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I'homme a été mis au Monde pour deux choses; fçavoir, pour penser, & fe conduire conformément à la nature (a), c'eft-à dire, à la raison, en quoi confifte l'honnête qui forme fur la terre le feul bien qui convienne à l'homme: car il n'importe pas,pour Senec. Ep. le bonheur de l'homme, quelle éten

(a) Quoique la corruption de l'homme n'ait été connue aux Payens que par la révolte qu'il éprouve de fes paffions contre, la raifon, cette connoiffance fut pourtant fuffifante pour leur apprendre, que de fe livrer à fes paffions, c'eft aller contre la nature, & qu'au contraire c'eft la fuivre, que de fuivre la vertu; & nous qui fommes inftruits de cette corruption par les Oracles de la vérité, auffi bien que par l'expérience, nous Pignorons. Nous prenons notre cupidité pour notre nature, nous croyons la fuivre quand nous nous abandonnons à nos paffions; & felon nous, c'eft faire violence à la nature que de réfifter aux paffions. Quel contrafte de fentimens avec eux! D'un autre côté, l'amour de cette vertu toute feule, telle qu'ils la concevoient, c'eft-à-dire, fans aucun rapport à Dieu, les a touchés jufqu'au point de leur faire méprifer les biens, les honneurs & la vie même. Que devroit donc faire fur nous celle que nous connoiffons, & qui nous faifant tout rapporter à Dieu, nous unit à lui, jufqu'à n'être plus qu'un même efprit avec lui? Car c'eft à quoi la vertu chrétienne nous conduit.

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due de champ il laboure, combien de Courtisans lui faffent la révérence, combien foit riche ou précieux le lit fur lequel il repofe, mais s'il eft hom→ me de bien. Or, il fera honnête homme, fi la raifon chez lui eft fubordonnée aux loix de la nature, & fe regle fur fa perfection: raifon que nous appellons vertu, & honnêteté ( b ).

(b) L'homme a l'idée & le défir d'un bonheur fouverain gravés dans le fond de fon cœur, & cette idée & ce défir font la fource de tous fes autres défirs & de toutes fes actions. C'étoit un principe commun à tous les Philofophes, que ce fouverain bien confiftoit à vivre felon la nature. La différente maniere dont ils expliquoient cette conformité avec la nature, faifoit la diverfité de leurs opinions. Epicure la mettoit dans le plaifir; quelques-uns dans l'exemption de la douleur; d'autres dans d'autres objets. Zenon, le Chef des Stoïciens, la faifoit confifter uniquement dans la vertu. Selon lui, vivre felon la nature, en quoi feul confifte le bonheur, c'eft vivre honnêtement, vivre vertueufement. Voilà ce que la nature nous infpire, à quoi elle nous porte, l'honnêteté & la vertu; & elle nous infpire en même-temps une fouveraine horreur pour tout ce qui eft contraire à l'honnêteté & à la vertu. Cette vérité fe reconnoît fenfiblement dans les enfans, en qui l'on admire la candeur, la fimplicité, la tendreffe, la reconnoiffance, la compaffion, la pureté, l'ignorance du mal

L'honnêteté fe réduit ordinaire- Cicer.de Off. ment à quatre chefs, qui font, la pru- l. 1. m. 14. dence, la juftice, la force, & la tem

& de tout artifice. D'où leur viennent de fi excellentes vertus, finon de fa nature même qui fe peint & fe montre dans les enfans comme dans un miroir? Dans un âge plus avancé, pour peu que l'on fe fouvienne que l'on eft homme, peut-on refufer fon eftime à une jeunefle fage, réglée, modefte? Et de quel geil voit-on au contraire de jeunes gens livrés à la débauche & aux déréglemens? Voilà, difoit Zenon, le cri de la nature, qui nous fait entendre, qu'il n'y a de vrai bien que la vertu, de vrai mal que le vice.

Les Stoïciens ne pouvoient pas raifonner plus jufte ni plus conféquemment dans leurs principes, qui étoient la fource de leurs erreurs & de leurs égaremens. D'un côté, convaincus que l'homme eft fait pour le bonheur, qui eft fa derniere fin, & le terme de fa deftination, & de l'autre, bornant toute la vie & la durée de l'homme à cette vie préfente, & ne trouvant dans ce court efpace rien de plus grand, de plus eftimable, de plus digne de l'homme, que la vertu, il n'eft pas étonnant qu'ils y plaçaffent le bonheur & la derniere fin de l'homme. Ne connoiffant point un autre vie, ni les promeffes éternellés, ils ne pouvoient mieux faire dans l'étroite fphere où ils étoient renfermés par l'ignorance de la révélation. Ils ont monté auffi haut qu'il leur étoit poffible ; ils ont été obligés de prendre le moyen pour la fin, le chemin pour le terme; ils ont pris la nature

N. 3.

pérance. Or chacune de ces vertus produït une certaine forte de devoirs, & l'on n'eft honnête, ou mal-honnête homme, qu'à proportion qu'on les obferve ou qu'on les néglige. Nous traiterons à part chacune de ces vertus, & nous renfermerons en quatre Livres ce qui regarde & réfulte de ces

quatre vertus.

pour guide, faute de trouver mieux; & il eft certain que fi les hommes aujourd'hui ne s'écartoient point de cette même regle, on les trouveroit plus dociles à la voix de l'Evangile, & plus fouples à porter le joug de JESUS-CHRIST.

LIVRE SECOND.

DE LA PRUDENCE.

CHAPITRE PREMIER.

La Nature a mis dans tous les Efprits
un défir infatiable de connoître
la vérité.

I.

LA fonction particuliere à la Pru- Cicer. 1.off.

dence, & qui lui appartient, eft". 15. la recherche & la découverte de la vérité; car celui-là paffe avec raison pour le plus prudent, qui découvre le mieux & le plus promptement ce qu'il y a de vrai en chaque chofe.

La Nature a imprimé dans cha- N. 11, 18. que efpece d'Animaux un inftinct qui les porte à fe conferver, à défendre leurs corps & leur vie, à éviter ce qui peut leur nuire, & à chercher de quoi

fe nourrir. Mais la recherche & l'exa- 1. Tufcul. r.

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