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oublié fon devoir pour fe laiffer aller à quelque penchant, fans me confulter, je l'en punirai, en la traînant à l'Autel malgré elle. Avertiffez-la que je lui défends de me témoigner la moindre répugnance: en un mot, dites-lui que je veux être obéi. Pour vous, a-t-il ajouté avec un regard févere, apprenez à ne me demander que ce que je puis accorder fans bleffer mon caractere. Adélaïde au défefpoir, s'abandonna à la douleur la plus violente: fes larmes & fes fanglots l'empêchoient de prononcer une feule parole. Elle étoit dans cet état quand le Comte de Rethel parut. Quelle vue pour un homme auffi touché ! Quel fujet de contrainte pour lui! Roger interdit & troublé n'ofa demander à Adélaïde la caufe de fa douleur : il refta in mobile & muet, en jettant un œil égaré fur le frere & fur la fœur. Il attendoit avec une impatience égale à fon inquiétude, que l'un d'eux rompit le filence. Adélaïde le rompit en s'écriant: Je n'ai donc plus d'efpoir qu'en moi-même? Que mon pere eft cruel! Oui ! Comte, pourlaivit-elle en jettant un regard tendre fur Roger, mon pere, fans nul égard pour le repos de ma vie, veut me traîner à l'Autel; mais je n'y fuis

pas encore, s'écria-t-elle en fortant! Que ma fœur me fait de pitié, dit Raoul! Que je crains fon défespoir! Ah! mon cher Roger, que ne puis-je la rendre heureufe!

toutes

A peine Adélaïde fut-elle dans fon appartement, qu'elle envoya prier Madame de Fajel de venir chez elle. Elle vint l'après-dînée. Ces deux amies deux également à plaindre, s'enfermerent ensemble. Après un long entretien, elles pafferent chez Madame de Couci : Raoul & Roger y étoient; mais Raoul eut la douleur de voir Madame de Fajel fortir un moment après. Le plaifir que procuroit à Roger la liberté de voir Adélaïde, lui étoit chérement vendu par fes inquiétudes, & par la contrainte où il fe trouvoit en préfence du Maréchal & de Mademoiselle du Mez. S'il haïffoit l'un, il craignoit l'autre.

Tandis qu'Adélaïde fongeoit à exécuter un deffein qui devoit l'affranchir du fort qu'elle redoutoit, Roger en méditoit un autre. Il cherchoit l'occafion d'avoir une affaire avec Alberic; il vouloit ou triompher de ce rival, ou que ce rival triomphât de lui. Il vouloit que la mort décidât entre eux de leur deftinée; il ignoroit qu'Adélaïde en dé

cideroit elle-même, Le projet hardi qu'elle avoit conçu, & qu'elle alloit exécuter, ne lui permit aucun repos pendant toute la nuit. Son devoir à tous les inftants fe foulevoit contr'elle, & fans triompher de fa réfolution, lui faifoit mille reproches importuns.

Le lendemain, le Comte de Rethel vin chez Madame de Couci ; Adélaïde ; n'y étoit pas : il apprit qu'elle étoit dans fon lit avec un peu de fievre. Alarmé, plein d'inquiétudes, il paffa chez Raoul, qu'il trouva feul & rêveur. Qu'avezvous, mon cher Raoul, lui dit Roger ? Je viens de chez Madame de Fajel, répondit-il; elle eft partie ce matin pour la campagne; ne pouvant la voir aujourd'hui, je m'occupe du plaifir de fonger à elle: mais que ce plaifir eft mélé d'inquiétude! Je tremble toujours de la perdre. Que deviendrois-je, fi fa vertu, effarouchée de mon amour, lui difoit de fuir? L'amour vous auroit épargné bien des chagrins, mon cher Raoul, repartit Roger, fi au Camp de Bourgogne.... Ah! que vous me rappellez un trifte fouvenir, s'écria Raoul! L'amour dans ce Camp fatal, ne fit que la moitié de ce qu'il devoit faire il me fit voir à Mademoiselle de Vergi, digne

de lui plaire, & ne voulut pas me toucher en fa faveur. Se peut-il que je l'aie regardée avec indifférence ! Quelle fatalité! Dans ce temps-là, m'étoit-il défendu de l'aimer ? M'eft il permis aujourd'hui de l'adorer; ou plutôt, pourquoi Madame de Fajel venge-t-elle Mademoiselle de Vergi? Que cette vengeance lui coûte cher, répondit Roger Avec une égale tendreffe, vous n'êtes pas également à plaindre. Vous pouvez fans crime nous avouer la vôtre, ne pas même la combattre ; mais le devoir de Madame de Fajel lui en fait un de la fienne, & lui reproche fans ceffe de ne pouvoir la vaincre. Ce que vous avez entendu, vous en affure, & ajoute encore un prix à votre bonheur. Qu'il eft doux, mon cher Raoul, d'être aimé malgré la raifon & malgré le devoir! Qu'il eft doux d'en avoir triomphé, & d'être fûr que l'émotion que cause notre préfence, eft une preuve de notre victoire ! Dans l'inftant que Roger achevoit ces mots, un Gentilhomme de Raoul entra, & lui présenta une Lettre. Pendant que Raoul lifoit, Roger remarqua du trouble & de l'agitation fur fon vifage: il n'eut pas le temps de lui en demander le fujet. Raoul,

fans avoir achevé de lire cette Lettre fe tourna vers celui qui venoit de la lui rendre: Qui vous a donné ce Billet lui dit-il! eft-ce ma fœur? Le Gentil homme répondit que Mademoiselle de Couci, l'ayant fait venir dans fa chambre à l'entrée de la nuit, l'avoit chargé de cette Lettre, en lui ordonnant de ne la remettre à fon frere, qu'au moment où il feroit prêt à fe coucher; mais, continua ce Gentilhomme bruit qui vient de fe répandre.... C'eft, affez, lui dit Raoul; retirez-vous. Ah! mon cher Roger, s'écria-t-il; quelle nouvelle ! Comment l'annoncer à mon pere? Comment la lui cacher ? Ma fœur...mais lifez. Roger, plus agité mille fois que Raoul, prit le Billet d'une main tremblante, & lut.

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Dans le moment que vous lifez cette Lettre, je fuis à l'Abbaye de Chelles. J'ofe oppofer ce faint afyle à la violence que mon pere vouloit me faire: je le choifis, cet afyle, pour étre ma retraite le refte de mes jours:j'y ferai foumife à un Souverain qui n'eft jamais injufte. Adieu, mon cher frere ; je remets à votre amitié pour moi, le foin de juftifier ma démarche dans l'efprit d'un pere qu'elle irritera.

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