ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub
[ocr errors]

J'aime le Comte de Rethel, oferezvous me confeiller, contre ma gloire & mon repos, de donner ma main à Alberic? Non! mon pere l'exigeroit en vain. Malgré mon refpect pour lui mon devoir me force à n'écouter ici, que ce que je dois à moi-même ; c'eft ma premiere loi. Ma défobéiffance eft l'effet de la vertu qu'il m'a infpirée : je ne veux pas la mettre à de trop rudes épreuves. Mon pere veut, continuat-elle, ou que je me confacre à Dieu, ou que j'accepte Alberic pour époux: s'il n'eft pas de milieu, mon choix est fait; je préfere ce Monaftere à Alberic. Ah! ma fæœur, s'écria Raoul; pour éviter ce malheur, voyez-vous bien celui où vous voulez vous précipiter? Si je le vois! oui, mon frere, je le vois; j'en frémis, mais il n'importe : fije fuis malheureuse, du moins je ferai innocente; je n'aurai point à combattre fans ceffe contre les mouvements de l'amour & contre ceux de la haine, mon devoir, ce Juge inexorable, les condamneroit tous deux. Que vous êtes à plaindre, lui dit Raoul ! le caractere de mon pere me fait trembler pour vous. Que vais-je lui dire ? Que je refufe Alberic, repliqua AdéTome II.

C

laïde, & que je le conjure de me laiffer dans cet afyle le refte de mes jours. Ję fais tout ce que je hafarde en tenant un tel langage; mais je le dois tenir : cette réponse peut feule excufer mes démar ches, & voiler aux yeux de mon pere un fecret qui me rendroit trop criminelle, s'il venoit à le découvrir. Mais avec ce langage, repartit Raoul, je yois mon pere venir dans cette Abbaye vous traîner lui-même à l'Autel. Ah! mon frere, s'écria Adélaïde, montrez-moi moins le danger que je cours; je n'en fuis déjà que trop ef frayée laiffez - moi efpérer quelques fecours favorables de votre prudence, de la tendreffe de ma mere & du temps. Adieu, mon frere, fouvenez-vous que je n'eus jamais tant de befoin de votre amitié; elle est toute ma confolation. Oui! je fens que je ne fuis pas abfolument malheureufe! Vous m'aimez, vous favez que j'aime, ce que j'aime vous eft cher: vous aurez pitié une fœur & d'un ami, qui font tous deux miférables.

Le retour de Raoul n'ajouta rien à la colere d'Enguerrand : il avoit bien fu fe dire que fa fille n'avoit pas fait une démarche fi hardie, pour reculer,

Il paffa chez Madame de Couci, à qui il apprit ce qu'elle ignoroit encore. A cette nouvelle, cette tendre mere fe livra à la douleur que lui caufoit la crainte de perdre Adélaïde pour toujours. Ma fille, s'écria-t-elle, eft à Chelles Elle demande à y paffer fes jours! Non! je n'y confentirai jamais. Le défefpoir feul à guidé fes pas, & lui a fait demander ce qui la rendroit malheureufe le refte de fa vie. Hé bien! repliqua Enguerrand, ce fera la punition de fa défobéiffance; elle ne peut trop en porter la peine. Quoi ! repartit Madame de Couci, ne ferezvous le pere d'Adélaïde que pour la rendre la victime d'une autorité, à laquelle la nature & la raifon doivent mettre des bornes ? Effayez la voie de la douceur & vous ramenerez ma fille. Ne voulez-vous être qu'un Juge févere & inexorable? Soyez Pere, & vous ne verrez dans ma fille qu'une faute involontaire. A-t-il dépendu d'elle de vaincre l'averfion naturelle qu'elle a conçue pour Alberic? Hé!, ne voyez-vous pas, Madame, reprit Enguerrand, que cette averfion eft l'effet de la tendreffe qu'elle a ofé prendre pour un autre, fans mon aveu ?

[ocr errors]

mais quel que foit ce téméraire, jamais elle ne fera à lui. Il faut qu'elle choi fiffe ou d'époufer le Maréchal, ou de se confacrer dans le Monaftere qu'elle croit un afyle contre mon autorité. Allez, Madame, continua-t-il; allez voir votre fille; mais fi vous lui montrez autant de foibleffe qu'à moi, souvenez-vous que ce fera lui donner des arme contre Alberic, contre moi, & contre elle-même: craignez que votre tcndresse ne mette le comble à son malheur.

Madame de Couci partit fur le champ pour Chelles. Adélaïde, en la voyant, lui dit: Je fais, Madame. les reproches que je mérite. Pour ne pas être à Alberic, j'ai ofé m'échapper de la malfon paternelle jugez de ma répugnance à obéir aux ordres de mon pere puifqu'elle me fait oublier ce que je dois de foumiffion & de refpect, à vous & à lui, & ce que je me dois à moimême Je ne fuis pas coupable fans remords: je gémis de démentir l'idée qu'on avoit de ma tendreffe pour mon pere, & de mon attention à remplir mes devoirs. Pour me punir, & venger Alberic d'une antipathie dont je ne fuis pas maîtreffe, je me condamne à paffer mes triftes jours dans ces lieux

facrés. Vous montrez trop tard cette antipathie, ma fille, lui dit Madame de Couci; votre réfiftance, à la veille de donner la main à Alberic, ne peut être regardée que comme un caprice, qu'il ferbit honteux à votre pere d'écouter, & qui vous feroit perdre en un inftant l'eftime de tout le monde. C'étoit quand le Roi vous a demandée pour le Maréchal, qu'il falloit vous déclarer contraire à fes fentiments. Vous le pouviez alors fans bleffer votre devoir, fans offenfer le Roi, fans irriter votre pere, & fans infulter Alberic que vous couvrez aujourd'hui de honte; mais vous avez laiffé prendre à votre pere des engagements avec Sa Majefté & avee Alberic, qui ne peuvent plus fe rompre, & qui vous condamnent à l'accepter pour époux. Il vous aime; le temps & votre raifon vaincront votre répugnance. Rendez-vous, ma fille, à ce que votre devoir, un pere, & mes tendres inftances exigent de vous. Jufqu'à ce moment votre vertu & votre fcrupuleufe délicateffe m'ont fait remercier mille fois le Ciel du don qu'il m'avoit fait d'une fille fi parfaite: voulez-vous vous démentir? Ah! ma fille, ne m'avez-vous donné fujet de

[ocr errors]
« ÀÌÀü°è¼Ó »