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L'objet que je préfere à Alberic, eft fi digne de l'attachement d'Adélaïde, que j'o. Je, aux yeux de tout le monde, oppofer une volonté à celle d'Enguerrand. Qu'il Se fouvienne avec bonté que je fuis fa fille, comme je me fouviendrai toujours, avec refpect qu'il eft mon pere.

ADELAID E.

Quelque touché que fut le Sire de Couci, en apprenant que fa four venoit de fe jetter dans Chelles, pour échapper à l'autorité d'Enguerrand, cette nouvelle caufoit bien d'autres mouvements au Comte de Rethel. L'incertitude d'être cet objet préféré à Alberic; la crainte des fuites fâcheufes que pouvoit avoir la démarche d'Adélaïde; le myftere qu'elle lui en avoit fait, myftere qui le faifoit douter de fon bonheur; ce qu'il appréhendoit du caractere d'Enguerrand; Adélaïde qu'il n'auroit plus la facilité de voir; tout le mettoit à la gêne. Raoul & lui gardoient le filence, en fe regardant d'un air étonné quand Enguerrand entra.

Votre feur n'eft point dans fon appartement, dit-il à Raoul d'un ton terrible; où eft-elle ? vous le favez;

votre foibleffe pour elle vous rend complice de fon crime. Raoul interdit & tremblant, présenta à fon pere la Lettre d'Adélaïde. Enguerrand, en la lifant, difoit d'une voix baffe & colere : Il eft beau ce refpect!... Quelle hardieffe!... Qui auroit pu le penfer!... Puis il ajouta d'un ton plus élevé: Ję fuis donc un pere injufte.... Cet objet qu'elle fe vante de préférer à Alberic, & qu'elle femble vouloir indiquer, quel eft-il ? J'ai peu de foi pour un zele fi prompt: une averfion fi marquée mm'avoit déjà donné des foupçons, & une démarche fi hardie eft la preuve que fon cœur eft auffi coupable qu'elle. Enguerrand regardant alors fixement Roger, lui dit: Roger, vous êtes aimable, féduifant, l'amitié qui eft entre yous & mon fils, vous donne chez moi une entrée familiere; je vous vois pâle, interdit; ne feriez-vous pas la caufe de la rebellion de ma fille? Je ne méritois ni vos bontés ni l'amitié de Raoul, repartit Roger, fi j'étois tranquille fpectateur du trouble & de l'affliction que vous caufe, à l'un & à Tautre, un

événement fi

peu attendu. Faites-moi l'honneur de m'en croire,

pourfulvit-il avec affurance; cette nés

me Lettre que Raoul m'a permis de lire, eft pour moi la premiere & l'unique connoiffance du projet de Mademoiselle de Couci, & de fon exécution. Je vous aime, Roger, repliqua Enguerrand, & je ferai charmé file temps m'inftruit que vous n'avez point cherché à m'offenfer. Quoi qu'il en foit, je vous demande le fecret, & vous prie de me laiffer feule avec mon fils.

Mon fils, lui dit Enguerrand, Alberic a un Rival; la réfiftance de votre fœur, & l'éclat qu'elle ofe faire à la veille de donner la main au Maréchal, ne me permettent pas d'en douter. Eftce Roger? en eft-ce un autre? eft-ce enfin un myftere pour vous? Parlez ; mais ne m'en impofez pas; jamais je ne vous le pardonnerois: parlez donc, & parlez-moi vrai. Vous ne m'en croirez peut-être pas, repartit Raoul; je vous jure cependant par le refpect que je dois & à vous, mon pere, & à la vẻrité, que ma fœur ne m'a jamais dit ni fait entendre, qu'aucun autre penchant fûr la caufe de fon averfion pour Alberic elle ne m'en a point fait de myftere, vous le favez; mais elle m'en a fait un de fa retraite : démarche que

je vois avec d'autant plus de douleur qu'elle vous offenfe, & que je connois ma fœur capable de la foutenir avec une fermeté qui portera peut-être votre reffentiment jufqu'au dernier excès. Elle ne fortira jamais de Chelles, repartit Enguerrand, ou elle en fortira demain pour époufer Alberic. C'eft à yous, mon fils, à la voir, & à lui annoncer de ma part, qu'un ferment qui l'unira à Dieu, ou à Alberic , peut feul me faire rétracter celui que je fais de ne la voir & de ne lui pardonner jamais, Sur-tout, fervez-vous de votre efprit & de votre pénétration, pour découyrir quel eft le rival du Maréchal ; il n'en faut pas douter, il en a un. L'amour feul a fait naître la haine de votre fœur pour Alberic; elle n'auroit au plus, que de l'indifférence pour lui, fi elle n'étoit prévenue pour un autre. Le Maréchal a donc un Rival, & un Rival affez téméraire pour avoir déterminé Adélaïde à me faire un outrage, qui bleffe l'autorité d'un pere, & la délicateffe d'un homme d'honneur ; un outrage, qui va inftruire toute la Cour, que je faifois violence à ma fille, que le Maréchal en eft haï, & qu'un au¬ tre en eft aimé. Votre gloire, mon

fils, la mienne, celle de votre fœur, doivent vous faire mettre tout en ufage pour la ramener à fon devoir. Partez pour Chelles ; & jufqu'à votre retour, dérobons à votre mere, & furtout à Alberic, la connoiffance d'un égarement qui les toucheroit d'une maniere trop fenfible.

Adélaïde ne fut point furprise en voyant Raoul, & la colere d'Enguerrand ne l'étonna pas. Il faut être miférable pour plaindre les malheureux, lui dit Raoul. Oui! ma fœur ; je fens redoubler mon amitié pour vous, à mefure que j'envifage combien votre réfiftance, le reffentiment de mon pere, & la paffion dont vous êtes prévenue pour Roger, vont vous donner à fouffrir. Votre tendreffe, pourfuvit-il en voyant la surprise d'Adélaïde, n'est pas un myftere pour moi je la fais; je vous dirai un jour par quel hafard j'en ai été inftruit. La connoiffancé que vous avez de mes fentiments, repartit Adélaïde, m'épargne la confufion de vous en faire l'aveu. Je ne vous prierai point de les cacher à mon pere? je ne crains pas que vous révéliez mon fecret; c'eft un autre moi-même qui le fait; mais puifque vous favez que j'aime

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