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vous Adélaïde comme prévenue d'une autre paffion, fi vous ne m'apprenez pas qui peut la lui avoir infpirée ? Parlez fans détour: ne feroit-ce point Roger? Roger! reprit vivement Mademoiselle du Mez, lui qui n'est arrivé à la Cour que peu de temps avant votre retour d'Angleterre ; lui qui gémit toujours de la perte de la Comteffe de Dammartin. Non, mon frere, cherchez ailleurs votre Rival. Eh bien! ma fœur, lui dit Alberic, il faut que vous me donniez une preuve de votre amitié : ne me la refufez pas; vous êtes toute mon efpérance. Il faut, ou que vous rameniez Adélaïde à fon devoir, ou que vous découvriez le téméraire qui le lui fait oublier. Un féjour de quelque-temps à Chelles, vous mettroit en état de fervir ou mon amour, ou ma vengeance: allez-y, ma fœur ; accordez-moi cette grace. C'eft un frere qui vous aime; c'eft un frere malheureux qui vous en conjure.Je n'ai rienà vous refufer, répondit Mademoiselle du Mez; j'irai à Chelles: mais, mon frere, il faut laiffer encore paffer quelques jours. Voyons fi Adélaïde, effrayée des menaces d'Enguerrand, ne fe démentira point. Alberic, touché de la bonté de fa fœur, fortit, & la laiffa feule avec fa chere Salmeni,

Me trompois-je, Salmeni, s'écria Ma demoiselle du Mez? Roger adore Adélaïde, & il en eft affez tendrement aimé pour lui faire braver Enguerrand, offenfer le Roi, méprifer mon frere, & oublier enfin tout respect humain ! Mais que je crains que mon frere ne découvre que Roger eft fon Rival! le feul foupçon qu'il en a conçu me fait trembler. Hélas! n'ai-je pas affez à fouffrir, de voir ce que j'aime en adorer une autre! Aurois-je encore à pleurer fa perte! ou ce que j'aime trancheroit-il les jours de mon malheureux frere! Jufte Ciel! veillez à leur confervation: ils me font tous deux également chers! Que deviendrois-je, fi l'un des deux me forçoità le regarder avec horreur! Conçois, Salmeni, jufqu'où va mon infortune.C'étoit trop peu de n'être pas aimée de Roger, de le voir captivé par d'autres attraits; il faut encore qu'il foit le Rival de mon frere. Du même coup, il nous affaffine tous deux. J'ai confenti, avec plaifir,à ce que mon frere exige de ma complaifance. Oui! j'irai à Chelles: je veux découvrir fi Roger n'y a point quelque intelligence avec Adélaïde. Je puis, fans rougir, chercher à traverfer une paffion qui livre mon frere au plus

affreux défefpoir, & qui me rend encore plus malheureute que lui. Songe, Salmeni, que j'ai à foutenir fes chagrins & les miens! Mais avant d'aller à Chelles, je veux voir Roger ; je veux examiner fa contenance; je veux lui reprocher d'enlever à mon frere un bien qu'il étoit à la veille de pofféder. Je veux..... Que fais-je ce que je veux ! Je veux aller à Chelles, & je ne voudrois pas m'éloigner du féjour qu'habite le Comte de

Rethel. Vous ne voulez rien Mademoifelle, lui dit Salmeni, de ce que vous devriez vouloir. Le Grand Senéchal vous adore fa tendreffe & fes foins que rien ne rebute, au lieu de vous toucher, ne font que vous irriter contre lui & contre vous-même. Que vous êtes injufte! & que le Comte de Rethel le venge bien de vos mépris! L'indifférence de l'Amant d'Adélaïde, vous humilie autant, que la vôtre accable le Grand Senéchal. Ah! Mademoiselle, faites un effort digne de vous: Vous pouvez, en mettant le Grand Senéchal au comble de fes vœux, vous rendre heureufe. Donnez-lui votre main; alors votre raifon, votre devoir, & votre vertu parleront avec tant de force, que vous triompherez d'u ne malheureufe flamme. Otez-vous la li

berté de la nourrir; oppofez-lui un ennemi qui la fera mourir dans votre sein. Rendez-vous juftice, Mademoiselle ; préfumez tout de vous; eftimez-vous autant que tout le monde vous estime. Dites: Je le veux, & la victoire eft à vous. Je connois votre vertu : oui! fi vous étiez la Comteffe des Barres, le Comte de Rethel vous feroit bientôt un objet auffi indifférent que le Grand Senéchal vous feroit cher. Vous ne fauriez lui refufer votre eftime; vous avouez qu'il eft digne de plaire. Son caractere le fait chérir de tout le monde; fes grandes qualités l'en font eftimer; fa douceur, fon égalité, fa candeur, fon efprit aimable, les graces que la Nature a ajoutées à une figure charmante, vous forcent fouvent à convenir de votre injuftice. Je vous ai entendu quelquefois le plaindre. Hé bien ! Mademoifelle, faites fon bonheur. Laiffe-moi, Salmeni, repartit Mademoiselle du Mez, tu ne fais qu'irriter mes maux, fans que je puisse blâmer tes confeils; mais je ne fuis pas en état de les goûter. Ne me parles plus du Grand Senéchal; il eft vrai, je l'eftime, je le plains, je voudrois l'aimer; quelquefois le dépit me confeille de me donner à lui, & dans le même inftant

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je frémis feulement d'y fonger. Non! mon eftime pour lui, & le refpect que je me dois, me défendent de lui faire le don empoisonné de ma main. Un devoir févere, inféparable de ce don fatal, feroit un nouvel ennemi qui voudroit fans ceffe combattre un amour malheureux. Que deviendrois-je, fi cet amour étoit le plus fort. J'en frémis, machere Salmeni.

Tandis que Mademoiselle du Mez gémiffoit de fon fort, & de celui de fon frere ; tandis que la paffion d'Alberic le livroit à mille mouvements oppofés les uns aux autres, & qu'Enguerrand étoit agité; tandis que Madame de Couci gé-: miffoit, accablée fous le poids de fa douleur, & que Raoul trembloit que fa four ne fût la victime de fa tendreffe, Roger éprouvoiten fecret des inquiétudes mortelles, que l'espérance même ne pouvoit calmer. Quel eft cet objet, difoit-il qu'Adélaïde se vante de préférer à Alberic? Mais pourquoi le chercher ? c'est offenfer Adélaïde. Ne m'a-t-elle pas dit, avec un trouble qui m'affuroit de mon bonheur, que je n'avois point de Rival?' Ah! trop heureux Roger, n'hésite plus à te flatter! Oui! tu as touché le cœur d'Adélaïde! oui ! tu l'as rendue fenfible Tome II.

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