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Aux campagnes de Mars on a vû fa valeur
Peupler les monumens, & déferter la terre.

Après tant de travaux & de faits généreux,
Son efprit eft au Ciel parmi les bienheureux,

Et ne peut désormais ni defirer, ni craindre.

Paffant, qui dans la France ás fon nom entendu, En voyant fon tombeau garde-toi de le plaindre; Ne plains que le malheur de ceux qui l'ont perdu.

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Sur la mort d'Honorat de Bueil, fils de l'Auteur.

CE fils, dont les attraits d'une aimable jeuneffe Rendoient de mes vieux jours tous les défirs con

tens ;

Ce fils, qui fut l'appui de ma foible vieilleffe,
A vû tomber fans fruit la fleur de fon printems.

Trois mois d'une langueur qui n'eut jamais de

ce

ceffe,
L'ont fait dans tombeau defcendre avant le tems,
Lorfque fous les couleurs d'une grande Princeffe,
Son âge avoit à peine atteint deux fois huit ans.

Tout le fiécle jugeoit qu'en fa vertu naissante,
La tige de BUEIL, jadis fi floriffante,
Vouloit fur fon déclin faire un dernier effort:

I Il mourut en 1652, Page de MADEMOISELLE, fille de Gafton d'Orléans.

RACAN.

Son efprit fut brillant, fon ame généreuse,

RACAN. Et jamais fa Maison, illuftre & malheureuse,
N'en a reçû d'ennui que celui de fa mort.

STANCES.

Plaintes d'un malheureux.

PLAISANT féjour des ames affligées,
Vieilles forêts, de trois fiécles âgées,

Qui recelez la nuit, le filence & l'effroi;
Depuis qu'en ces déferts les amoureux fans crainte
Viennent faire leur plainte,

En a-t'on vû quelqu'un plus malheureux que moi ?

Soit que le jour diffipant les étoiles,
Force la nuit à retirer fes voiles,

Et peigne l'Orient de diverfes couleurs;
Ou que l'ombre du foir, du faîte des montagnes
Tombe dans les campagnes,

On ne m'entend jamais que plaindre mes douleurs.

En mon fommeil, quelquefois de vains fonges

Trompent mes fens par de fi doux menfonges, Qu'ils donnent à mes maux un peu de réconfort: O Dieux ! de quel remede eft ma douleur suivie, De ne tenir la vie

Que des feules faveurs du frere de la Mort!

Douceurs de la vie champêtre.

TIRCIS, il faut penfer à faire la retraite :
La courfe de nos jours eft plus qu'à demi faite :
L'âge infenfiblement nous conduit à la mort :
Nous avons affez vû fur la mer de ce monde,
Errer au gré des vents notre nef vagabonde;
Il eft tems de jouir des délices du port.

Le bien de la fortune eft un bien périffable;
Quand on bâtit fur elle, on bâtit fur le fable:
Plus on eft élevé, plus on court de dangers.
Les grands pins font en bute aux coups de la tem-
pête,

Et la rage des vents brife plûtôt le faîte

Des maifons de nos Rois, que des toits des Ber-
gers.

O bienheureux celui qui peut de fa mémoire
Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire,
Dont l'inutile foin traverse nos plaifirs;
Et qui loin retiré de la foule importune,
Vivant dans fa maison content de fa fortune,
A felon fon pouvoir mefuré les défirs!

pere:

Il laboure le champ que labouroit fon
Il ne s'informe point de ce qu'on délibere
Dans ces graves Confeils, d'affaires accablez:
Il voit fans interêt la mer groffe d'orages,

RACAN.

Et n'obferve des vents les finiftres présages, RACAN. Que pour le foin qu'il a du falut de fes bleds.

I

1 Roi de fes paffions, il a ce qu'il défire:
Son fertile domaine eft fon petit empire;
Sa cabanne eft fon Louvre & fon Fontainebleau ;
Ses champs & fes jardins font autant de Provinces;
Et fans porter envie à la pompe des Princes,
İl eft content chez lui de les voir en tableau.

Il voit de toutes parts profpérer fa famille,
La javelle à plein poing tomber fous la faucille,
Le vendangeur ployer fous le faix des paniers:
11 femble qu'à l'envi les fertiles montagnes,
Les humides vallons & les graffes campagnes
S'efforcent à remplir fa cave & fes greniers.

Il fuit aucunes 2 fois un cerf par les foulées,
Dans ces vieilles forêts du peuple reculées,
Et qui même du jour ignorent le flambeau :
Aucunes fois des chiens il fuit les voix confufes
Et voit enfin le liévre après toutes fes ruses,
Du lieu de fa naiffance en faire fon tombeau.

I M. de RACAN excelloit furtout à peindre noblement & avec grace les plus petites chofes, témoin cette Stance & les fuivantes. C'étoit auffi le talent particulier du fameux Defpréaux, comme on le peut voir par l'Epître à fon Jardinier, &quelques autres Pieces de fa façon.

2 Aucunesfois pour quelquefois, ne se dit plus depuis long tems.

Tantôt il fe promene au long de fes fontaines, De qui les petits flots font luire dans les plaines L'argent de leurs ruiffeaux parmi l'or des moiffons:

Tantôt il fe repofe avecque les Bergeres,

Sur des lits naturels de mouffe & de fougeres,
Qui n'ont d'autres rideaux que l'ombre des buil
fons.

Il coule fans chagrin les jours de fa vieilleffe,
Dans ce même foyer où fa tendre jeuneffe
A vû dans le berceau fes bras emmaillotez:
Il tient par les moiffons regiftre des années,
Et voit de tems en tems leurs courfes enchaînées,
Faire avec lui vieillir les bois qu'il a plantez.

Il ne va point fouiller aux terres inconnuës,
A la merci des vents & des ondes chenuës,
Nature avare a caché de trésors :

Ce que
Il ne recherche point, pour honorer sa vie,
De plus illuftre mort, ni plus digne d'envie,
Que de mourir au lit où fes peres font morts.

Il contemple du port les infolentes rages
Des vents de la faveur, auteurs de nos orages;
Allumer des mutins les deffeins factieux;

Et voit en un clin d'œil, par un contraire échange,
L'un déchiré du peuple, au milieu de la fange,
Et l'autre en même tems élevé jufqu'aux cieux.

RACAN

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