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avoit été auffi fondé par faint Jean de Matera, étant def- ORDRE DE cendu dans un lieu foûterrain pour y prendre du bled PULSANO. pour le befoin des Freres, tomba dans une efpece d'évanouiffement ou d'extafe qui dura affez long-tems, pendant lequel il lui fembla qu'un Ange le prit par la main, & que d'un autre côté le Démon faifoit fes efforts pour l'arracher des mains de l'Ange en difant qu'il lui appartenoit; & qu'après plufieurs conteftations entr'eux il fut enfin conduit au Tribunal de Dieu,où épouventé de fa gloire & du nombre infini de Saints qui l'accompagnoient, dans la crainte que le Jugement ne lui fût pas favorable, il appella à fon fecours faint Jean de Matera, qui aïant comparu & pris le parti de fon Religieux pour achever de confondre le Démon qui lui foûttenoit qu'il n'avoit jamais été des fiens, puifqu'il étoit actuellement fous l'obéïffance d'un Prieur ; le Saint appella faint Benoît à temoin, le conjurant qu'il eût à dire, s'il n'étoit pas vrai que dans fa Regle, il avoit ordonné aux Religieux d'obéïr aux Prieurs & aux Doïens de même qu'à l'Abbé, à caufe l'Abbé ne que peut pas tout faire dans le Monaftere: Surgat divus Benedictus & teftimonium mihi reddat,qui Pater omnium dignofcitur effe Monachorum fi non præcepit ipfe in Sua Regula, ut præpofitis & decanis omnes Monachi ut Patri obediant, quia non omnia que in Monafterio aguntur, per Abbatem fieri poffunt. Et parce que cet efprit infernal, perfiftoit à dire qu'il n'étoit pas fon Religieux, puifqu'il n'avoit point de fcapulaire ni aucune marque d'habit Religieux : Et quomodo tuus eft Monachus cum fcapulare non fit indutus, & Monachi habitum fuper fe nullum habeat ? le Saint s'adreffant encore à faint Benoît, le prit derechef à témoin s'il n'avoit accordé aux Religieux pour le travail au lieu de fcapulaire une autre forte d'habit: Et B.Joannes iterum portenta manu ad B. Benedictum, ait, & teftimonium ferat fi ipfe non conceffit Monachis ad opera manuum, ut Fratres pro fcapulare Schema baberent. Cette vifion à la verité eft rapportée avec des circonftances peu capables d'attirer la créance des lecteurs ; mais aïant été écrite par un Auteur contemporain de faint Jean de Matera dont il avoit été même Difciple, elle fait connoître que ce Saint avoit établi dans le Monastere de Pulfano & ceux de fa dépendance un Inftitut different de celui que faint Guillaume de Verceil avoit établi au Mont Vierge,

Tome VI.

S

pas

PULSANO.

ORDRE DE puifque la Regle de S. Benoît étoit obfervée dans les Monaiteres de l'Ordre de Pulfano du vivant même de S. Guillaume, & que ce ne fut qu'après fa mort qu'elle fut reçuë dans fon Ordre par les foins de Robert,troifiéme Genéral, comme nous avons dit dans le Chapitre précedent, outre que faint Guillaume ne laiffa rien par écrit à fes Religieux, au lieu que faint Jean de Matera avoit au contraire donné à fes Religieux des Conftitutions avec la Regle de faint Benoît. C'est pourquoi dans la Profe qui fe dit à la Meffe le jour de la Fête de faint Jean de Matera,il y eft loüé comme étant l'Auteur d'une nouvelle Regle,

Sed æternus ac immenfus, Rex infuperabilis,
Terram, cœlum, ima, celfa, uti ineffabilis,
Qui Abbatis Pulfanenfis implevit præcordia,
Vivo fonte quo potaret fubditorum agmina,

Quibus novam mufto plenus promulgaret Regulam.

L'on pourra peut être objecter fur ce que nous avons dit ci-deffus que ce Religieux n'avoit point de fcapulaire, que faint Benoît ordonne dans fa Regle que les Religieux aïent un fcapulaire pour le travail, & non pas un autre habit au lieu du fcapulaire, comme nous venons de le voir dans le dernier témoignage que faint Jean de Matera exige de lui:ce qui eft une contradiction fuffifante pour faire douter que la Regle de S. Benoît fût obfervée dans le Monaftere de Pulfano. Mais ce n'eft pas une confequence: car il faut remarquer que dans l'Ordre de faint Benoît on a fouvent pris la cucule pour le fcapulaire, & le fcapulaire pour la cuculle: c'est ce qui étoit déja en pratique dès le huitiéme fiécle, auquel tems vivoit l'Abbé Smaragde qui dans fon Commentaire fur la Regle de faint Benoît, dit que l'on appelloit. Cappe ou Chape, ce que faint Benoît appelloit Cuculle, & qu'ils nommoient Cuculle ce que faint Benoît a appellé le fcapulaire In cap. ss. pour le travail : Cucullam dicit ille ( S. Benedictus) quod nos Reg. fancti modo Cappam dicimus: quod vero ille dicit fcapulare propter. opera, hoc nos modo dicimus Cucullam. Ce que nous venons de dire fuffira pour prouver l'existence de l'Ordre de Pulfano, il eft tems de parler de fon Fondateur.

Bened.

Saint Jean nâquit à Matera ville de la Poüille, de parens illuftres,que l'amour de la folitude lui fit abandonner pour

PULIANO.

fe retirer dans une ifle qui eft vis-à-vis Tarente, où après ORDRE DE s'être dépouillé de fes habits précieux, & avoir pris les plus vils qu'il put trouver il demeura quelque tems inconnu : ce fut inutilement, que fes parens le chercherent, ils ne le reconnurent point fous ces méchans habits. Jean se voïant délivré des pourfuites que l'on faifoit pour le chercher, fe préfenta à la porte d'un Monaftere qui étoit dans cette ifle, où il fut reçu pour garder les troupeaux. 11 joignit à cette humilité une fi grande mortification, que les Religieux de cette Abbaïe, voïant que ce jeune homme condamnoit par fon abstinence la vie fenfuelle qu'ils menoient, & ne pouvant l'obliger à manger de leurs mets délicieux qu'ils lui préfentoient quelquefois, & qu'il méprifoit leurs feftins; foit par dépit, foit pour éprouver s'il le faifoit par une efprit de mortification,ils lui refuferent ce qu'ils avoient accoutumé de lui donner pour fa fubfiftance, même jufqu'à du pain.gu

Il quitta cette ifle, & s'étant mis für une petite barque qui fe trouva fur le bord de la mer, il arriva en Calabre, où il redoubla fes jeûnes & fes abftinences, ne mangeant que de deux jours l'un : & quelquefois il reftoit trois ou quatre jours fans manger. De là il paffa en Sicile,où il demeura l'efpace de deux ans dans un affreux défert fans parler à perfonne, fe contentant pour fa nourriture de figues fauvages & d'herbes ameres, qu'il trouva dans cette folitude, y pratiquant des aufterités incroïables. Il eut dans ce lieu de rudes combats à foûtenir contre les Démons qui lui apparoiffoient fous la forme de divers animaux : mais ils fe trouverent toûjours vaincus, & furent contraints de le laiffer en paix.

Dieu qui vouloit fe fervir de lui pour la converfion de plufieurs pecheurs, lui infpira de fortir de ce défert: il obéït à la voix du Seigneur,& alla à Genofa dans la Poüille, où le tumulte de la guerre avoit fait retirer fes parens. Il demeura pendant deux ans près de leur maifon, & même quelque tems dans leur propre maison, fans qu'ils le reconnuffent. Pendant cinq ans il ne mangea que des figues fauvages & des graines de myrte. Il garda pendant deux ans & demi un profond filence fans parler à perfonne ; & après ce tems là rempli de l'efprit de Dieu, il alla dans les places publiques pour prêcher contre les deréglemens du fiécle. On ne vit

ORDRE DI jamais de Prédicateur fi rempli de fageffe, de science & d'éPULSANO. loquence. Il étoit l'admiration de tous fes Auditeurs: & fes difcours étoient fi vifs & fi touchans, que plufieurs perfonnes fe convertirent & changerent leurs moeurs deréglées en une vie fainte & exemplaire.

On rapporte que faint Pierre lui étant apparu, & luiaïant commandé de rétablir une Eglife dédiée en fon nom proche Genofa, qui tomboit en ruine, il engagea auffi-tôt plufieurs perfonnes à l'aider dans cette entreprife, que les pierres & la chaux manquant aux ouvriers, il leur dit de foüiller dans un endroit qu'il leur indiqua, qu'ils obéirent, & qu'ils en trouverent fuffifamment pour finir leur ouvrage. Une découverte fi miraculeufe devoit fans doute lui attirer l'estime des hommes & le faire regarder comme un ami de Dieu : máis par une fecrette difpofition de la divine fageffe, qui veut quelquefois éprouver fes Saints, elle eut un effet tout contraire: car elle lui attira une perfecution de la part de Robert Comte de Sicile, auprès duquel il fut fauffement accufé d'avoir trouvé dans ce lieu un grand Tréfor. Il fut jetté dans une obfcure prifon,où il fut chargé de chaînes,qui en fe -rompant miraculeufement, fervirent à faire connoître fon innocence & la malice de fes accufateurs. Il ne fortit pas pour cela de prifon, quoiqu'il le pût faire facilement ; mais enfin aïant été averti par un Ange d'enfortir, il passa au milieu des Gardes fans qu'ils s'en apperçuffent.

:

Jean en aïant rendu graces à Dieu, réfolut de quitter la Pouille & vint à Capoue, où quelque tems après qu'il y fut arrivé il reconnut par revelation divine qu'il devoit retourner dans la Poüille & qu'il y gagneroit à Dieu un grand nombre de perfonnes de l'un & de l'autre fexe. Il retourna donc dans cette Province, & alla trouver faint Guillaume qui s'étoit retiré fur le Mont Laceno,avec lequel il demeura quelque tems. Il voulut perfuader à faint Guillaume de quitter ce lieu & de fe féparer,prévoïant le fruit qu'ils devoient faire chacun de leur côté : mais faint Guillaume n'aïant pas donné d'abord dans fon fentiment, ils refterent encore quelque tems en ce lieu, jufqu'à ce que Dieu qui avoit parlé à Guillaume par la bouche de fon Serviteur, lui déclara fa volonté par un figne fi manifefte, qu'il lui ôta tout fujet d'en douter; car un jour qu'ils s'entretenoient ensemble des chofes

PULSANO.

celeftes, ils virent en un inftant leurs cellules confumées par ORDRE DE le feu. Un prodige fi étonnant fit connoître à faint Guillaume le tort qu'il avoit eu de ne pas fuivre le confeil de faint Jean de Matera, & le fit enfin refoudre d'abandonner le MontLaceno pour aller avec lui fur celui de Cogno. Ils y resterent encore quelque tems enfemble; mais faint Jean pouffé par un fecret mouvement de la grace, & animé d'un faint zele pour la converfion du prochain,aïant pris congé de faint Guillaume, vint à Barry. Il y prêcha fortement, & déclama contre les mœurs corrompuës; mais bien loin que fes dif cours fiffent impreffion fur les efprits, on le regarda au contraire comme un Heretique, qui femoit une mauvaise Doctrine; & il fut déferé à l'Archevêque. Le Prince même en voulut prendre connoiffance, & l'aïant fait interroger fur sa Doctrine, il fut renvoïé abfous du crime dont on l'accufoit. Après avoir demeuré quelque tems dans un Monaftere, il alla au Mont- Gargan, où les habitans, par fes prieres,obtinrent une grande abondance de pluïe, dont la campagne brûlée par la féchereffe, avoit un extrême befoin; & à une lieuë ou environ de cette ville, il jetta les fondemens de l'Abbaïe de Pulfano. Il n'eut d'abord que cinq ou fix Disciples; mais en peu de tems le nombre s'augmenta jufqu'à cinquante. Il bâtit enfuite d'autres Monafteres en differens endroits. L'Auteur de fa Vie n'a pas marqué quels étoient ces Monasteres, il s'eft contenté de faire connoître qu'il y en avoit plufieurs, en difant dans un endroit que le Saint aïant connu, quoiqu'abfent, le peril où quelques-uns de fes Religieux qui demeuroient loin de fon Monaftere, étoient expofés, de fe laiffer corrompre par un autre Superieur qu'il leur avoit envoïé, & qui femoît parmi eux une méchante Doctrine, il alla les trouver, & raffura de telle forte par fa présence les efprits chancelans, qu'ils ne purent être ébranlés,& refterent attachés à la verité. Il eft auffi marqué dans un autre endroit qu'un Bourgeois du Mont-Gargan aïant ufurpé une Eglife proche Pulfano, touché de repentir, fit profeffion de cet Ordre entre les mains du faint Abbé, en fui faifant don de tous les biens, & que le Saint fit de cette Eglife un Monaftere de Religieufes. L'Auteur ajoûte qu'il y en avoit auffi un autre fous le titre de faint Barnabé, qui étoit auffi rempli de Religieufes. Nous avons déja parlé ci-devant d'un autre

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