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Le cours des ans, des mois, & des jours, & des nuits, PELISSON. La fraîcheur des vallons, l'abondance des plaines, Le fouffle des zéphirs, le doux bruit des fontaines, Le filence des bois, les oifeaux, leurs chansons, Tout l'Univers entier nous crie en cent façons, Vivez & bénissez celui qui vous fait vivre.

Mais nous n'en ferons rien; il vaut mieux faire un
Livre ;

Il vaut mieux s'enrichir ; nos parens, nos neveux,
Nous auront dans la bouche, & nous croiront heu-

reux.

L'un compofe un Roman, un Poëme, une Hiftoire,
Cherchant de tous côtez le chemin de la gloire ;
En vain, car les écrits meurent fans faire bruit;
Peu de tems les a faits, peu de tems les détruit.
L'autre, qui plus fenfé n'entreprend qu'un ou-

Choifit

vrage,

mot après mot, revoit page après page; A toute heure, en tous lieux, rumine fon deffein; Le lime, le polit, en retire la main,

Puis l'y met de rechef: tel que l'Aftre du monde,
Qui fur le dos voûté de la machine ronde
Repaffant mille fois & mille fois encor,
Du plomb fait de l'argent, du cuivre fait de l'or.
Le voilà fur les pas de Virgile & d'Horace;
Oui, fon nom vénérable ira de race en race;
Mais cependant, ôfiécle! ô fort trop inhumain!
Un ouvrage immortel le fait mourir de faim

Tel qui fait, fans penfer à ces races futures, Au lieu de bons écrits, de groffes écritures, Qu'on achete par rôle, & tel de qui l'emploi Confifte à bien voler le public & le Roi,

Ont bien plus de profit... Mais quoi, leur abon
dance

N'eft, pour en bien parler, qu'une haute indigence.
Ils demandent toujours, & jufques au trépas
Méprifent ce qu'ils ont, cherchent ce qu'ils n'ont

pas.

Ce fou voit tout à lui, tout le monde lui donne,
Un peuple de valets nuit & jour l'environne;
Et fa vafte maison, d'un & d'autre côté,
Ceinte de grands jardins, refpire en liberté :
Cependant tout lui nuit, lui déplaît, l'importune.
Impudent, ofes-tu t'en prendre à la Fortune,
Toi, qui dans ton hôtel es fervi comme un Roi,
Et de qui les cochers font mieux vêtus que moi?
Sçais-tu ce qu'il te faut dans l'ennui qui te preffe?
Un peu moins de fottife, un peu moins de richeffe.

OD E.

Miféricorde de Dieu envers les pécheurs.

GRAND Dieu, par quel encens & par quelles vic,

times

Pourrai-je détourner ton courroux que je crains?
J'ai mérité la mort & pour de moindres crimes,
Le monde a vû tomber la foudre de tes mains.

PELISSON

PELISSON

L'excès de tes bontez

augmente mon

offense,

Tu me combles de biens au lieu de me punir;
Et l'on voit, ô prodige! une égale conftance,
En moi pour t'offenser, én toi pour me bénir.

İl eft vrai, mon Sauveur, mes fautes font mor-
telles,

Toujours ma paffion s'oppose à tes projets :

Mais hélas ! fi tu perds tous ceux qui sont rebelles,

En quel lieu de la Terre auras-tu des sujets ?

Mes crimes, d'un côté, provoquent ta justice';
De l'autre, ta bonté demande non pardon.
As-tu moins de bonté que je n'ai de malice?
Serai-je plus méchant que tu ne feras bon ?

L'hyver, accompagné des vents & des orages,
Vient de quitter la place à la belle faison;
La terre eft fans glaçons, le ciel eft fans nuages,
L'un montre fon azur, l'autre fon verd gazon.

Par toi, l'air est serein, & la terre féconde :
Grand Dieu, c'est toi qui fais, en dépit des hy-

vers,

Retourner fur fes pas la jeuneffe du monde,
Et renaître à nos yeux l'éclat de l'Univers

S'il eft ainfi, de grace, arrête le tonnerre;
Epargne ton ouvrage, ô Dieu! mon Créateur:

Tu fais un nouveau ciel, une nouvelle terre;

Peux-tu pas dans mon corps former un nouveau PELISSON.

cœur ?

Il y va de mon bien, il y va de ta gloire : Dompte, par ton Esprit, mon efprit obstiné: Ton triomphe et le mien, je gagne en ta victoire: Quand tu feras vainqueur, je ferai couronné.

DU PSEAUME XXXVII.

Il n'y a de bonheur véritable que pour le Jufte,

VOIS-TU ces hauts palais, ces pompeux édifices,
Que l'Injuste a bâtis du fang des Innocens ?
Οι nageant nuit & jour au milieu des délices,
Sans peine & fans douleur il voit couler fes ans?
Fidele, attends un peu; ne porte point d'envie
Au bonheur de fa vie ;

L'herbe des champs s'éleve, & fleurit comme lui;
Mais fon brillant éclat peu de tems lui demeure;
On l'admiroit hier, on la fauche aujourd'hui ;
Et l'ouvrage d'un an périt en moins d'une heure.

Quel plaifir, ô mon Dieu, de voir par ta puissance
Up Jufte profperer plus que mille mondains;
Et tes mains, en fecret répandre l'abondance
Qu'on impute fans caufe au travail de fes mains!
Il pourrit l'indigent, il répare la perte

Que fon frere a foufferte:

En tout tems la mifére éprouve fon fecours : PELISSON. Sa fortune (bien loin que fes dons la détruifent) Toujours plus floriffante, augmente tous les jours, Comme ces fources d'eau, qui jamais ne s'épuifent.

Mais vous, qui méprisez & l'amour & la haine
Du Maître fouverain des ames & des corps,
Vous périrez, ingrats, & n'aurez que la peine
D'entaffer vainement tréfors deffus tréfors.
En quel lieu fuirez-vous? où fera le réfuge
Contre un fi puiffant Juge?

Si d'un jufte courroux fon cœur eft enflammé,
Quand fa main oublieroit l'ufage de la foudre,
Comme en un feul moment fa voix a tout formé,
Sa voix en un moment peut tout réduire en poudre.
SUR CES PAROLES:

In manus tuas, Domine, commendo, &c.

SEIGNEUR, qui dans mon ame as formé ton

image,

Daigne la recevoir en tes divines mains;

Ton fang la délivra du funefte efclavage

Où l'engagea l'orgueil du premier des humains.
Cette ame eft ta conquête, & ton fang eft le gage
Qui lui doit affurer l'effet de ton amour.
Fais qu'elle aille en ton fein recueillir le partage
Qu'elle efpere en fortant de ce trifte féjour.

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