페이지 이미지
PDF
ePub

Comte de Rethel, qui ne s'étoit point encore affis, prit fa place, mais Adélaïde quitta la fienne; &, fans le regarder, elle fut fe placer à côté du Maréchal..

A cette cruelle journée, qui jetta le Comte de Rethel dans une extrême défolation, en fuccéda une feconde, puis une troifieme pour lui bien plus terrible. encore. Il n'y put tenir ; il voulut s'expliquer ; il en chercha le moment; il le trouva; & en s'approchant d'Adélaïde, il lui dit : Ah! Mademoiselle, que je fuis à plaindre. Je le vois; le Maréchal a vaincu votre répugnance. Que dis-je ? il ceffe de vous déplaire. Dites que je ceffe d'être injufte, lui repliqua Adélaïde en le quittant brufquement. Le Comte de Rethel, accablé de douleur, ne favoit à quoi attribuer le ton de fierté & même de mépris qu'il effuyoit fans l'avoir mérité. Quel changement, fe difoitil à lui-même. Pourquoi Adélaïde me fuit-elle ? Pourquoi Raoul m'évite-t-il par-tout? Non, je ne reconnois plus ni le frere ni la fœur. De quel crime me puniffent-ils? Sachons-le de Raoul même: je fuis innocent, je ferai bientôt justifié. Adélaïde, que vous êtes injufte! Dans ce moment Madame de Fajel arriva ; Adélaïde fe fentit émue en la voyant,

&

[ocr errors]

& Raoul fut troublé. Sur le champ, les yeux du frere & de la four furent attachés fur le Comte de Rethel & fur Madame de Fajel. Adélaïde tomba bientôt dans une profonderêverie, dont tout à coupelle revint. Elle fit figne à fon frere de s'approcher d'elle, & lui dit tout bas: Allez dire à Madame de Fajel que je veux lui parler; je vais paffer dans mon appartement, priez-la de me suivre. Raoul fur s'appuyer fur le dos du fauteuil de Madame de Fajel; après luiavoir dit à l'oreilde ce dont fa fœur venoit de le charger, itajouta : Que Roger eft heureux ! il fera le fujet de votre converfation, tandis que vous me priverez du plaifir de vous contempler; mais du moins, pour m'éloigner de ce qui bleffe ici mes yeux, je me retire. Adieu, Madame.

Raoul fortit: ilalla promptement dans l'appartement de fa fæeur, à deffein de s'y cacher; mais il défefpéroit de trouver où fe mettre: il craignoit d'être furpris, lorfqu'il apperçut une clefà la porte d'un petit cabinet, pratiqué dans une tour; il s'y jetta & s'y renferma. A peine y étoit-il, qu'il entendit fa fœur & Madame de Fajel: elles s'affirent toutes deux à côté de ce petit cabinet, d'où Raoul pouvoit les voir & les entendre.

Tome II.

B

1

J'ai été fenfible, comme je le dois, dit Mademoiselle de Couci à Madame de Fajel, à la marque de confiance dont vous m'avez honorée; mais cette même confiance me donne le droit de me plaindre de ce que vous ne l'avez pas eue entiere: mon amitié en murmure. Ce n'est pas mon indifcrétion que vous craignez: l'aveu que vous m'avez fait eft fi délicat, qu'il m'affure de l'eftime que yous avez pour moi. Que craignez-vous donc ? Ah! belle Adélaïde, s'écria Madame de Fajel, que vous me caufez d'alarmes ! Pourquoi cette curiofité ? Qui peut vous la faire naître ? De grace, laif fez-moi la maîtreffe de mon fecret. Hélas! ajouta-t-elle toute éperdue, qu'ai-je fait? Pourquoi faut-il que votre douleur m'ait attendrie, au point de vous laiffer voir que j'étois encore plus à plaindre que vous ? Pourquoi vous ai-je avoué ma foibleffe? Que j'en crains les fuites! Que je crains de payer cherement la liberté que je me fuis permife pour la premiere fois! Le défordre de Madame de Fajel, le regret qu'elle témoignoit d'a voir ouvert fon cœur à Mademoifelle de Couci, fa résistance, tout augmenta le foupçon de la tendre Adélaïde. Quel eft-il donc ce mortel que vous n'ofez

nommer, lui dit-elle ? Que pouvez-vous craindre en me le faifant connoître? Ah! que vous êtes cruelle, Jepartit Madame de Fajel! Mais, pourfuivit-elle, quelle eft votre raison pour vouloir si obstinément m'arracher mon fecret? La voici repartit Adélaïde. Mon caractere & la droiture de mon cœur ne me permettent pas d'employer le moindre artifice pour découvrir fi mes foupçons font véritables: c'eft de vous-même que je veux le Lavoir; tout autre moyen me paroîtroit, indigne de moi. Depuis trois jours, continua Mademoiselle de Couci, vous, me rendez la plus malheureufe perfonne du monde, peut-être la plus injufte: en un mot, rien ne peut vous empêcher de m'apprendre quel eft cet Alcide; fi cet Alcide n'eft pas le Comte de Rethel. Je le crains; vous favez ma tendreffe pour lui, jugez de mes alarmes. Par pitié, fi je vous fais injure, calmez-les. L'étonnement où je fuis, repliqua Madame de Fajel, m'a empêché de vous interrompre. Quoi! vous croyez que j'ai me le Comte de Rethel? Pouvez-vous le penfer? Que je fuis à plaindre, s'écria-t-elle! Comment détruire ce foupcon? car, ne l'efpérez pas, je ne vous nommerai jamais. Vous confentez

donc, lui dit Adélaïde en lui coupant la parole, à me laiffer accablée de la douleur où vous me voyez ? Ah! belle Adélaïde, repartit Madame de Fajel en l'embraffant, eftimez-moi affez pour m'en croire fur ma parole. Non, ce n'eft pas' le Comte de Rethel que j'aime : cependant je ne puis vous nommer mon cruel vainqueur. Que deviendrois-je, s'il favoit ma foibleffe? Hélas! ajouta-t-elle en verfant des larmes, que je crains, qu'il n'en ait déjà trop vu! que je redoute fa pénétration! que j'en fuis effrayée! Ah! c'eft mon frere, s'écria Adélaïde ! eft-ce lui? Parlez, n'appréhendez rien : je connois toute l'importance de votre fecret: Que je ferois criminelle, fi je découvrois votre foibleffe à un ennemi fi cher & fi redoutable! Il vous adore..... Mais vous ne répondez rien, reprit Adélaïde?... Me tromperois-je ? La confusion que votre difcours me caufe, repliqua Madame de Fajel, Fajel, n'est-elle pas l'aveu de la funefte vérité que vous venez de découvrir? Oui, belle Adélaïde, votre frere eft cet Alcide qui me rend malheureufe depuis ce Camp fatal du Duc de Bourgogne; cet Alcide, que j'ai craint de voir en arrivant à la Cour de Philippe; que j'y ai vu avec un plaifir que je

« 이전계속 »