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douleur la rendirent éloquente. Elle conjura Sa Majefté, dans les termes les plus touchants, de s'oppofer à la violence d'Enguerrand. Philippe fit relever Madame de Couci ; il lui parla avec bonté: mais ni elle, ni la Reine ne purent rien obtenir. Qu'Adélaïde, dit-il, époufe Alberic: s'il n'a pu gagner fon cœur, elle n'a pu du moins lui refufer fon eftime; & l'eftime fait plus fûrement le bonheur d'une union, que l'amour, Le Roi fortit en achevant ces mots, & laiffa Madame de Couci pénétrée de la plus vive douleur.

Adélaïde en écrivant à fon frere, lui avoit mandé qu'elle attendoit Madame de Fajel, pour la prier de préfenter une Lettre au Roi. La démarche inutile de Madame de Couci, à qui Philippe avoit marqué des égards & de l'eftimé dans toutes les occafions, laiffoit peu d'efpérance à Raoul. En arrivant de Chelles Madame de Fajel alla d'abord à la Cour. Raoul l'attendoit fur fon paffage ; Ah ! Madame, lui dit-il, que je crains pour ma four! Sa Lettre, quoique présentée de votre main, trouvera Philippe inexorable la Reine & ma mere n'ont pu rien obtenir. Le Roi laiffe mon pere le maître abfolu du fort de ma fœur,

Malheureuse Adélaïde, dit tendrement. Madame de Fajel, que je vous plains! Que le frere & la four font tous deux à. plaindre, reprit Raoul! Madame de Fajel attendrie,& les yeux prefque mouillés, dit: Que la raison, le devoir & l'amour, font de cruels tyrans! Adélaïde, pourfuivit-elle en rougiffant, l'éprouve dans fes remords, & dans les obftacles qui s'opposent à fon bonheur: cependant je ne fuis pas fans efpérance. Attendezmoi, ajouta-t-elle en quittant Raoul; je yous dirai en paffant quel aura été le fuccés des vœux que je fais pour Mademoiselle de Couci.

Le Roi étoit feul dans fon cabinet. Madame de Fajel lui fit demander la permiffion de l'entretenir un moment : elle entra, & présenta à Sa Majefté la Lettre d'Adélaïde. Elle étoit conçue en ces termes :

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Après avoir offense un pere que j'adores après avoir outrage un homme pour qui mon eftime eft parfaite; après avoir mérité l'indignation du plus jufte & du plus grand des Rois, puis-je ofer me profterner afes pieds pour implorerfa protection? Eh, contre qui! comment le prononcer? Contre

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un pere. Ciel! contre un pere. Mais que dis-je ? je n'ai plus de pere. Je l'ai vaine ment cherché dans Enguerrand: je n'ai trouvé en lui qu'un Juge inexorable. Il vient de m'inftruire des terribles réfolutions qu'il a prifes contre moi : il me les a communiquées lui-même, non pour me permettre d'y oppofer mes raifons, mais pour que j'euffe àm'y foumettre aveuglément. Malgré les bontés dont vous l'honorez, votre justice m'infpire la confiance d'implorer la protection de votre Majefté, pour la fupplier de donner des bornes à une autorité, dont je fuis à la veille de me voir la déplorable Victime. Votre Majesté, en fe laiffant attendrir par les larmes dont j'arrofe ce que j'écris,fauvera des regrets à un pere qui fe repentiroit, mais trop tard, de m'avoir tyrannifée dans l'action la plus effentielle de ma vie, & dont les fuites me rendroient malheureufe le refte de mes jours. Le véritable refpec eft timide; je n'ofe écrire à votre Majefté les mouvements dont je fuis agitée, quoique j'en fente toute la pureté & toute l'innocence. Quelle fituation! La grace que je demande à mon Roi, c'eft de pouvoir refter dans ce Monaftere, fans y changer d'état : j'attends ce bonheur de fa juflice & de fa bonté. ADELAIDE de Couci. Tome II,

F

Le Roi, après avoir lu la Lettre de Mademoiselle de Couci, dit à Madame de Fajel: Je plains Enguerrand, je plains Alberic; Adélaïde les outrage également, Ses procédés paroiffent fans excufe; je veux bien cependant lui donner occafion de les juftifier, fi elle le peut : j'irai à Chelles. Madame de Fajel quitta le Roj, peu fatisfaite de ce qu'elle venoit d'entendre: elle fentoit combien il étoit difficile à Mademoiselle de Couci de juftifier fa fuite & de fa défobéiffance.

Raoul attendoit Madame de Fajel avec une impatience que l'amitié & l'amour lui faifoient prefque également fen tir. Il fut fenfiblement touché de la réponse du Roi. Je plains Adélaïde, ditil, moins parce qu'elle eft ma fœur, que parce que je ne connois que trop les chagrins & les peines attachés à une paffion malheureufe. Qu'il eft dangereux, repliqua Madame de Fajel, de laiffer furprendre fon cœur. Eh quoi ! Madame, lui dit Raoul, voyant qu'elle vouloit le quitter, craignez-vous de me donner occafion de penfer que vous pouvez être touchée des peines des malheureux ? hélas ! il en eft qui méritent d'autant plus votre pitié qu'ils n'ofent fe plaindre: du moins ne leur re

fafez

pas ce fentiment généreux ; il n'a rien de criminel, & il peut adoucir une cruelle fituation. Madame de Fajel révoltée contre elle-même de fa complaifance à écouter le Sire de Couci, & fentant que dans ce moment elle ne pouvoit dominer fa foibleffe, le quitta en lui difant avec un trouble charmant pour lui : Chargez-vous de faire favoir à Mademoiselle de Couci la réponse du Roi. Raoul refta tranfporté de joie de n'avoir pas trouvé dans Madame de Fajel cette févérité qui la lui rendoit redoutable; il ofa même concevoir l'efpérance de lui arracher fon fecret.

A peine Madame de Fajel fut-elle fortie du Cabinet de Philippe, que ce Prinse envoya chercher Alberic: il lui montra la Lettre de Mademoiselle de Couci, fans lui dire qui la lui avoit rendue. Madame de Fajel avoit prié le Roi de lui garder le fecret, dans la crainte de s'attirer le reffentiment d'Enguerrand, & le blâme d'un mari, qui pourroit défapprouver fa complaifance.

Le Maréchal, toujours paffionnément épris de Mademoiselle de Couci, ne put, en lifant fa Lettre, renfermer fa douleur. Il l'exprimoit, tantôt avec vivacité, & tantôt par de tendres plaintes ;

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