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moins ma défobéiffance qu'il veut punir, que l'outrage que je fais à Alberic. Alberic eft favori de Philippe. Il faut le venger; il faut que la nature fe taife quand la politique parle, Ah! ma chere Rocheville, j'efpere tout de la Lettre que je vais écrire au Roi.

A peine Mademoiselle de Couci eûtelle pris fon parti, qu'elle écrivit à Madame de Fajel, pour la prier de venir à Chelles. Elle avertiffoit cette amie de ne demander que Mademoiselle de Rocheville, & finiffoit fon Biller en la conjurant de venir fur le champ à fon fecours. Le plaifir que fentit d'abord Madame de Fajel, en penfant qu'elle alloit voir Mademoiselle de Couci, fut mêlé d'inquiétude. La fœur de Raoul portoit un double titre d'amitié bien délicat. Adélaïde favoit le fecret de fon cœur, elle ne pouvoit le confier à d'autre.

Madame de Fajel, auffi preffée de voir Adélaïde, qu'Adélaïde l'étoit de lui parler, partit fur le champ. Que de chofes elles avoient à fe dire! Mademoiselle de Rocheville, après les avoir mifes enfemble, après avoir pris de fùres précautions, les laiffa en liberté. Alors Mademoifelle de Couci, avec une affliction qui faifoit juger de fa tendresse pour

le

Comte de Rethel, apprit à Madame de Fajel ce qui s'étoit paffé la veille. Elle lui motra la Lettre de Roger, & lui dit la réfolution où elle étoit de fuivre fon confeil; enfuite elle lui demanda fi elle refuferoit de préfenter fa Lettre au Roi ? Madame de Fajel lui promit de la lui remettre avant la fin du jour; elle ajouta, après l'avoir lue, qu'elle ne doutoit pas que le Roi n'en fût attendri. Le Comte de Rethel & moi, lui dit Adélaïde, allons vous devoir tout: fi nous fommes jamais heureux, nous vous ferons redevables de notre bonheur ! Qu'il eft incertain, repliqua Madame de Fajel! Comment ofer efpérer qu'Enguerrand y confente jamais? Hélas! ajoutat elle tendrement, que nous fommes toutes les deux à plaindre ! Roger & mon frere, le font-ils moins que nous, repartit Mademoiselle de Couci? Votre frere & moi, fommes les plus malheureux, répondit Madame de Fajel; mais il eft encore moins à plaindre que moi. Sa funefte flamme n'eft & ne doit être nourrie d'aucune efpérance; elle s'éteindra. Le foin de foutenir l'éclat de fon nom dans les diverfes carrieres que la gloire lui ouvrira, le diffiperont. Je le fouhaite. Puiffe-t-il trouver la tranquillité qui

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mefuira toujours! La présence d'un mari que j'eftime, mais que je n'ai pas choifi, me rappelle fans ceffe l'idée que l'amour, fans m'en appercevoir, grava dans mon cœur au Camp de Dijon, elle eft devenue plus vive depuis mon fatal féjour à la Cour de Philippe: il ne dépend plus de moi de modérer une triftelle qui me gagne & me furmonte.. Monfieur de Fajel la voit, il en cherche la caufe; fon caractere jaloux lui perfuade qu'un objet qu'il ne connoît pas : hé! quel malheur, hélas! s'il le connoiffoit, m'a frappé & infpiré des mouvements qui deviennent la fource de cette trifteffe. Ma fanté dépérit, je me fers de ce prétexte pour demander à Monfieur de Fajel de me ramener dans fes Terres ; il devroit le defirer, & par une bizarrerie que l'on ne peut comprendre, il résiste à toutes mes inftances. Que votre def tin, belle Adélaïde, eft différent du mien ! Vous avez, je l'avoue, des barrieres difficiles à franchir, mais qué vous franchirez; & moi & moi, je me vois environ née de précipices; fi j'en évite un, c'eft pour tomber néceflairement dans un au tre. Il en coûte à votre complaifance & à votre amitié, d'écouter le récit de l'état où je fuis. Vous pouvez vous applau

dir d'une fermeté héroïque; mais vous ne pouvez vous empêcher de blâmer une foibleffe honteufe. Qui pourroit croire que je fuis tout à la fois, criminelle & innocente ?

Mademoiselle de Rocheville,craignant qu'on ne découvrit les facilités qu'elle donnoit à Mademoiselle de Couci, interrompit une converfation, où nos deux infortunées Amantes trouvoient trop de douceur, pour s'appercevoir de fa durée. Elles fe jurerent une amitié qui n'avoit plus befoin de ferment: elles fe plaigni→ rent de n'avoir pas la liberté de fe voir, pour fe confoler ou s'affliger ensemble. Après de tendres adieux, Madame de Fajel retourna à Paris.

Adélaïde de Couci, foupçonnant que fon pere étoit venu à Chelles fans avoir communiqué fon deffein à perfonne, avoit écrit à Raoul en même temps qu'à Madame de Fajel; fes foupçons étoient bien fondés. Madame de Couci & fon fils croyoient Enguerrand tranquille, dans une Terre où il devoit refter quinze jours: ils ignoroient qu'il eût commencé fon voyage par Chelles. Raoul fentit pour Adélaïde, tout le péril de cette abfence: il comprit bien que fon pere ne s'étoit éloigné, que pour écarter

toutes follicitations, contraires à fes deffeins, & pour éviter les plaintes importunes, les reproches, les emportements d'une mere, & les larmes d'un frere. Raoul, inftruit de cette conduite mystérieufe, & des menaces qu'Enguerrand avoit faites à Adélaïde, apprit à Madame de Couci ce qu'elle ignoroit. Cette tendre mere effrayée de la tempête qui alloit fondre fur fa fille, prit le parti de diffimuler avec un mari abfolu & irrité; mais elle prit en même temps la réfolution de fe jetter aux genoux du Roi. Madame de Couci alla fur le champ chez la Reine-Mere, à deffein de la mettre dans les intérêts d'Adélaïde, à qui cet→ te grande Princeffe avoit fait l'honneur de donner fon nom avec Louis le Jeune, pere de Philippe.

La Reine étoit feule dans fon cabinet. Après avoir écouté Madame de Couci elle blâma la conduite d'Adélaïde à l'égard d'Enguerrand & d'Alberic; mais fenfible à la douleur d'une mere qui craignoit de perdre une fille unique dont la Reine connoiffoit le mérite, elle promità Madame de Couci de fe joindre à elle. Le Roi entra dans ce moment. Madame de Couci fe jetta à fes pieds: fa tendreffe pour Adélaïde & fa

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