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heureux jour pour elle. L'amitié que j'ai pour vous, Mademoiselle, lui ditelle, va me rendre indifcrete. Aimezmoi affez pour me dire ce qui vous met dans la fituation où je vous vois; je fuis jeune, mais je fuis capable de garder un fecret; peut-être même trouverezvous quelque confolation à épancher: votre douleur dans mon fein. Que vous dirai-je, s'écria Mademoiselle de Couci? Hélas épargnez-moi la honte de vous avouer que mon pere & mon devoir me trouvent rebelle. Non, pourfuivit-elle, je ne puis confentir à leur fa-› crifier le repos du refte de mes jours. Hé! je le perds pour jamais, fi je deviens la Maréchale du Mez. Cependant mon pere, qui ne l'ignore pas, veut me traîner à l'Autel comme une Victi-, me, que fon autorité fur moi immole. à la faveur d'Alberic. Que vous êtes à plaindre, dit tendrement Madame: de Fajel! Quoi! c'eft malgré vous que l'on veut unir votre deftinée à celle du Maréchal? Quoi! vous ne l'aimez point? Quel feroit votre malheur, fi yotre cœur étoit fenfible pour un autre ! Une douleur fi vive me le fait prefque foupçon& j'en frémis pour vous. Je vous aime trop, repliqua Mademoiselle de

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Couci, pour ne pas vous ouvrir mon cœur tout entier. Oui, c'eft la tendref-fe que j'ai pour le Comte de Rethel, qui me fait craindre plus que la mort -d'être unie à un autre que lui. Quel confeil, ô Giel! la pitié que vous me faites va-t-elle m'arracher, s'écria Madame de Fajel? Dois-je vous le donner? Non; il me paroît peu digne de vous & de moi...... Mais je m'abuse, reprit-elle; le plus cruel de tous les reproches eft celui qu'on s'expofe, par sa foibleffe, à fe faire à foi-même, aux dépens du repos de toute fa vie. Ainfi puifque votre cœur eft prévenu, ne confentez jamais à faire ce ferment terrible que l'on veut exiger de votre obéiffance; il vous rendroit malheureuse, & peut-être coupable le refte de vos jours. Les efforts que vous feriez, pour ne pas être criminelle, vous livreroient fans relâche à de cruels remords. Que vous êtes heureufe! dit Mademoiselle de Couci; votre cœur nes eft point oppofé à ce qu'un pere exigeoit de lui: c'eft fans contrainte que vous avez confenti à faire le bonheur d'un époux qui vous adore. Madame de Fajel foupira, & répondit: Que favez-vous fi je ne fuis pas mille fois plus à plaindre que vous ?

&

Alberic n'eft pas encore votre époux, & Monfieur de Fajel eft le mien! Vous venez d'en trop dire pour ne pas achever, reprit Mademoiselle de Couci ; l'amitié qui nous lie, me fait prefque oublier ma cruelle fituation, pour vous prier de m'apprendre la vôtre. Hélas! s'écria-t-elle, je vous enviois le bonheur d'être unie à ce que vous aimez peut-être éprouvez-vous toutes les horreurs que je veux éviter. Un fort barbare peut m'avoir condamnée à n'être jamais au Comte de Rethel; je n'ofe prefque l'efpérer : mais du moins, toute ma vie je pourrai l'aimer fans crime: car ce n'eft pas avec vousq ue je veux feindre je fouffrirois plutôt mille tour ments, que de confentir à être au Maréchal. Mais ouvrez-moi votre cœur; la confiance que je viens d'avoir en yous, demande toute la vôtre. Je confens à vous fatisfaire, repartit Madame de Fajel, fi vous êtes en état de m'en tendre. Parlez, lui dit Mademoiselle de Couci; je vous écoute.

Je vais vous apprendre,reprit Madame de Fajel, les chagrins & les peines que m'a caufé une malheureuse paffion, qui depuis quatre ans me coûte mon repos; paffion que ma raison combat vai¬

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nement, depuis qu'un fatal devoir la rend criminelle : mais, belle Adélaïde, je vous tairai le nom de l'ennemi qui a triomphé de mon cœur ; je vous conjure de ne pas me preffer de vous le dire, & je vous protefte de ne me réferver que ce fecret. Je vous en laiffe la maîtreffe, lui répondit Mademoiselle de Couci.

༥ ཀོ Je vous ai dit la tendreffe que ceux à qui je dois le jour ont toujours et pour moi, dit Madame de Fajel. Cette tendreffe, qui ne rendoit la plus heureuse perfonne du monde, m'en infpiroit une pour eux, qui rempliffoit feule mon cœur ; mais la paix dont il jouiffoit fut troublée, lorfque je penfois le moins à le défendre. Hé! comment l'aurois-je défendu ? J'ignorois qu'on pût le furprendre. Vous avez, fans doute, entendu parler de ce camp que fit le Duc de Bourgogne il y a quatre ans. La curiofité y attira ce qu'il y avoit à la Cour de Philippe de plus grand par la naiffance, & de plus diftingué par le mérite. J'étois avec ma mere chez le Duc de Bourgogne, lorfque plufieurs Seigneurs de ceux qui étoient déjà arrivés, y entrerent. Alcide, c'eft le nom que je donnerai à mon

Vainqueur, fut celui que je remarquai avec le plus de plaifir, & que je regardai avec le plus d'attention. Je ne vous dirai rien de fa figure ni de fes qualités; au moindre trait vous le reconnoîtriez je vous dirai feulement, qu'il paroiffoit au-deffus de tous ceux qui étoient avec lui. Le Duc de Bourgogne, auffi galant que fpirituel, voulut faire appercevoir, fur-tout en me défignant, que fa Cour n'étoit pas dépourvue de beautés. J'entendis dire que j'étois belle; mais je ne me fentis flattée que des louanges qu'Alcide me donna. Pour un mortel, que tant de charmes rendront heureux, dit-il au Duc de Bourgogne d'un ton affez haut, combien de miférables!

Vous avez peut-être ouï parler de Madame de Camplit: la paffion du Duc pour elle, a porté jufques dans cette Cour le bruit que faifoient fa beauté & fon efprit. Ce fut elle qu'Alcide trouva digne de fes foins: il venoit cependant quelquefois dans notre Tente. Souvent il me difoit des chofes obligeantes, mais que je ne pouvois regarder que comme de fimples compliments, par l'air de liberté dont il les accompagnoit. Je donnois pourtant à tout ce qu'il di

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