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la tendre Adélaïde des foupçons qui fa tourmentoient; il inftruifoit Raoul de la tendeffe que fa fœur avoit pour Roger; il le faifoit paffer du défespoir le plus violent, au plaifir le plus fenfible; il venoit d'apprendre, de la bouche même de l'objet qu'il adoroit, qu'il étoit aimé ; & dans quel inftant? au moment que fa jaloufie croyoit avoir trouvé un rival dans fon plus fidele ami. Ils étoient tous contents les uns des autres cependant pas un d'eux n'étoit heureux. Adélaïde regardoit avec effroi la réfiftance qu'elle alloit opposer aux volontés d'un pere ; & elle craignoit de n'être jamais à ce qu'elle aimoit.. Roger, qui fe flattoit de n'être pas haï appréhendoit qu'un rival ne devînt poffeffeur de l'objet qu'il adoroit. Madame de Fajel fe reprochoit fa tendresse pour Raoul. Raoul craignoit la vertu de Madame de Fajel; il craignoit que cette vertu trop févere, ne voulût le punir de la paffion qu'il reffentoit, & de celle qu'il infpiroit.

Le jour approchoit où le Maréchal de voit époufer Adélaïde : l'amour le faifoit foupirer après ce moment fi attendu; cependant il le craignoit. Il tremBloit qu'Adélaïde ne portât jufqu'au

pied de l'Autel, l'indifférence qu'elle lui avoit toujours marquée : il fentoit avec dépit que la feule autorité d'un pere alloit le rendre époux d'Adélaïde. Sa délicateffe en étoit bleffée ; mais il regardoit comme le plus grand des malheurs de ne pas la pofféder. Si fa paffion faifoit naître fes craintes & fes inquiétudes, fon eftime pour Adélaïde lui donnoit auffi quelque efpérance. Quelle étoit fon erreur ! il fe flattoit que la qualité de mari rendroit Adélaïde fenfible. Le caractere de cette illuftre fille, toujours attentive à fes devoirs, tou jours occupée du foin de fa gloire, & dont la raison guidoit toutes les actions l'en affuroit. Tandis qu'Alberic étoit partagé entre la crainte, l'efpérance & les foupçons, fans pouvoir trouver une affiette tranquille, Adélaïde étoit livrée aux plus cruels combats. Son devoir fe foulevoit contre le projet qu'elle méditoit, pour fe fouftraire à l'engagement qu'elle redoutoit; mais fa fituation lui en faifoit voir la néceffité. Elle lui difoit que fon devoir auroit bien plus à murmurer, s'il avoit fans ceffe à lui réprocher fa haine pour un époux, & fa tendreffe pour un autre. Sa raifon, à fon tour, lui ordonnoit de préférer fon re

pos, à une foumiffion qui la rendroit malheureufe & criminelle le refte de fa

vie. Elle lui difoit le que temps pourroit la juftifier aupres de fon pere, mais qu'il ne le pourroit jamais à fes propres yeux, non plus qu'à ceux d'un mari dont la feule préfence lui reprocheroit eruellement fa foibleffe. Toutes ces réflexions rappellerent fa fermeté naturelles: elle prit enfin fon parti; mais avant de rien exécuter, elle voulut parler à fon frere: elle efpéroit de fon amitié, une derniere tentative auprès de fon pere.

Elle paffa dans l'appartement deRaoul. Si vous m'aimez, mon fiere, lui dit-elle, foyez touché de ma cruelle fituation. Vous pouvez tout fur l'efprit de mon pere; il ne vous a jamais rien refufé; il dépend de vous que je ne fois pas au Maréchal; mon pere fe laiffera fléchir quand vous l'exigerez de lui. Non! vous ne lui avez pas bien exprimé la répugnance extrême que j'ai pour cette union. Vous ne lui avez point paru affez fenfible à ma douleur. La vôtre, & des inftances réitérées l'auroient attendri. Seroit-il fans pitié ? voudroit-il que je fuffe malheureufe le refte de ma vie? Non, il eft pere, & je ne fuis pas

indigne qu'il fente en ma faveur les mouvements de la nature. Ali! mon frere, poursuivit-elle en l'embraffant tendrement, mettez tout en ufage pour m'arracher au fort affreux dont je fuis menacée. Je n'ai pas attendu, ma fœur, repliqua le Sire de Couci, à voir couler vos larmes, pour être touché de vo tre fituation; je la fais, & je vous plains. Je ne puis douter de l'éloignement que yous avez pour le Maréchal; je frémis, comme vous, de votre union. Vous me preffez de folliciter encore mon pere; la pitié que vous me faites, & l'amitié que j'ai pour vous, ont devancé votre priere. J'ai refté hier deux heures enfermé avec mon...... Ah! je fuis perdue, s'écria Adélaïde en coupant la parole à Raoul! Quoi! vous avez parlé à mon pere, & je l'ignore! fans doute qu'il a été inexorable! vous auriez eu plus d'empreffement à m'inftruire d'un entretien qui décide de mon fort. Mais que lui avez-vous dit? Que vous a-t-il répondu ? Suis-je enfin fans efpérance ? Parlez, mon fiere. Je n'ofe, lui dit Raoul; je vais vous affliger encore Il n'importe, repliqua Adélaïde, parlez, achevez de m'accabler. Hé bien ! lui répondit Raoul, je n'ai rien oublié pour

fléchir mon pere ; j'ai prié, j'ai gémi de votre douleur en embraffant fes genoux je lui ai montré tout votre éloignement pour Alberic; j'ai réclamé la nature dans fon cœur ; enfin j'ai ofé lui reprocher fa dureté. Que vous a-t-il répondu, lui dit Adélaïde ? Le voici, repartit Raoul.

Penfez-vous, mon fils, à ce que vous me demandez? Adélaïde me connoîtelle? Croit-elle, & croyez-vous vousmême que je veuille ternir ma gloire ? Quoi! vous voulez l'un & l'autre que je manque à Alberic, au Roi & à moimême ? Penfez-vous aux engagements que j'ai pris, & rendus encore plus refpectables par l'impatience que montre Sa Majefté de voir votre fœur unie au Maréchal? Songez-vous que dans quatre jours il recevra la main d'Adélaïde ? Et à la veille de cette union, je ferois un tel affront à Alberic? Non. Mais d'où part la répugnance d'Adélaïde ? Pourquoi hait-elle le Maréchal? Oferoitelle en aimer un autre? vous l'a-t-elle dit? répondez. Ma fœur, lui ai-je repliqué, ne m'a avoué que fa répugnance pour Alberic. Hé bien ! m'a-t-il dit brufquement, la tendreffe qu'il a pour elle en triomphera ; & fi elle a affez

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