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venez-vous ? où allez-vous?adieu. Raoul prefque convaincu par cette défaite, que fon plus cher ami le trahiffoit, quitta brufquement Roger, en lui difant d'un ton froid: Vous avez raison; ce ne peut être que ce que vous dites.

L'efprit de Raoul étoit trop rempli de ce qui s'étoit paffé, & fon cœur étoit tropagité, pour lui permettre un inftant de fommeil. Il attend le jour avec impatience; dès qu'il paroît, il court fe faire ouvrir l'appartement d'Adélaïde. Hé! mon frere, lui dit-elle toute effrayée, que venez-vous m'apprendre ? que vous eft-il arrivé ? vous allez achever de me défefpérer. Ma fœur, repartit Raoul, fi vous êtes encore aujourd'hui auffi difcrete que vous le fûtes hier, par pitié, avouez-moi que Madame de Fajel aime & que c'eft Roger qu'elle aime. Que dites-vous, mon frere, repartit Adélaïde? Madame de Fajel, dites-vous, aime le Comte de Rethel. Oui je le fais, repartit Raoul: voilà ce fecret qui vous rend la maîtreffe de fa gloire, & du repos de fon mari Madame de Fajel aime le Comte de Rethel, reprit encore Adélaïde! qui vous l'a dit, mon frere? comment l'avez-vous appris? Les farmes que verfoit hier Madame de Fajel quand je

fuis entré, répondit Raoul, m'ont d'abord fait foupçonner qu'une paffion les lui faifoit répandre. Ce que j'entendis confirma ce foupçon, & ce que je vis hier chez la Reine, m'a inftruit que l'heureux Roger eft l'objet de cette passion. Adélaïde troublée, s'écria d'un ton animé: Qu'avez-vous donc vu? apprenez-lemoi; car j'ignore que le Comte de Rethel foit aimé de Madame de Fajel. Vous déguisez, ma fœur, lui dit Raoul vous le favez; mais que j'en fuis étonné! Qui l'auroit jamais pu croire! Mon plus tendre ami, un ami qui m'étoit fi cher, qui fait que j'adore Madame de Fajel, me trahit lui-même. Oui, ma fœur, je vous l'avoue, mon défespoir 'm'arrache mon fecret. Oui, je l'adore; & l'infidele Roger ajoute au triomphe d'en être aimé, celui de me voir tous les jours humilié & défefpéré de l'indifférence de Madame de Fajel. Hélas ! c'étoit à lui que je m'en plaignois. Adélaïde, impatiente d'être mieux éclaircie, & auffi agitée que Raoul, lui dit vivement: Apprenez-moi donc ce que vous avez vu; que je fache fi vos foupçons font bien ou mal fondés. Il ne 's'agit pas de foupçons, repliqua Raoul, j'ai des certitu¬ des; vous en allez juger.

Raoul conta à Adélaïde ce qui s'étoit paffé chez la Reine, l'embarras de Roger, quand il lui avoit dit qu'on l'avoit vu parlerà Madame de Fajel, le mystere qu'il lui avoit fait de cet entretien: à toutes ces circonftances il ajouta, que la perfidie de Roger étoit écrite fur fon vifage & dans fes yeux. Hé bien! ma sœur, continua-t-il, pouvez-vous encore me taire que voilà ce fecret fur lequel l'on vous recommandoit d'être fi réservée ? Vous voyez que le fort qui me perfécute a voulu m'inftruire de mon malheur par mes propres yeux : mais, de grace, apprenez-moi les circonftances que j'ignore: vous aiderez par là un frere qui vous aime, & que vous aimez, à se guérir d'une paffion, dès fa naiffance funefte à fon repos. Vous lui fournirez des armes, & contre Madame de Fajel & contre un infidele ami. Oui! je veux les oublier tous les deux. Je ne faurois, mon frere, vous donner des armes ni contre l'un, ni contre l'autre, lui répon dit Adélaïde tout ce que vous venez de me dire me furprend, & me touche autant que vous; mais, croyez-moi, mon frere, continua-t-elle en lui ferrant la main,c'est vous même qui venez de m'apprendre ce que je n'aurois jamais pensé,

que vous difoit donc Madame de Fajel, reprit Raoul! Jamais n difcrétion ne fut mife à une épreuve fi délicate, lui répondit-elle; & fi un fecret confié pouvoit m'échapper, ce feroit fans doute dans ce moment: mais vous me mépriferiezau fond du cœur, fi je trahiffois Madame de Fajel. Tout ce que je puis, mon frere, c'est de vous dire qu'elle me parut hier digne de mon amitié & de mon eftime. Ne me demandez rien de plus; je vous prie même de me laiffer feule; je fuis trop sensible à votre dou

leur.

A peine Raoul fut-il forti, qu'Adélaïde s'écria: Rien ne manque à mon malheur: mon pere veut me livrer à ce que je hais, & je fuis trompée par ce que j'aime. Le Comte de Rethel aime Madame de Fajel: hélas ! je ne vois que trop à préfent la raifon qu'elle avoit de me parler de celui qu'elle adore, fous le nom emprunté d'Alcide. Mais, fi c'eft le Comte de Rethel, pourquoi m'avouer fa tendreffe; ou plutôt, fi ce n'étoit pas lui, pourquoi me cacher le nom de celui qui la lui a infpirée ? Ah! je vois fa litique: elle a cru que je devinerois que cet Alcide étoit le perfide Roger ! elle a voulu m'arracher l'erreur où j'étois de

po

me croire aimée. A ces réflexions en fuccéderent d'autres qui la firent douter, mais qui ne purent lui rendre fa tranquillité. Quelle contrainte pour elle ! il fau dra qu'elle paroiffe chez fa mere, où el, le fera forcée de porter un vifage ferein. Elle en prit la réfolution: étoit-ce affez pour l'exécuter.

Le Maréchal profita du dépit de Mademoiselle de Couci : il lui trouva un air moins indifférent; mais elle ne lui ménageoit ce plaifir imaginaire, que dans les moments où le Comte de Rethel pouvoit en être le témoin: il le fut bientôt, Alberic étoit à côté d'Adélaïde: elle paroiffoit l'écouter avec complaifance; elle lui répondoit avec un air de liberté, & même de gaieté, qui en même temps étonna & troubla Roger. Il cherchoit en vain les yeux d'Adélaïde; elle ne daignoit pas feulement le regarder. Sa douleur augmentoit à mesure qu'il voyoit fon indifférence pour lui, & fes manieres obligeantes pour le Maréchal. Il cherchoit même inutilement la caufe de l'une & de l'autre ; car enfin, il favoit Alberic haï, & il fe flattoit, avec raifon, d'être regardé d'un autre ceil. Le Maré chal fe leva pour aller faire une partie de jeu avec Madame de Couci ; auffi-tôt le

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