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vous tant aimer, que pour me faire fentir plus amerement la douleur de vous perdre pour jamais ? Vous me parlez avec trop de bonté, repartit Adélaïde, pour n'être pas auffi touchée que confufe de la réfiftance que je vais vous oppofer. Votre tendreffe me fait fentir à quel point je fuis criminelle à vos yeux,& me donne un regret extrême du chagrin que je vous caufe: cependant, malgré ce regret proportionné à la tendreffe que j'ai pour vous; malgré ce que j'ai à redouter du jufte reffentiment de mon pere, dont le caractere ne me permet nul efpoir, jamais je n'accepterai Alberic pour époux. De tous les malheurs qui me menacent, celui de voir ma destinée unie à la fienne, est le feu! que je ne pourrois fupporter fans' mourir: ainfi, Madame, fouffrez que, pour être moins à plaindre, je préfere cet afyle à l'établiffement que l'on me prefcrit. Songez-y-bien, lui dit Madame de Couci, votre pere, pour vous punir, & pour venger le Maréchal viendra vous conduire lui-même au pied des Autels, où vous me verrez expirer de douleur car enfin, ne vous flattez pas, ma fille; il faut ou que vous renonciez pour jamais au monde, ou que

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vous uniffiez votre deftinée à celle d'Alberic. Vous lui êtes promise folemnellement; il fera toujours un obftacle invincible à tout autre lien. Si votre cœur prévenu, vous fait concevoir quelque efpérance, il vous abufe: Enguerrand offenfé, Alberic outragé, s'oppoferont toujours au bonheur de quiconque leur fera refponfable de votre défobéiffance & de vos niépris....... Le temps, reprit Madame de Couci, après s'être tue un moment, triomphera d'une foiblefle, que votre filence & vos larmes n'avouent que trop; mais il ne triomphera jamais des obftacles que vous mettez vous-même à votre bonheur. Venez, ma chere fille venez donner la main à Alberic; & fiez-vousen à votre vertu ; elle vous fera remplir tous vos devoirs. Les juftes reproches que je me fais, repartit Adélaïde, la honte de mériter fi peu vos bontés, & non aucune foibleffe, caufent mon filence & m'arrachent des larmes. Jugez, Madame, de mon averfion pour Alberic! permettez-moi ce termie, puifque ni votre tendreffe, ni votre douleur ni l'horreur que j'ai de ma rebellion, la crainte des menaces d'un pere fi redoutable, ne peuvent m'ébranler. Ma

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dame de Couci, après avoir employé vainement prieres, larmes, tendreffe, quitta fa fille, fans efpérer que rien pût la vaincre.

Tandis que Madame de Couci reprenoit le chemin de Paris, la douleur d'Adélaïde, les reproches qu'elle fe faifoit, fes craintes, fes alarmes, fes inquiétudes, jettoient Mademoiselle de Rocheville dans le même état. Adélaïde, en arrivant dans Chelles, avoit d'abord ouvert fon cœur à cette tendre amie du Comte de Rethel; la fenfibilité de Mademoiselle de Rocheville fe trouvoit encore à une cruelle épreuve. Elle envisageoit avec appréhension les chagrins & peut-être les malheurs qui menaçoient de nouveau l'amant infortuné de la Comteffe de Dammartin. Son amitié pour lui & pour Adélaïde lui faifoit reffentir vivement leur trifte fituation, & lui faifoit appréhender un avenir funefte pour l'un & pour l'autre.

La trifteffe où étoit Madame de Cou ci, en arrivant de Chelles, annonça à Enguerrand qu'elle n'avoit rien obtenu de fa fille; & fa douleur lui fit comprendre combien il auroit encore à combattre. Raoul même ne pouvoit cacher à quel point il craignoit que fa fœur ne

fut auffi méprifable, qu'elle méritoit d'être heureuse. Les timides alarmes où je vous vois l'un & l'autre, leur dit Enguerrand, m'inftruifent que j'ai chargé deux perfonnes foibles, du foin de ramener Adélaïde à fon devoir. C'est donc à moi à faire une démarche que vous auriez pu m'épargner. Hé bien! j'irai à Chelles; demain Adélaïde m'y verra avec le jour ; je l'eftime encore affez pour penfer que je ne reviendrai pas feul; ma préfence & ma bonté, la feront reffouvenir de ce qu'elle me doit, & de ce qu'elle fe doit à elle-même. Madame de Couci & Raoul fe dirent, par leurs regards, le peu d'efpérance qu'ils concevoient de cette derniere démarche, & combien ils craignoient pour Adélaïde la colere d'Enguerrand.

Mademoiselle de Couci étoit feule avec Mademoiselle de Rocheville, au moment qu'on lui vint dire qu'Enguerrand la demandoit. A ce nom d'Enguerrand, toute fa fermeté l'abandonna; elle fe fentit troublée, le défordre de fon ame fe montra d'abord fur fon vifage. Mademoiselle de Rocheville la voyant pâle & tremblante, lui dit : Ah! Mademoiselle, le Comte de Re

thel eft perdu! Ce ne fera pas vainement qu'Enguerrand fera venu lui-même! Sa vue va vous faire rougir d'une défobéiffance que votre raifon condamne. Que je crains votre vertu dans ce moment ! J'avoue, ma chere Rochevi! le, repartit Adélaïde, que ma rebellion, & le refpect que j'ai pour mon pere, me font trembler de paroître devant lui. Comment lui réfifter ? & fi j'obéis, que vais-je devenir? Ah ! ma chere Rocheville, aidez-moi promp$1 tement de vos confeils. Je n'ofe vous en donner, lui répondit-elle ; je craindrois trop de me les reprocher. C'eft de vous-même dont vous devez les pren-dre dans ce moment; mais quels qu'ils foient, vous ne pouvez être qu'à plaindre. Allez, Mademoiselle, Enguerrand vous attend. Et le malheureux Roger, s'écria Adélaïde, compte fur la parole que je lui ai donné de n'être jamais à Alberic ! Jufte Ciel ! faites que je la lui

'tienne.

Jamais la présence d'un Juge n'a caufé tant de trouble & d'appréhenfion à un criminel, que la vue d'Enguerrand en caufa à Mademoiselle de Couci. Les yeux baiffés, la vifage couvert de confufion, la langue liée par le refpect &

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