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repartit Roger: quel effort pour moi de m'en éloigner! mais Adélaïde l'ordonne, il faut lui obéir. L'excès de ma paffion & une aveugle obéiffance, peuvent feuls me rendre digne de ce qu'elle fait pour moi. Que ne dois-je point à Madame de Fajel! Ah! mon cher Raoul, c'eft elle qui a favorifé le fuite d'Adélaïde : pénétré de la plus vive reconnoiffance, je veux, avant mon départ, la remercier. Ah ! mon cher Roger, dit vivement Raoul, facrifiez-moi le defir que vous avez de témoigner par vous-même, votre reconnoiffance à Madame de Fajel Partez, & chargez-moi de ce foin: fourniffez-moi cette heureufe occafion d'entretenir une cruelle, qui m'évite & m'échappe par-tout, qui ne fe montre à la Cour que comme un éclair qui fuit dès qu'elle m'y voit paroître, qui chez elle n'eft vifible pour moi, que lorfqu'elle eft entourée d'une foule d'importuns, qui évite enfin avec un foin extrême, de rencontrer mes regards. Je fuis mille fois plus à plaindre que vous. Nous jouiffons également, il eft vrai, du plaifir d'être aimés : mais, malgré ce doux avantage, je ferai toujours miférable, tandis que

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vos chagrins feront adoucis par l'ef pérance que ma four pourra faire un jour votre félicité. En attendant ce moment " vous pouvez lui entendre dire qu'elle vous aime. De quels maux cet inftant heureux ne peut-il pas confoler! qu'il donne de force pour fuppor ter ceux qui lui fuccedent! Roger charmé de pouvoir procurer à Raoul une occafion d'entretenir Madame de Fajel, lui laiffa le foin de lui marquer combien Adélaïde & lui étoient fenfibles au fervice qu'elle leur avoit rendu. Raoul remercia Roger de la commiffion qu'il lui remettoir, & il en reffentit le mérite avec la même vivacité, , que fi Roger lui eût fait un grand facrifice. Roger l'inftruifit enfuite des moyens d'écrire à Adélaïde: Raoul n'héfita point à accepter l'expédient. Le neveu de Mademoifelle de Roche-ville méritoit fa confiance; la probité de ce Gentilhomme étoit connue & le rendoit digne des bontés dont la 'Reine-Mere l'honoroit. Le Comte de Rethel & le Sire de Couci allerent enfemble chez la jeune Reine. Ma dame de Fajel y étoit; mais à pein eut-elle apperçu Raoul, qu'elle difparut, à fon ordinaire, avant qu'il pût l'appro

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cher. Quel chagrin pour un cœur fenfible!

Roger, en quittant Raoul, paffa dans le Cabinet du Roi le Maréchal du Mez & le grand Senéchal y étoient. Les foupçons que le Maréchal avoit eus fur le Comte de Rethel furent détruits, quand il l'entendit prendre congé de Sa Majefté. La furprife du Comte des Barres fut encore plus grande : il favoit la paffion de Roger pour Adélaïde, & il ne pouvoit comprendre les raifons de ce départ précipité. Il les cherchoit, lorfque le Comte de Rethel, en s'approchant, lui dit: Je pars cette nuit, mon cher Senéchal, & je veux vous faire mes adieux fans té moins. Allez m'attendre chez vous, repartit le Comte des Barres,

Roger connoiffoit refprit inquiet & jaloux du Grand Senéchal; il favoir. de plus le danger des demi-confidences ainfi pour s'affurer de la difcrétion du Grand Senéchal, & même pour le mettre dans fes intérêts, if prit le parti de ne lui rien cacher. IF efpéroit, par cette franchife, tirer avantage de fon crédit fur l'efprit du Maréchal, pour amener infenfiblement ce dernier jufqu'au point de renoncer

& Adélaïde. Le Grand Sénéchal l'inftrui fic à fon tour du défefpoir, de la ra ge du Maréchal, & du deffein où il étoit de ne jamais céder les droits qu'Enguerrand fui avoit donnés fur Adélaïde, ne fut-ce que pour fe venger de la honte où l'expofoient fes mépris; il lui promit enfuite de fe fervir dans toutes les occafions, des raifons propre à convaincre le Maréchal, que Faverfion déclarée d'Adélaïde devoit fe faire renoncer à un objerqui ne pour roit que le rendre malheureux; que for amour-propre bleffé, devoit même l'engager à faire un nouveau choix. En nn mot, mon cher Roger, continua le Grand Sneéchal, repofez-vous fur le defir extrême que j'ai de voir Mademoiselle du Mez fans efpérance de pouvoir jamais être unie à vous. Non! jamais elle ne perdra cette chimérique idée, qu'au moment que vous ferez à Mademoiselle de Couci J'attends cet inftant, ou pour profiter de ce que le: dépit, la raifon, & peut-être la reconnoiffance leur dicteront en ma faveur, ou pour renoncer à l'inhumaine. La cruelle ne peut me refufer de l'eftime fouvent elle me la laiffe appercevoir & même d'une maniere affez obligean

te. Quelquefois auffi elle ne mẹ ca the point un léger mouvement de pitié, mais je ne le dois qu'à fa propre fituation, qui lui fait fentir quelle eft la mienne: elles font toutes deux affez' femblables. Ses chagrins, fes peines fes inquiétudes, en aimant fans être aimée, lui donnent une idée jufte de ce qu'elle me fait fouffrir. Cette converfation ne pouvoit être que longue; Mademoiselle de Couci, Mademoiselle du Mez, & le Maréchal fon frere, en faifoient le fujet. Enfin le Comte de Rethel, après avoir tendrement embraffé Le Comte des Barres, partit pour fe rendre auprès de fon pere.

Thibault vit arriver Roger avec une joie inquiete. Pourquoi, mon fils, lui dit il, quittez-vous la Cour ? Quel fujet vous amene à Rethel? Je vais vous furprendre, lui répondit Roger; mon cœur eft engagé dans de nouvel les chaînes. Quoi! mon fils, vous ai mez, reprit vivement Thibault? que je fuis content! votre choix tombe fans doute, fur une perfonne digne de vous & de moi, puifque vous venez m'en inftruire; fi elle eft digne de moi... Ah!mon pere, puiffé-je être auffi digne d'elle! Eh bien ! mon fils, lui dit Thi

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