Efon rajeuni par Médée.
POUR rajeunir un vieux fexagenaire En bonne foi Médée eut fort à faire : Son fils Jafon le vit déchiqueté, Haché menu comme chair à pâté, Puis auffi-tôt mis dans une chaudiere.
Tout beau, dit-il, Madame la Sorciere; Vous hazardez la fanté de mon pere, Eft-il befoin qu'il foit ainfi traité Pour rajeunir ?
Le voilà donc dans fa fleur printaniere, Beau, de bon air, d'agréable maniere, Et revenu de fon antiquité :
Par bien du monde il feroit imité,
Mais cette épreuve eft un peu finguliere Pour rajeunir.
Nourrices de Bacchus rajeunies.
De tout leur cœur ces vieilles de bon fens,' Prioient Bacchus en termes fort preffans, De leur donner pour prix de leurs fervices, Les yeux brillans, le teint frais des Novices, Et les remettre en leurs jours floriffans.
Par-là ce Dieu des plus reconnoiffans, Ayant payé leur lait & leur encens,
Sur nouveaux frais elles furent Nourrices,
Que l'on en voit par des remords puissans Plaindre l'abus de leurs charmes abfens, Et renoncer quoique tard aux délices, Pour embraffer la haire & les cilices, Qui voudroient bien revenir à quinze ans De tout leur cœur !
Il étoit bon tant qu'il fut jeune & frais : L'Aurore obtint, éprife de fes traits, Qu'il fût exempt de la Parque fatale, Mais elle omit la claufe principale, D'empêcher l'âge & fes fâcheux progrès.
Il devint vieux, il perdit fes attraits Ce beau Tithon: or de prétendre après Qu'elle tînt ferme en la foi conjugale, Il étoit bon.
Elle feignoit de vacquer aux aprêts Du jour naiffant, fe levoit tout exprès Pour s'en aller dans les bras de Céphale, Et laiffoit là fon mari froid & pâle,
Qui fe croyoit couché toujours auprès. Il étoit bon.
A la Beauté c'eft trop que tout prétende. Trois Déitez de la célefte bande Furent trouver autrefois fur cela, Le beau Pâris : chacune lui parla, Comme fon droit au Juge on recommande.
Chacune efpere, & chacune appréhende; Pour obtenir le prix qu'elle demande, Chacune joint les hauts talens qu'elle a A la Beauté.
Moi, dit Junon, je fuis riche, & fuis grande. Moi, dit Pallas, des Sçavans j'ai l'offrande. Moi, dit Venus, je fuis belle, & par-là Je dois avoir la Pomme que voilà. Auffi l'eut-elle. Il faut que rout fe rende A la Beauté.
Querelle d'Apollon & de l'Amour.
DE le braver par des mots outrageux, Ce tendre Enfant qui n'aime que les jeux, Phébus eut tort, il fçait ce qu'il en coûte. Tous deux alloient par une même route, Quand de parole ils fe prirent tous deux.
Que faites-vous de ces traits, de ces feux Petit Aveugle? Eroit-il pas honteux
De l'infulter fur ce qu'il ne voit goute,
Amour fourit, & le rend amoureux, Sans être aimé de l'objet de fes vœux Qui le méprife & jamais ne l'écoute. It eft fort beau de le vaincre fans doute, A qui le peut, mais il eft dangereux De le braver.
Naiffance de Pégafe.
SANS s'écarter de fon but principal, Perfée alloit contre un Monftre fatal, Qui de ferpens avoit la tête pleine, Et lui coupa cette tête inhumaine, De qui l'afpect produifit tant de mal.
De fon fang vint un illuftre animal,· Qui d'Apollon cherchant le facré val, S'y tranfporta d'une courfe foudaine Sans s'écarter.
C'étoit Pégale, & ce docte cheval, De la richeffe ennemi capital, Qui d'Hélicon fit naître la fontaine, Tout d'une traite & prefque d'une haleine,
Porte fouvent fon homme à l'Hôpital
PAR le plaifir feulement de mal faire, Aux Paflagers ces Belles vouloient plaire, Les attirant pour les perdre en un coin ;
Le fage Ulyffe en fut un bon témoin,
Qui fut prudent affez pour s'en défaire.
Etes-vous d'âge un peu mûr d'ordinaire
Vous vous laissez aller à votre affaire. Etes-vous jeune ? on vous méne bien loin Par le plaifir.
La volupté, le jeu, la bonne chere, Sont des chemins par où va le vulgaire : Du feul honneur les Héros ont befoin; Mais il y faut de la peine & du foin; Et c'est un terme où l'on n'arrive guére Par le plaifir.
Sur les Rondeaux de M. de Benferade.
A la fontaine où l'on puise cette eau, Qui fait rimer & Racine & Boileau, Je ne bois point, ou bien je ne bois guére;
1 Ulyffe, pour fe précautionner contre les charmes de la beauté & de la voix des Syrenes, fe fit attacher au mât de fon vaiffeau, & boucha avec de la cire les oreilles de fes compagnons, pour les mettre hors d'état d'entendre leurs chants, lorfqu'ils pafferoient auprès des rochers, où elles faifoient leur demeure.
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