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Reine-Mere, où elle alloit avoir la liberté d'entretenir Mademoiselle de Couci; que c'étoit dans cet instant qu'il devoit remarquer fi quelqu'un joignoit Madame de Fajel, & fi ce quelqu'un, fouvent le même, lui parloit d'un air mystérieux. Senéchal, pourfuivit le Roi, vous devez à l'amitié qui eft entre vous & Alberic ce que 'exige; ne craignez point de porter un coup trop fenfible au Maréchal; aimezle affez pour lui caufer une affliction néceffaire à fa tranquillité: fi Mademoiselle de Couci n'aime rien, il n'eft pas fans efpérance; mais fi un autre a fu lui plaire, la raifon du Maréchal doit le rendre à lui-même. Je veux cacher mes foupçons à Adélaïde; elle auroit trop d'avantage, fi elle les favoit: c'eft un génie qui n'eft pas ordinaire ; j'en ai connu toute l'étendue à Chelles; il m'a étonné : je dirai plus, il m'a prévenu en faveur d'Adélaïde: fes difcours ont toujours la force que donne la vérité; je l'avoue, je perdrois à regret l'eftime que j'ai conçue pour elle. Enfin je veux favoir fi elle aimc, ou fi elle jouit de cette indifférence dont elle fe pare: fi, contre l'opinion que j'ai ee fon caractere; fi, contre fon devoir,

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elle s'eft laiffée prévenir en faveur de quelqu'autre, je l'en punirai, en la remettant au pouvoir d'Enguerrand.

Le Comte des Barres croyoit avoir trop d'intérêt à concourir au bonheur du Comte de Rethel, pour exécuter ce que le Roi venoit de lui ordonner ; il étoit trop malheureux Amant, pour être fidele ami du frere de Mademoifelle du Mez. Son premier foin fut de chercher Mademoiselle de Couci il la trouva feule dans fon appartement.

Mes intérêts, Mademoiselle, lui dit-il, par une bizarrerie du fort confondus avec les vôtres, me forcent à faire une démarche, qui perfuaderoit au Roi que je fuis: indigne de fes bontés, fi jamais il venoità la favoir. Je ne réponds pas à fa confiance; je lui cache votre fecret, quand il me charge du foin de le découvrir & je manque à l'amitié qu'Alberic a pour moi; mais j'y fuis forcé. Pourquoi fuis-je auffi malheureux que lui ? Je vois votre furprise, Mademoiselle je vais encore l'augmenter. Enguerrand eft de retour: il vient d'avoir un long. entretien avec le Roi; je fais ce que le Roi a dit, & ce qu'Enguerrand a répondu il faut que vous le fachiez il faut auffi que vous soyez instruite de Tome II.

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ce que Sa Majesté attend de moi. Lorfque le Comte des Barres eut informé Mademoiselle de Couci des deux converfations dont elle avoit été le fujet, il ajouta, en voyant for em barras: doutez-vous, Mademoiselle,de ma fincérité? craindriez-vous de donner dans un piege? pourriez-vous trembler pour votre fecret? je le fais ce fecret; mais n'en foyez point alarmée. Vous ne pouvez comprendre les raifons qui m'engagent à préférer le bonheur du Comte de Rethel à celui du Maréchal je vais, pour vous ôter tout foupçon, vous expliquer ce myftere. J'adore Mademoiselle du Mez: l'ingrate aime le Comte de Rethel; oui ! Mademoifelle, elle eft votre Rivale : tremblez à ce nom, & comprenez l'intérêt que je prends au fort de Roger. Je ferai toujours fans efpérance, tant qu'il paroîtra libre de faire un choix. Eh bien, Mademoifelle, pourrez-vous encore douter que je ne facrifie tout pour concourir à votre bonheur ? J'appréhende toujours que quelqu'événement imprévu ne développe votre fecret; défiez-vous de tout; craignez d'être entendue, lors même que vous croirez avoir pris de fûres précautions,

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Madame de Fajel eft fufpecte au Roi, il la croit dans votre confidence, avertiffez-la ; on pourroit la furprendre. En un mot, Mademoiselle, fous quelque apparence de bonté que le Roi vous parle, pour vous faire avouer la véritable fatuation de votre cœur, fi vous con- ' veniez qu'il eft fenfible, vous feriez perdue dès ce moment, le Roi vous remettroit au pouvoir d'Enguerrand. Si vous voulez qu'il vous protege contre un pere irrité, continuez de dire que vous ne demandez que la liberté de ne jamais changer de nom. Vous en changerez, Mademoiselle, pourfuivit le Grand Senéchal; le temps que vous avez obtenu, pourra vous être d'un grand fecours. Alberic, aujourd'hui Fa-' vori de fon Roi, peut ceffer de l'être;' la Reine Adélaïde, dont vous gagnerez l'amitié, s'intéreffera pour un homme qui a l'honneur d'être de fa Maifon;" le Roi a de la bonté pour lui: Enguerrand n'eft pas immortel. Que de routes peuvent s'ouvrir pour vous' vers le terme ou vous afpirez J'y pourrai peu de chofe; mais, Mademoiselle je vous réponds de mon zele, & ge vous promets tous mes foins. Le Sire de Couci entra dans l'inftant que le

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Comte des Barres achevoit ces mots. Venez, mon frere, lui dit Mademoiselle de Couci, venez remercier pour moi le Grand Senéchal : ma fenfibilité au fer- i vice qu'il me rend, ne me laiffe que la liberté de fentir jufqu'où va ma reconnoiffance; elle eft extrême.

La converfation entre ces trois perfonnes, fut longue; tout ce qui venoit d'être dit fut répété. Raoul, & Adélaïde cacherent au Comte des Bar-. res, qu'ils étoient plus convaincus que lui, de la tendreffe de Mademoiselle du Mez pour le Comte de Rethel, mais fans pourtant effayer de lui perfuader qu'ils pouvoient fe tromper. Adélaïde étoit trop redevable à fes jaloux foup-. çons, elle en efpéroit encore trop d'avantage pour chercher à les détruire.

Le Sire de Couci ne fe cacha point du Grand Senéchal pour montrer à fa fœur une Lettre qu'il venoit de recevoir dun Comte de Rethel: on le voyoit, par cette Lettre, tranfporté de joie. Mademoiselle de Couci avoit arrêté les violents projets d'Enguerrand; elle n'étoit plus à Chelles; elle étoit à la Cour; le Roi étoit fon Protecteur; Alberic étoit condamné à attendre que le temps pût triompher de l'indifférence d'Adélaïde. L'espéran,

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