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cre; mais je renverferai tous fes projets, en la forçant de faire ce qu'elle ne me demande, que pour cacher jufqu'à quel point elle eft coupable. Madame de Couci & Raoul fe jetterent tous deux aux genoux d'Enguerrand; & en arrofant fes pieds de leurs larmes, le conjurerent de fufpendre fon reffentiment. Eh bien! leur dit-il, je confens à donner deux mois à Adélaïde; mais s'ils font inutiles; fi elle refufe encore fa main à Alberic, qu'elle n'efpere plus rien de ma bonté. Et vous, Madame, & vous mon fils, allez tous deux à Chelles ; inftruisez Adélaïde que je lui accorde ces deux mois pour fe réfoudre à fuivre mes volontés. Qu'elle profite d'un délai qu'elle doit à un refte de bonté que je me reproche. Si elle perfifte dans fa révolte, qu'elle tremble ; j'irai..................... Non! ni elle, ni vous ne faurez mes projets. Allez ; mais après cette démarche, plus de commerce avec cette fille ingrate & dénaturée. Plus de commerce plus de vifites. Je vous défends même de lui écrire : je veux être obéi. N'ajoutez pas à mon chagrin, la douleur de voir une femme & un fils vouloir adoucir des ordres auffi irrévo

cables qu'ils font juftes. Alberic entra dans ce moment. La pofture humiliée où il vit Madame de Couci & Raoul; la douleur & l'accablement où ils étoient l'un & l'autre ; la colere où paroiffoit être Enguerrand, lui cauferent un trouble extrême. Il s'arrêta. Il demandoit feulement par fes regards quelle pouvoit être la caufe de ce qu'il voyoit ; mais quel fut fon étonnement, fa douleur & fon défefpoir, en apprenant que Mademoiselle de Couci étoit depuis deux jours à Chelles où elle demandoit à paffer le refte de fa vie. Le regret de perdre ce qu'il adoroit lorfqu'il croyoit toucher au moment d'être heureux, lui arracha mille plaintes. Sans fonger qu'Adélaïde ne pouvoit l'entendre, il lui faifoit mille reproches; il l'accufoit d'ingratitude; il lui demandoit raifon du mépris qu'elle lui témoignoit, de l'outrage qu'elle lui faifoit. Il fe joignit enfuite à Madame de Couci & à Raoul, pour adoucir l'efprit d'Enguerrand. Il efpéroit que le temps & fa tendreffe vaincroient la répugnance d'Adélaïde. Vain espoir.

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L'adverfité nous fait fentir de quel prix eft l'amitié des perfonnes qui nous font cheres; elle nous les fait chercher

avec empreffement, leur faire confiden-' ce de fes peines. C'est se débarrasser de la moitié de leur poids. Le Maréchal, accablé des fiennes, fortit de chez Enguerrand pour aller apprendre à Mademoiselle du Mez, qu'Adélaïde refufoit de faire fon bonheur, & qu'elle étoit dans l'Abbaye de Chelles.

Mademoiselle du Mez étoit feule avec fa chere Salmeni, quand fon frere entra. Qu'avez-vous, mon frere, s'écria-t-elle! qui peut caufer le trouble où je vous vois? que vous eft-il arrivé ? J'effie l'affront le plus fanglant, répondit le Maréchal! j'en mourrai de trifteffe, de honte & de rage. La haine d'Adélaïde vient enfin de fe déclarer : elle oppofe à mon bonheur & à l'autorité de fon pere, les murailles, les portes & les grilles de Chelles. Oui! ma fœur, depuis deux jours elle s'y eft fauvée: vous favez tout. Mademoiselle du Mez, le cœur percé du coup que fon frere venoit de lui porter, lui dit: Que je fuis touchée de ce que vous m'apprenez! Qu'Adélaïde va nous caufer de chagrins! Je ne puis les envisager fans frémir. Mon cœur eft auffi bleffé que le vôtre. Non! mon frere, je ne fuis ni moins fenfible ni moins indignée que vous, à la vue de la barrie

re qu'Adélaïde ofe vous oppofer. J'y vois échouer toutes nos efpérance. Adélaïde ne fera jamais votre partage. Un coup d'éclat de cette nature annonce que qui l'a fait, faura le foutenir. Un courage, qui, fans s'étonner, offense avec réflexion fon Roi, fon devoir ; & un pere tel qu'Enguerrand, ne fe démentira pas. Ne vous flattez plus, mon frere; Adélaïde fe réserve à un autre qu'à vous. A. un autre qu'à moi, reprit Alberic! Non, non, ma fœur ! jamais un autre ne poffédera Adélaïde; ma vie en répond. Jamais je ne renoncerai aux droits qu'un pere m'a donnés fur cette ingrate: ils me fauveront du moins la douleur mortelle de la voir auffi heureuse, que je serois miférable. Quoi! je verrois ce que j'aime, cet objet adorable qui m'étoit promis, au pouvoir d'un Rival? Non, ma fœur ; Adélaïde demande à confacrer fes, jours dans Chelles: Enguerrand, outragé & plein de fon reffentiment, vouloit d'abord l'y contraindre; mais je m'y fuis oppofé, je m'y oppoferai encore. Je veux favoir fi je n'ai que fa répugnance à combattre & à vaincre, ou fi j'ai un Concurrent qu'on me préfere. Si j'en ai un, je le découvrirai; ce téméraire me répondra des mépris d'Adélaïde, ou ma

mort feule la laiffera maîtreffe de fa def tinée. Ce n'eft qu'au prix de ces derniers malheurs, que fon fort ne fera pas uni au mien. Adélaïde ne m'aura pas offenfé impunément! Mais, ma fœur, pourfuivit-il, fe peut-il que vous n'ayez nul foupçon ? Qui croyez-vous qu'Adélaïde aime?ne me le cachez pas. Je vous ai déjà dit, mon frere, reprit Mademoiselle du Mez, que je ne puis vous donner aucun éclairciffement fur la véritable caufe de votre infortune: je la partage avec vous. Eh! que ne facrifierois-je pas, pour voir votre amour triompher du cœur de la fiere Adélaïde! mais je ne puis vous dire ce qui s'oppose à votre bonheur. Eh quoi ! mon frere, ne vous fuffit-il pas d'être méprifé, pour oublier à jamais l'ingrate? Laiffez agir l'autorité & le reffentiment d'Enguerrand : vous le connoiffez; il eft offenfé conime vous, il vous vengera. Mais moi, s'écria Alberic, que vais-je donc devenir, s'il me faut perdre Adélaïde pour jamais? peutêtre n'aime-t-elle perfonne ! peut-être eft-ce la feule crainte de trouver un maître dans un époux, qui fait fa réfiltance. Avant d'y renoncer, je dois me donner le temps de tout examiner. Mais vous, ma fœur, pourquoi me montrez

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