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te. Que ne m'eft-il permis de fuir, s'écria Madame de Fajel en verfant des farmes ! Je n'en ferois pas moins à plain dre; mais du moins, je ne craindrois plus rien pour ma gloire. Le Sire de: Couci entra dans ce moment: il fut troublé en voyant Madame de Fajel le vifage mouillé de pleurs. Elle fe leva, & en embraffant Adélaïde, elle lui dit tout bas Souvenez-vous que je viens de vous rendre la maîtreffe du repos de Monfieur de Fajel, & de ma gloire. Elle fortit fans que Raoul eût le temps de lui parler, fans qu'il osât même lui préfen ter la main.

Si la curiofité peut être permife; fi l'on peut fans honte, céder à ce genre de foibleffe, c'eft fur-tout à un Amant qu'on doit le pardonner: mais qu'il en eft quelquefois puni! Raoul vient d'en faire la trifte expérience: il a voulu entendre ce que difoit en confidence Ma dame de Fajel à Mademoiselle de Couci. Il a entendu : Souvenez-vous que je viens de vous rendre la maîtreffe du repos de Monfieur de Fajel, & de ma gloire. Ii répete ces mots; qu'il en eft alarmé ! Quel eft donc ce fecret, ma fœur, dit-il à Adélaïde, qui vous rend la maîtreffe de la gloire de Madame de Fajel,& du

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repos de fon mari; ce fecret important qui lui coûte des larmes ? Vous avez mak entendu, mon frere, repartit Adélaïde. Non, non, repliqua Raoul, & je vous conjure de m'expliquer le myftere que renferment ces paroles. Je ne puis fatisfaire votre curiofité, lui répondit Adélaïde, & vous feriez injufte de vouloir l'exiger. Quoi! ma fœur, lui dit-il, cette amitié fans bornes qui eft entre nous, vous permet d'avoir quelque chofe de caché pour moi ? Non, mon frere, reprit-elle, fi c'étoit mon fecret. Craignezvous, repartit Raoul, que je trahiffe ceLui de Madame de Fajel ! Vous pouvez me le confier. Parlez votre résistance & le myftere irritent ma curiofité, & m'affermiffent dans mes foupçons Oui! l'amour feul eft le fujet de la confidence de Madame de Fajel, & de fes larmes. Hé! quel autre fujet pourroit lui en coûter? tout lui rit; rien ne manque, en ap parence, à fon bonheur : la naiffance le rang, la fortune & la beauté, font les biens qu'elle poffede. Aimée d'un pere, elle eft l'unique objet de la tendreffe, & peut-être de l'orgueil d'une mere idolâtre. Le plus heureux des maris connoît tout ce qu'elle vaut, il l'adore. Non il n'est qu'une passion fecrete qu'elle n'afe

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avouer qu'à vous feule, & qu'un honneur févere lui fait combattre à regret ; il n'eft que l'amour qui foit capable de traverser un bonheur fi parfait. Si Mademoiselle du Mez qui furvint, tira Mademoiselle de Couci de l'embarras où la mettoit un frere trop curieux & trop preffant, le Maréchal qui fuivit de près fa fæeur, la jetta dans une nouvelle peine.

Raoul de Couci étoit trop agité pour refter où il ne pouvoit plus efpérer de voir Madame de Fa el. Il alla chez la Reine-Mere: Madame de Fajel en fortoit ; il l'aborda avec timidité. Je vous cherchois, Madame, lui dit-il, pour vous marquer mon regret d'avoir, par ma préfence, précipité votre fortie de chez ma fœur ; votre fuite m'en a puni bien rigoureufement. Les larmes dont ma vue vous a dérobé la confolation, couloientelles en faveur d'Adélaïde ? Les donniezvous à la compaffion de fes difgraces ou bien un fentiment plus tendre vous les arrachoit-il? J'aime affez Mademoifelle de Couci, repliqua Madame de Fajel un peu émue,pour avoir donné des larmes à fa trifte fituation: mais fi votre préfence m'a fait effuyer des pleurs, ajouta-t-elle avec un regard févere, je

n'ai pas cru que vous duffiez me faire remarquer que vous les ayez apperçues. Elle quitta Raoul en achevant ces mots: il la fuivit chez la jeune Reine, où il n'eut pas long-temps le plaifir de la voir.

Plus Raoul étoit inquiet de ce qu'il avoit entendu, plus il murmuroit contre la difcrétion déplacée de fa fœur. Madame de Fajel eft prévenue en faveur de quelqu'un, fe difoit-il à lui-même; fes propres paroles ne me permettent pas d'en douter. Hé! quel eft-il cet heureux mortel qui a fu la toucher? Ses jaloux foupçons lui préfenterent mille objets, qui tous le bleffoient également. La rêverie qui l'avoit arrêté chez la Reine fans s'en appercevoir, l'en fit fortir de même fans favoir où il alloit: mais quelle fut fa surprise en voyant Madame de Fajel retirée dans l'embrafure d'une fenêtre, parler avec attention, & d'un air de myftere, au Comte de Rethel! If s'arrête : il examine Madame de Fajel: il croit lire dans fes yeux le bonheur de Roger. Il ne peut tenir ni à cette vue ni à cette idée : il ne fait s'il veut ou rentrer chez la Reine, ou aller les interrompre; mais dans cet inftant d'incertitude Madame de Fajel fe fépare du Comte de Rethel. Le Sire de Couci, fans rien

examiner, fe confirme dans fes foupçons. Sa jaloufie lui arrange fur le champ dans la tête une hiftoire pleine d'incidents & de détails. Il court chez Adélaïde à qui il va porter le poignard dans le fein. Il entre dans fon appartement. Il y trouve une compagnie nombreufe, qui ne lui laiffe pas la liberté de lui parler dans les premiers mouvements de fa chaleur. Unmoment après arrive le Comte de Rethel: fa vue augmente encore l'agitation du Sire de Couci; mais comme il ne cherche qu'à foulager fon cœur, c'est par Roger lui-même qu'il veut être éclairci. Ilache de commander à fes mouvements pour paroître tranquille; il va à Roger d'un air riant, le tire à l'écart, & lui demande ce que Madame de Fajel lui difoit chez la Reine; on m'a dit, ajoutet-il, qu'elle vous y a parlé. Roger ignoroit que Raoul l'avoit examiné avec des yeux jaloux pouvoir-il le penfer? Roger, qui vouloit se tirer d'embarras, & faire à Raoul un myftere de cet entretien," lui répondit que Madame de Fajel ne s'étoit point arrêtée avec lui; & qu'en paffant elle lui avoit feulement dit quelques mots. Hé! quels font-ils ces mots, reprit Raoul ? Les mots qu'on fe dit en paffant, repartit Roger: Bonjour ; d'où

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