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auroit encore augmenté fes alarmes. Laiffons foupçonner que mon cœur eft prévenu en faveur de quelqu'un, dit Adélaïde; laiffons chercher quel eft ce quelqu'un ? mais qu'on ne puiffe, s'il fe peut, deviner que c'eft le Comte de Rethel: n'ayons pas à nous reprocher nos malheurs. Partez, Comte, allez à Rethel.Confiez à Thibault les fentiments de nos cœurs, & la fituation violente où nous fommes. Aidés de fa prudence & de fes conseils, peut-être triompheronsnous. Hélas! fans votre fuite précipitée après la mort de l'infortunée Comteffe de Dammartin, je fais que nos peres nous deftinoient l'un à l'autre. Ah! Mademoiselle, s'écria Roger, que m'ap prenez vous ! Les regrets font fuperflus, repartit Adélaïde, fongeons à réparer, s'il eft poffible, le caprice du fort. Allez à Rethel, demeurez-y jufqu'à ce qu'Alberic ait renoncé à moi. Le temps, & quelque objet aimable effaceront de fon fouvenir l'ourrage que je lui fais. Allez, & foyez tranquille. Adélaïde vous promet de n'être jamais qu'a vous: mais avant de partir, voyez Madame de Fajel, affurez-la de ma part d'une reconnoiffance égale au fervice qu'elle m'a rendu. C'est-elle qui m'a prêté la main pour

me fauver du malheur que je craignois; vous devez l'en remercier elle fait mon fecret, mon frere le fait auffi. II vous aime, je lui fuis chere, ne lui cachez point que vous m'avez vue, ni le fujet qui vous fait aller à Rethel. Diteslui que, malgré les défenfes que mon pere lui a faites,auffi-bien qu'à ma mere, de me voir, & même de m'écrire pendant l'espace de deux mois qu'il m'a accordé, il pourra recevoir de mes nouvelles, & me donner des fiennes. Mon amie Rocheville vient de convenir avec moi, que fon neveu, qui eft auprès de la Reine Adélaïde, recevra mes Lettres, & meremettra celles de mon frere, ainfi il pourra m'inftruire des difcours, des. deffeins, des démarches, des fentiments, enfin des réfolutions de mon pere & d'Alberic. Adieu, Comte. Notre chere -confidente vous donnera de mes nouvelles, & m'apprendra que vous êtes toujours digne de ce que je fais pour vous. Vous faites beaucoup, Mademoiselle reprit Roger, je ne puis concevoir mon bonheur, il me furprend & me ravit en -même-temps. L'excès feul de ma paffion me fait fentir que je mérite des bontés qui me mettent au comble de mes vœux: cependant, Mademoiselle, j'oferai vous

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demander davantage. Je prévois, avec une douleur bien vive, que votre vue me fera interdite pour long-temps. Ah! belle Adélaïde, me refuferez-vous la confolation d'inférer un mot de votre main dans les Lettres de notre fidelle Amie? Mon devoir que je bleffe en votre faveur, lui répondit-elle, l'outrage que je fais à Alberic, la colere de mon pere, le foin de ma gloire que je vous facrifie, le blâme que je m'attire du Roi & de toute la Cour; ces murs enfin vous affurent, fans que mon aveu soit néceffaire, combien vous m'êtes cher & combien je fuis certaine de votre tendreffe. Après ce que j'ai fait, ce que vous me demandez ne paroîtroit rien; cependant je ne puis vous l'accorder., Cette licence volontaire qui n'auroit point d'excufe, ne pouvant rien pròduire, me rendroit plus criminelle. Ainfi, joignez à la tendreffe que vous avez pour moi, affez de refpect pour ne me rien demander qui puiffe un jour m'être reproché. Adieu, Comte. Le plaifir que

Je

fens à vous voir, me fait oublier que je n'ai plus rien à vous apprendre. Adélaïde fortit en achevant ces mots, & laiffa Roger pénétré d'amour, d'admiration & de refpect. Mademoiselle de Ro

cheville fut le témoin des tranfports que lui caufoient tous fes mouvemens: il ne pouvoit la quitter; il ne pouvoit ceffer de parler de l'incomparable Adélaïde : cependant il fallut céder à la néceffité, & fe féparer de cette amie fidelle.

A peine Roger fut-il à Paris, qu'il alla chez Enguerrand: il lui dit qu'il partoit pour Rethel, où fon pere le rappelloit. Raoul préfent à ce difcours, & étonné, emmena Roger dans fon appartement. Qu'allez-vous faire à Rethel, lui dit-il ? parlez-moi fans détour;; vous le pouvez. Je vais à Rethel, repartit Roger, pour obéir aux ordres d'Adélaïde que je viens de voir. Vous venez de voir ma fœur, repartit Raoul furpris de quels moyens vous êtesvous donc fervi ? mon pere a envoyé des ordres fi exprès de ne la laiffer voir à perfonne .... Mais je n'y penfe pas, continua-t-il; Mademoifelle de: Rocheville, que ma fœur aime, vous a fans doute ménagé cette entrevue Défapprouvez-vous ce zele d'une amie repliqua Roger ? défapprouvez-vous Adélaïde de m'avoir inftruit que je fuis le plus forturé de tous les mortels? Ah! mon cher Roger, lui répondit Raoul , que ne donnerois-je pas pour

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jouir du plaifir de vous appeller mon frere! vous ne m'en feriez pas plus cher, mais vous & ma fœur en feriez plus heureux. Que je crains pour l'un & pour l'autre le reffentiment de mon pere! la rebellion de ma fœur l'a porté à l'extrême vous le connoiffez. Il a juré qu'Adélaïde ne feroit jamais qu'à Alberic; & Alberic, qui ne peut ni ne veut y renoncer nous fera un obftacle bien difficile à furmonter. Il eft amoureux, il eft offenfé, il à des foupçons jaloux ne fut-ce que pour fe venger des mépris de ma fœur, il ne rendra jamais la parole à mon pe re. Tant qu'il ne la lui rendra pas comment ofer concevoir quelque efpérance? il nous en refte une cependant. La Maréchale, jaloufe de la grandeur de fon fils, veut la voir perpétuer dans des enfants d'une femme fortie d'un Sang illuftre pouffée par fon ambition, & par le defir de voir fon fils vengé, elle le portera à accepter le choix qu'elle aura fait pour lui. Mon pere alors ne pourra, fans injuftice vous refufer ma fœur. Ah! mon cher Roger; n'auraie jamais le plaifir de la voir Comteffe de Rethel? Je n'ofe me flatter du bonheur de pofféder Adélaïde,

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