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& affez pour tout facrifier à fa tendreffe. Elle rend juftice à ma paffion : elle fe dit à elle-même, qu'elle eft vive, fincere & délicate; elle la trouve digne d'elle, & du facrifice qu'elle lui fait. C'eft pour la récompenfer qu'elle hafarde tout; mais hélas! puis-je jouir de mon bonheur ? il coûte trop cher à Adélaïde. Il la rend malheureuse. Mon triomphe fur Albe◄ ric la met en bute à la colere d'un pere; que fais-je jufqu'où l'emportera fon reffentiment? Il eft offenfé. Adélaïde lui paroît rebelle. Que je crains Enguerrand! il voudra la punir d'avoir ofé fe livrer à des fentiments d'amour & de haine qui renversent tous fes projets. Adélaïde eft dans Chelles, où elle demande à paffer fes jours hélas! Enguerrand l'y contraindra peut-être ! Que Chelles m'est funefte, s'écrioit-il ! fes murailles femblent n'avoir été élevées, que pour me féparer de tout ce que j'adore. Ah! mą chere Rocheville, ne vous intéreffezvous plus à ce qui me touche ? ne vous fouviendrez-vous plus de l'amitié que vous m'avez jurée, en vous retirant dans Chelles me refuferez-vous votre fecours? Le Comte de Rethel brûloit d'impatience d'aller à Chelles, mais il n'ofoit le hafarder. Il craignoit qu'Adé¬

laïde ne défapprouvât fa démarche ; il craignoit qu'Enguerrand, inquiet & habile, n'en fût bientôt inftruit: il étoit cependant des moments où fa paffion l'emportoit, & lui en infpiroit la hardieffe; mais à l'inftant, cette même paffion luidonnoit une timidité qui l'arrêtoit.

Il y avoit déjà quelques jours que Mademoiselle de Couci avoit quitté la maifon paternelle, lorfque le Comte de Rethel reçut enfin une lettre de Mademoifelle de Rocheville. Quelle joie pour lui! Cette tendre amie lui mandoit de fe rendre fur le champ à Chelles, que Madame de Couci & Raoul en venoient de partir, que le moment étoit für & favorable. Cet ordre diffipa les frayeurs qui avoient retenu Roger. Il partit dès l'inftant même, & le cœur rempli d'efpérance. Hé bien ! 'ma chere & tendre amie! dit-il à Mademoiselle de Rocheville, votre amitié me prête donc encore fon fecours? Que j'en ai de befoin! Cependant je n'ofois venir vous le demander. Ne vous verrai - je jamais que malheureux, lui dit Mademoiselle de Rocheville! Les peines & les chagrins que vous & la tendre Adélaïde allez effuyer,vont encore troubler mon repos dans cet afyle que je croyois déformais

inacceffible à tout genre d'inquiétudes, Je vois, repartit Roger, qu'Adélaïde remplie d'eftime pour vous & touchée de mon infortune, vous en a inftruite, Et de votre bonheur auffi, repliqua Mademoiselle de Rocheville. De mon bon, heur, reprit Roger. Ah! fe pourroit-il que je fuffe aimé d'Adélaïde! Quoi ! je ferois l'heureux mortelà qui elle facrifie Alberic, pour qui elle réfifte à fon pere, pour qui elle hafarde le repos de fes jours. Oui! Comte, lui repliqua Mademoiselle de Rocheville; oui ! c'eft vous même. L'amour fait toujours tout pour yous; mais le deftein vous eft toujours contraire. Adélaïde, en proie aux plus vives inquiétudes, craint de ne pouvoir jamais unir fa destinée à la vôtre ; elle ; craint que vous ne foyez, comme elle la victime de fa réfiftance. Ah! ma che re Rocheville, reprit Roger, je tremble qu'Enguerrand ne la force à prendre un parti. Madame de Couci & Raoul ont obtenu deux mois; ce terme expiré je crains tout d'Enguerrand. Adélaïde parut dans ce moment. Ah! Mademoisel, le, s'écria Roger, qui pourroit le concevoir. Je fuis en même-temps le plus fortuné des hommes, & le plus à plain, dre! Je vous adore, & mes craintes

égalent ma tendreffe: je tremble que ces grilles ne nous féparent pour jamais. Hélas! tout m'eft contraire. Adélaïde ne vous l'eft pas, répondit-elle, raffurez-vous. Je vous ai déjà dit, Comte que je ne ferois jamais à Alberic : à cette parole que je vous réitere, j'ajoute celle de n'être jamais qu'à celui que je crois digne de tout ce que je fais mais mon efpérance eft encore bien chancelante; mon pere ne confentira jamais à m'y voir unie. Hélas ! que je crains de ne pouvoir faire votre bonheur. Vous fou haitez de faire mon bonheur. Mademoifelle, reprit Roger, & je fuis à plaindre. Que dis-je ! puis-je l'être ? non! le defir que vous avez de me rendre heureux me met au comble de la félicité. Ah! Mademoiselle, puis-je affez payer' és moment! Enguerrand, Alberic, vous n'êtes plus à craindre! Adélaïde est senfible à ma tendreffe. Malgré vous, nous triompherons. Que j'y vois d'obftacles, lui dit Adélaïde! Qu'il nous faudra, & de fermeté & de prudence, pour les furmonter! Je me flattois qu'Alberic, offenfé de l'affront que je lui fais, renonceroit à moi; mais ma mere vient de m'affurer du contraire : j'efpere cepenque mon obftination le rebutera.

dant

Mais, Comte, ajouta-t-elle, ce n'eft pas affez que je ne fois point à Alberic; il faut travailler à nous voir un jour unis. Armez-vous d'un courage à toute épreu ve & d'une égale patience. Abfentezvous de la Cour , pour éloigner tout foupçon : voilà les feuls moyens de nous rendre les maîtres d'un fecret, dont la découverte nous perdroit à jamais. La colere de mon pere, la fureur d'Alberic, les porteroient l'un & l'autre aux dernieres extrémités: nous ferions l'objet de leur vengeance. Alberic eft violent; il eft offenfé, vous lui répondriez de mes mépris; & quel que fût l'événement d'un combat que je prévois, & dont la feule idée me fait trembler pour ma gloire & pour vos jours, pourrois-je n'en pas être la victime? Quel que fût le vainqueur, que deviendrois-je ? Alberic vaincu, vous feriez en bute à la colere du Roi, Alberic vainqueur...... Ah! Comte ! je n'ofe y penfer. Ce feroit donc la mort qui nous uniroit. Le Comte de Rethel avoit d'abord eu deffein d'inftruire Mademoiselle de Couci de la tendreffe de Mademoiselle du Mez, de fes foupçons, & des difcours qu'elle lui avoit tenus; mais les appréhenfions d'Adélaïde lui firent prendre le parti de lui taire ce qui

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