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SES BENE

DICTINES

RELIGIEU. qui lui aiant été accordé, il y conduifit la jeune Florence qui n'y fut pas plûtôt reçuë qu'elle s'attira le cœur de toutes celREFOR- les qui la pratiquoient tant par fa complaifance pour tout le MEES DE monde que par fon amour pour les pauvres, par fa charité LA PAIX. pour les malades & pour les affligés dont elle préferoit compagnie à tout ce qui a coûtume de faire plaifir aux jeunes perfonnes de fon âge.

N D. DE

la

Des vertus fi peu communes dans une jeune Novice qui pouvoit déja fervir de modele aux plus anciennes Chanoineffes de ce Chapitre,lui gagnerent tellement l'eftime & l'amitié de fon Abbeffe, quelle l'auroit fait sa Coadjutrice, fi Dieu,qui la deftinoit à un genre de vie plus parfait,n'en eût difpofé autrement en la retirant de fon Abbaïe ( qui étoit trop expofée aux fureurs de la guerre qui affligeoit la Flandre) pour la faire retourner chez fes parens, dont il fe fervit pour l'execution des grands deffeins qu'il avoit fur fa fervante : car comme fon pere étoit un Gentilhomme fort réglé & fort jaloux de l'honneur de fa maifon,le foin qu'il eut que fes filles ne pratiquaffent aucune compagnie qui ne leur fût profitable pour la vertu, fit que Florence méprisa peu à peu les vanités du monde, & s'attacha tellement aux exercices de la pieté, qu'elle commença à changer le goût qu'elle avoit pour les vifites & pour les converfations en celui de la leature des Livres fpirituels & de l'Oraison mentale. Jufquelà cette fainte fille n'avoit encore eu aucun deffein de quitter fon état de Chanoineffe ; mais un tremblement de terre qui arriva en 1580. & qui mit la terreur dans les efprits les plus intrepides, fit une telle impreffion fur fon cœur, qu'elle prit la réfolution de quitter le monde & de fe faire Religieuse, commençant dès-lors à accoûtumer fon corps à la penitence la plus rigoureuse, afin de trouver le joug du Seigneur plus leger & plus fupportable, lorsqu'elle feroit obligée à le porter par les vœux de la Religion; en quoi elle fut traversée par le Démon, qui prévoïant les fruits que devoient produire les exemples d'une vertu fi confommée, lui reprefentoit les douceurs dont elle joüiroit,fi elle retournoit à Monstier, où elle étoit aimée de l'Abbeffe, & de toutes les Chanoineffes, & les rigueurs de la vie qu'elle fe propofoit d'embraffer;mais l'amour de Dieu l'emporta toûjours fur les attaques du Démon, qui ne fervirent qu'à la fortifier dans fa refolution,

DICTINES

&à augmenter tellement fon zele & fa ferveur,que ne pou- RELIGIEUvant plus cacher ce qui fe paffoit dans fon cœur, elle le dé. SES BENEclara à fa fœcur, qui charmée des tranfports d'amour dont REFORME ES Florence étoit embrafée, fe refolut de la fuivre dans fa refo- DEND DE lution, & le lui promit.

Après que Florence eut paffé deux ans dans cet esprit de pieté & de devotion, fon defir augmentant de jour en jour, elle prit enfin la resolution de déclarer fon deffein & celui de fa fœur à fon pere, qui les aimant tendrement, ne voulut pas s'oppofer à leur defir; mais ne voulut pas auffi leur donner fon confentement qu'après les avoir éprouvées en toutes manieres : ce qui n'aïant pas été capable d'ébranler leur constance, ce pieux Gentilhomme leur permit d'entrer dans la célébre Abbaïe de Flines,où elles furent reçuës fur la fin de Septembre de l'an 1583. Il feroit trop long de rapporter tous les exemples de vertus que ces nouvelles Epoufes de JesusChrift donnerent pendant leur Noviciat, qui dura deux ans, à cause de la grande jeunesse de la four de Florence, qui étoit fa cadette de neuf ans, n'en aïant que quatorze, lorfqu'elle entra dans l'Abbaïe de Flines, dont l'Abbeffe ne les reçut qu'à condition qu'elles feroient profeffion enfemble; ce qu'elles firent le 15. de Juin de l'an 1585.

Lorfque Florence fe vit engagée par fes vœux à travailler avec plus de zele & de ferveur à la perfection de fon ame, elle commença par éloigner de fon efprit & de fon cœur le refte des affections qu'elle pouvoit avoir pour les choses de la terre, se privant des chofes mêmes les plus licites: ce qui lui attira beaucoup de murmures de la part de fa fœur, & des autres Religieufes, dont tous les difcours ne furent pas capables de lui faire rien diminuer de fes pratiques de penitence & de mortification, aufquelles elle auroit bien fouhaité attirer toutes les Religieufes de fa Maison, en leur faisant embraffer l'étroite Obfervance : ce qui étoit d'autant plus difficile, que les guerres avoient introduit beaucoup de libertés dans fon Monaftere, où de cent Religieufes qui en compofoient la Communauté, il n'y en avoit que fort peu qui fuffent difpofées à la Réforme, à laquelle elle se contentoit d'exciter les autres par fes pratiques de penitence, ne mangeant que fort peu, dormant encore moins, travaillant beaucoup, & priant continuellement avec tant de fer

LA PAIX,

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RELIGIEU- Veur & tant de larmes, qu'elle merita enfin d'être confolée SES BENF- par la fainte Vierge, qui dans une de fes Oraifons l'encouREFORME ES ragea à entreprendre la Réforme,en lui difant: Que crainsDE N.D. DE tu, fille de peu de foi, mon fils est tout puiffant, je prens cette affaire en ma protection, & te réponds qu' 'elle arrivera.

LA PALI.

Ces paroles, qu'elle affura avoir entenduës de la bouche de la fainte Vierge, firent une telle impreffion fur fon cœur, qu'elle en conçut une fainte hardieffe,pour exciter fes Sours à la pratique des vertus & à l'Observance parfaite de la Regle. Il y en eut quatre qui fuivirent fes confeils, & fe refofurent de mettre la main à l'œuvre, fi-tôt qu'elles en trouveroient l'occafion. L'Abbé de Clairvaux étant venu faire fa visite dans leur Monaftere fur la fin de l'année 1599. elles lui communiquerent leur deffein, qu'il approuva, leur confeillant de chercher un Bienfaicteur qui leur donnât une maifon, & leur affignât quelques rentes pour pouvoir fubfifter: ce qui leur réüflit par le moïen du P. Thomas Jefuite, qui en parla à un de fes amis, qu'il connoiffoit en état de leur faire ce plaifir. A peine ce Serviteur de Dieu, qui s'appelloit Creancier, eut il écouté la propofition du P. Thomas, qu'il quitta la ville de Bapaume, où il étoit Greffier, & vint s'établir à Douai, où il travailla fortement à l'érection d'un nouveau Monaftere, après avoir excité une jeune veuve fort devote & fort riche à l'aider dans l'execution de ce pieux deffein, qui toucha tellement le cœur de cette fainte femme, qu'après avoir pris les mefures neceffaires pour s'affurer du confentement de fon pere & de fa mere,qui vivoient encore, elle promit à M. Créancier d'acheter une maison à fes dépens.

Après que M. Créancier eut fait fçavoir une fi bonne nouvelle à Madame Florence, il travailla à obtenir les permiffions de leurs Alteffes Albert & Ifabelle d'Autriche, & celle de l'Evêque d'Arras: ce qui lui fut accordé après beaucoup de voïages qu'il fallut faire pour cela, auffi- bien que le confentement des Superieurs de l'Ordre de Cîteaux, qu'il obtint fort difficilement.

Outre les Religieufes que la Mere Florence avoit gagnées pour la Réforme, & qui étoient encore avec elle dans l'Abbaïe de Flines, en attendant l'érection du nouveau Monaftere: cette jeune veuve dont nous venons de parler, affem.

bloit

DICTINES

LA PAIL.

DE

bloit une autre Communauté de jeunes Demoiselles, qui RELIGIEattendoient aufli avec beaucoup d'impatience le moment de SES BINEfe confacrer à Dieu dans ce nouveau Monaftere, que l'on REFORME 19 commença à bâtir dans un endroit de la ville le plus re- DEN.D. culé ce qui étoit conforme aux inclinations de la Mere Florence & de fes Filles, qui auroient fouhaité être dans un defert éloigné de tout commerce du monde. Pendant que l'on travailloit à la conftruction des bâtimens neceffaires à cette nouvelle Communauté, toutes ces faintes Filles s'exerçoient dans les exercices de la pieté, & dans la pratique des Obfervances dont elles devoient faire profeffion. Lorfque ces mêmes bâtimens furent plus avancés, on fongea à faire l'élection d'une Superieure. Toutes les Poftulantes s'étant affemblées pour cet effet chez M. Creancier, par ordre de l'Evêque d'Arras, qui avoit envoïé pour ce fujet fon Archidiacre à Douai, & les Religieufes de Flines aïant envoïé leurs fuffrages par écrit, le fort tomba fur M. Conftance, qui après avoir fait tous les efforts pour empêcher que l'on ne penfât à elle dans l'élection, fut enfin obligée d'accepter cette Charge, par les preffantes follicitations de l'Abbeffe de Flines, qui pour l'y engager, lui promit fon secours & fon affiftance. Enfin le tems auquel cette nouvelle Communauté devoit fe renfermer dans le nouveau Monaftere étant arrivé, M. Florence,& les Religieufes qui devoient la fuivre, quitterent l'Abbaïe de Flines, après avoir demandé publiquement pardon de leurs fautes à toutes les Religieufes de la Communauté, qui eurent un veritable regret de perdre ces faintes Filles, qu'elles embrafferent avec beaucoup de tendreffe. M. l'Abbeffe de Flines les déchargea de l'obéïffance qu'elles lui avoient promife, & les accompagna avec la Prieure, & quelques anciennes Religieufes de fon Monaftere jufqu'à Douai, où elle demeura encore quelques jours, jufqu'à ce qu'aïant affifté à la cérémonie de la prife de poffeffion de ce nouveau Monaftere, que l'on mit fous la protection de faint Pierre & de faint Paul, & fous le titre de Nôtre Dame de la Paix, elle se retira à son Abbaïe de Flines.

Quelque tems après que ces faintes Religieufes fe furent renfermées dans leur nouveau Monaftere, M. l'Evêque d'Arras y vint pour faire sa visite, & regler tout ce qui étoit

Tome VI.

Vu

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SIS

DICTINES

RELIGIEU- neceffaire, tant pour le Breviaire que pour leur habillement:
BENE il y invita l'Abbeffe de Flines, & après avoir dit la Messe
REFOR- dans leur petite Chapelle le 5. Decembre de l'année 1604. il
MEES DE leur donna l'habit de faint Benoît, & leur promit de revenir
PAIX. l'année fuivante pour recevoir leurs vœux: ce qu'il fit effec-

N.D. DE LA

tivement, car l'année de leur probation étant finie,il revint à Douai,où il reçut les vœux de M. Conftance, & de trois Religieufes qui étoient restées avec elle, deux des cinq qui s'étoient foûmises à fa conduite l'aïant abandonnée pendant leur Noviciat. Ce Prélat après avoir beni la nouvelle Abbeffe, & lui avoir promis fa protection, se retira, & fit dans la fuite de grands biens à ce Monaftere, qui fut augmenté par la reception de cette veuve de Bapaume, dont nous avons parlé, & de deux de fes filles,aufquelles Dieu,à la priere de feur mere, donna le defir de la retraite ; & Mademoiselle Jolin s'y retira auffi avec deux de fes fours. Plufieurs perfonnes de differens païs, comme de France, d'Angleterre, & très qualifiées, attirées par la réputation de cette fainte Communauté, s'y retirerent auffi; en forte qu'elle devint fort confiderable en très peu de tems. L'Evêque de Namur voulut avoir de ces Religieufes dans fa ville, & en fit venir pour cet effet du Monaftere de la Paix: celui de Liege en fit auffi venir trois dans fa ville Capitale, où il leur donna une Abbaïe: & ces faintes Filles en fonderent encore d'autres à Mons & à Grandmont. Il s'en établit encore d'autres à Arras, à Bethune, à Bruges, à Saint-Amand, à Ternemunde & à Poperingue, qui tous ont l'obligation de leur établissement à l'Abbaïe de la Paix de Douai,qu'ils regardent comme leur Mere, fans parler de ceux qui furent Réformés par les foins de M. Florence, qui y envoïa pour cela de fes Religieufes. Aprés que cette fainte Fondatrice eut rempli tous les devoirs d'une veritable Superieure, elle fe demit de fon Abbaïe en 1630. nonobftant toutes les oppofitions de fes Religieufes, qui ne pouvant lui refufer cette grace qu'elle demandoit depuis long-tems, élurent à fa place M. MarieAnne de Goudenhouë,à laquelle M. Florence promit obéïffance: ce qu'elle executa le refte de fa vie, qu'elle paffa dans des infirmités prefque continuelles, & qu'elle fupporta avecune patience heroïque pendant huit ans,aprés lefquels Dieu voulant la récompenfer de fes travaux, l'appella à une meil

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