Loin de prêter l'oreille à fon langage, Ne vouloit pas fe montrer feulement : Mais le Ramier parlant de défunt fon amant, Infenfiblement il l'engage
A recevoir fon compliment.
Ce compliment fut d'une grande force; Il difoit du défunt toute forte de bien, Ne blâmoit la veuve de rien;
Bref, c'étoit une douce amorce Pour attirer un plus long entretien. Voilà donc la belle Affligée En tendres propos engagée: Elle tombe fur le difcours De l'hiftoire de fes amours:
Dépeint, non fans cris & fans larmes, pauvre trépaffé les vertus & les charmes, Et ne croyant par là que Alatter fa douleur, Elle apprit au Ramier le chemin de fon cœur. Par ce que le défunt avoit fait pour lai plaire, Il comprit ce qu'il falloit faire.
Il étoit copiste entendu;
Il fçut fi dextrement imiter fon modelle, Que dans peu notre Tourterelle
Crut retrouver en lui ce qu'elle avoit perdit.
ENFIN, cher CLIDAMIS, l'amour vous impor
Vous fuivez le parti de l'aveugle Fortune; L'exemple des mortels qu'elle a précipitez Du fuprême dégré de leurs profpéritez, Des trônes renverfez, des nations éteintes, Qui troublent l'Univers par leurs trop juftes plain-
La foule des Héros qu'elle traîne au cercueil, N'ont pû vous garantir de ce fuperbe écueil, Pour elle vous quittez notre innocente vie, Qui de tant de douceurs avoit été fuivie : Pour elle vous fuyez ce paifible féjour, Où régnent pour jamais l'innocence & l'amour. Le défir des grandeurs étouffe votre flamme; La Cour & fes appas me chasse de votre ame; Ma cabane n'eft plus digne de vous loger 3 Vous êtes Courtilan, vous n'êtes plus Berger. Hé bien ! cher CLIDAMIS, fuivez votre génie ; Acquerez, s'il le peut, une gloire infinie; Méprifez, j'y consens, mes amoureux soupirs; Ils n'iront point troubler vos faftueux plaifirs. Qu'un éternel oubli foit le prix de mes peines; Renoncez à mon cœur pour des chimeres vaines ;
A de lâches devoirs facrifiez des jours,
Me VILLE- Dont les mains de l'amour devoient filer le cours. Malgré tant de fermens, foyez traître & parjure;
Je fouffrirai mes maux, fans plainte & fans mur
J'immole à mon amour tous mes reffentimens Et vous ferez puni par vos propres tourmens. Pour moi, dans un défert, exempte du naufrage, Je vous contemplerai dans le fort de l'orage; Et peut-être qu'un jour de ce tranquille port Je vous verrai l'objet des caprices du Sort. De-là je vous verrai fur la mouv ante rouë, Tantôt au firmament, & tantôt dans la bouë. L'aveugle Déité dont vous fuivez le char, Séme indifféremment fes faveurs au hazard; Son inconftante humeur ne peut être arrêtée; Je la connois, Berger, pour vous je l'ai quittée : Je fçais trop de quels biens elle peut nous combler, Et que c'eft dans fes bras qu'on doit le plus trem- bler.
Quand vos beaux jours, paffez dans vos pourfui- tes vaines,
regretter tant d'inutiles peines.... Peut-être, CLID A MIS, que mon fimple hermi
Ne vous paroîtra plus un fi méchant partage. Vous connoîtrez alors que nos prez & nos bois j Sont un plus doux féjour que le palais des Rois
Tous les foins font bannis des demeures champê
On y vit fans fujets, mais on y vit fans maîtres. C'est le féjour chéri du véritable Amour, L'azile du repos qu'on bannit de la Cour ; Et l'Amour qui toujours cherche la folitude, Vous abandonnera parmi la multitude. Ne le cherchez jamais fous des lambris dorez; La Fortune & l'Amour ont leurs droits féparez: Où l'une veut régner, il faut que l'autre céde. Et quelle eft donc, hélas! l'erreur qui vous pofléde? Pourquoi vouloir quitter un Maître fi charmant, Qui pour vous rendre heureux vous avoit fait
Ah! revenez à moi, fongez que je vous aime; Ou plutôt, CLIDAMIS, revenez à vous-même. De votre propre cœur écoutez mieux la voix; Confultez le Berger pour la derniere fois.
DE SACY.
OUIS-ISAAC LE MAISTRE DE SAEY, fils d'un Maître des Comptes,& frere puîné d'An- toine le Maître, Confeiller
d'Etat, eft mort le 4 Janvier 1684. âgé de 71 ans. Il nous a donné entre autres ouvrages, une Traduction de l'ancien & du nouveau Teftament, en François, avec de fçavantes notes, & celle de l'Imitation de Jefus-Chrift, qui porte le nom du Sieur de Beuil.
Pour le Saint Ange Gardien.
Au point que le Soleil rentre dans fa carriere,
Aimable conducteur, Ange plein de lumiere, Diffipe de mon cœur la fombre obscurité ; Fais briller tes rayons jufqu'au fond de mon ame, Et grave en mon efprit, avec des traits de flam-
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