer de mon cœur, où je penfois avec plaifir que j'allois recevoir celui qui m'avoit coûté tant de larmes, où j'oubliois enfin que c'étoit l'ennemi de mon repos & de celui de Monfieur de Fajel A ces mouvements fuccédoient des réflexions qui me faifoient paffer de la joie à la confufion, j'arrivai; je reftai quel ques jours fans vouloir paroître l'idée que j'allois voir Alcide me faifoit trembler. Hélas! je le vis, & je le trouvai tel que l'Amour l'avoit gravé, & dans mon efprit, & dans mon cœur. Je le vois tous les jours ce cher & fatal ennemi; & le plaifir de le voir ne m'inftruit que trop, qu'en vain j'espere vaincre ma foibleffe. Mais où m'emporte-t-elle Que viens-je de vous avouer? Je vais belle Adélaïde, perdre toute votre estime: l'idée de crime vous paroît peutêtre inséparable de mon égarement; peut-être votre vertu en eft-elle révol tée. Non, Madame, lui dit Mademoifelle de Couci, ne craignez rien; je vous aime, je vous eftime, & je vous plains.. Hélas! vous venez de me faire la peinture de l'état où mon obéiffance à mon pere, ne fauroit manquer de me rédui

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