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ce que Roger ofoit concevoir d'un fi heureux fuccès, lui avoit fuggéré ces termes vifs & naturels, qui rendent fi bien une forte paffion. L'amour, le refpect, le regret d'être abfent, le defir de voler où étoit la belle Adélaïde; tous ces différents mouvements affurerent Mademoiselle de Couci, que le Comte de Rethel étoit digne de ce qu'elle faifoit pour lui. Si elle eût ofé fe permettre de prendre la plume, fon cœur lui auroit bientôt dicté des fentiments auffi tendres & auffi délicats, que ceux de Roger.

Mademoiselle du Mez n'avoit pas pas befoin d'être inftruite de ce que l'amour jaloux faifoit en faveur de Mademoiselle de Couci, pour preffentir que l'amour irrité facrifieroit Alberic & elle

Roger. Elle étoit fans efpérance, deDo au bonheur d'Adélaïde & de puis qu'Adélaïde, avoit su gagner l'ef prit du Roi, & s'affurer de fa protection. Elle voyoit avec un dépit amer, la ruine de fes intérêts, de ceux de fon frere, & leur double humiliation. Elle ne pouvoit tirer aucun avantage du fecret que fa jaloufie lui avoit fait péné trer fon amitié pour Alberic, & fa tendreffe pour Roger, la condamnoient

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à le garder, pour ne pas commettre ces deux illuftres & dangereux Rivaux.

La paffion du Maréchal n'étoit pas moins violente que celle de Mademoifelle du Mez: cependant il étoit moins à plaindre il doutoit de la véritable caufe de fon malheur ; il étoit des inftants où il fe flattoit qu'Adélaïde ne fe refufoit à lui, que parce qu'elle ne vouloit fe donner à perfonne; il osoit même quelquefois efpérer de vaincre cette ame altiere par fes foins, fes refpects & fa perfévérance: fes peines enfin étoient adoucies par la présence de Mademoiselle de Couci, & par la liberté de lui parler de fa paffion. Il n'étoit plus occupé que du defir de la voir & de lui paroître enfin digne d'elle. Son empreffement à étudier & à faifir les moments de l'entretenir ; l'air ; timide & refpectueux qui accompagnoit tous fes difcours, & même fes plaintes, tout affuroit Mademoiselle de Couci de la volence d'une paffion qu'elle auroit bien voulu n'avoir jamais infpirée. Ce qu'il lui en coûtoit d'efforts pour recevoir les foins du Maréchal, pour l'écouter, & pour lui répondre avec ménagement, fans pourtant quitster cet air de froideur, trop für garant

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de l'indifférence, la mettoit à la gêne mais elle fentoit la néceffité de fe cone. traindre. Cependant elle s'échappa un jour. Fatiguée des plaintes continuelles d'Alberic, elle lui dit : Je ne fuis pas affez injufte, pour douter des fentiments que vous avez pour moi; je ne fuis pas affez ingrate, pour vous refufer une fincere reconnoiffance, mais je crois qu'il faut plus que la reconnoiffance, pour se prêter à des proteftations d'amour, & pour foutenir fans impa tience des plaintes réitérées à tous les inftants. Faites-moi grace de ce langage, je ne faurois m'y faire vos foins, foutenus de mille bonnes qualités , parlent affez en votre faveur ; gagnez fur vous de m'épargner vos plaintes. Cet effort que vous ferez fur vous-même, me confirmera dans la -haute idée que j'ai conçue de votre fermeté d'ame. Quelqu'effort qu'il m'en coûte, repartit le Maréchal, j'obferverai, Mademoiselle, la dure loi que vous m'imposez; mais fi mais fi je la reçois avec foumiffion, je la reçois auffi avec une douleur bien fenfible. Cette loi barbare, contre laquelle vous ne m'entendrez murmurer que dans ce moment en me déchirant le cœur, me condan

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ne à un filence bien infructueux, puifque vous n'y attachez aucun elpoir. Ah! Mademoiselle, quel feroit mon malheur, fi votre tendreffe pour un autre, étoit le principe & la mesure de votre indifférence pour moi? Daignez au moins me raffurer; vous le pouvez d'un feul mot; mon eftime pour vous, auffi forte que ma paffion,ne me permet. tra pas feulement de douter. Ma conduite eft ma réponse, repliqua Mademoifelle de Couci avec fierté. Le Maréchal, étonné de la hauteur de cette repartie, & confondu par un regard d'Adélaïde, n'ofa ni en murmurer, ni s'en plaindre.

Le caractere de Mademoifelle de Couci étoit ferme, & doux en même temps ; elle avoit l'ame courageufe, & le cœur droit: fa fierté naturelle lui faifoit regarder avec mépris les complaifances qui pouvoient fe reffentir de l'ombre même de baffeffe; cependant elle connoiffoit ces complaifances bienféantes qui ne coûtent rien à la dignité des fentiments. Sa maniere de penfer étoit noble & relevée : elle n'aimoit ni à donner, ni à recevoir de ces louanges outrées, que la flatterie prodigue fans eftime, & que la vanité dévore

fans difcernement; mais elle favoit placer à propos celles qui ne coûtent rien à la vérité. Elle avoit une gaiere douce; fon humeur étoit égale, fon ef"prit étoit infinuant, fa conversation étoit liante, & fes manieres étoient affables, fans pourtant lui donner un air trop careffant. Elle étoit naturellement bonne, généreuse, humaine, fenfible aux peines des malheureux & fecourable. Avec ces heureux dons de la Nature, & une attention continuelle pour mériter l'amitié de la ReineMere, il eft aifé de penfer qu'en peu de

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temps, Adélaïde eut part à fa confiance & à fes bontés: cependant elle n'ofoit lui confier fes vrais fentiments; l'affurance que lui donnoit cette grande Princeffe, de lui garder le fecret & de l'aider de fa protection, ne pouvoit même la déterminer à lui ouvrir fon cœur.

Le Roi voyoit tous les jours Mademoiselle de Couci, & tous les jours il goûtoit de plus en plus fon caractere: il fe plaifoit à l'entretenir; le plaifir qu'il y trouvoit, le délaffoit agréablement de fes grandes occupations. Un jour ce Prince dit au Grand Senéchal : Si j'étois capable d'une foibleffe, Ma

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