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ti

N'y redouble-t-il pas la foif de la vangeance?
Ne vous fentez-vous pas brûler d'impatience?

ORESTE.

Pour en pouvoir douter, tu connois trop mon cœur.
Garenti du trépas par Electre ma Sœur,

Et remis dans tes mains dés ma plus tendre enfance ;
Tu m'infpiras des vœux dignes de ma naissance :
Fidelle à mon devoir, on me verra remplir.
Mais que fert de parler, Pamene, il faut agir.

PAMENE.

que

Oui, ne differons plus, mais avant qu'entreprendre
Ce Dieu vous a fur tout ordonné de vous rendre
Au tombeau du grand Roi qui vous donna le jour :
Acquitez-vous d'un foin lui doit vôtre amour.
On trouve ce tombeau hors des murs de Mycénes,
Hâtons-nous d'y chercher le remede à nos peines;
Nous reviendrons, Seigneur, enfuite exécuter
Le projet important que j'ai fçû concerter :

Qui peut nous reconnoitre : & le tems, & l'abfence
N'ont que trop effacé les traits de vôtre enfance,
Et douze ans de travaux, de vieilleffe, & d'ennuis
Me font prefqu'à moi-même oublier qui je fuis.
A la Cour peu connu, je puis en afsurance...
J'entends du bruit, on vient, fortons en diligence.

ORESTE.

Si nous nous informions du deftin de ma Soeur :
Je voudrois....

PAMENE.

A l'Oracle, obéïffons Seigneur.

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A

EGY STE.

Rêtons-nous ici. Vous, allez Atigene,
Allez de mon retour, avertiffez la Reine,
Je l'attends en ces lieux ; que veut-elle Dymas:
Sa lettre me rappelle & ne s'explique pas.

Dans le calme profond qu'offre la folitude,
Je cherchois quelque azile à mon inquiétude:
Mais en vain l'agitant on croit fuir fa douleur,
Le changement des lieux ne change point le cœur ;
Les chagrins dévorans où nôtre ame se livre,
Vagabonds avec nous, font conftans à nous fuivre.
D'un repos précieux où pourrois-je jouïr?
Je me traîne par tout, & ne fçaurois me fuir.
DYMAS.

De ce trouble inquiet d'où naît la violence!
Seigneur, en ce dégré de gloire & de puiffance,
Quand tout fléchit fous vous eft-il quelques foucis
Qui ne foient effacez, ou bien-tôt adoucis!

EGY STE.

Ah! que tu connois mal le poids d'une couron

Le,

Tu ne vois que l'éclat, Dymas, qui l'environne,

!

Mais quel fiel, quel poifon en corrompt les dou

ceurs !

Que de peines fouvent nous percent fous fes fleurs !
Qui connoîtroit les maux que coûte un diadême,
Le fouleroit aux pieds ; & le moins fage même
Craindroit de ramaffer un funefte bandeau,
Qui lui fait entrevoir dans fa perte un tombeau ;
Mais d'un rang élevé pour pouvoir en descendre,
Le fort par un cheveu fe plaît à nous fufpendre,
Et troublé, chancelant, fous ce faîte orageux,
On ne voit pour tomber qu'un précipice affreux.
Sur tout, ceux qui de fang cimentant leur puiffan-

ce,

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Par force au trône affis regnent par violence,
De chagrins, de foupçons, nuit & jour dévorez,
Tourmentez de frayeurs, de remords déchirez,
Efclaves de leur rang, las d'eux-mêmes ils regnent
Et punis par avance ils fouffrent ce qu'ils craignent.
Ah! fi de mes pareils on entr'ouvroit le cœur,
Que l'œil pût penetrer cet abîme d'horreur,
On les verroit gemir fous les coups, dans les chaî-

nes,

Et laffer cent bourreaux fans épuifer leurs gênes;
Brave-t'on les mortels; on ne peut fuir les Dieux;
Pour moi depuis un tems à moi-même odieux,
Craint de tous, je crains tout ; tout m'allarme &
m'offense,

Je fuis jufqu'à la Reine, & je hais fa prefence,
Et fans nos interêts qui nous tiennent unis,
Nous nous ferions déja l'un de l'autre bannis.
Nôtre afpect pour tous deux eft un fecret reproche:
Tout mon cœur agité fremit à fon approche,
Et femant entre nous cette horreur qui le fuit,
Nôtre crime vangeur l'éleve & nous pourfuit;

Mais Orefte fur-tout allarme mon courage,
Ne refpirant déja que guerre & que carnage,
Cet ennemi fatal de mon fang afteré,
Sur moi fondra bien-tôt de fureur enivré;
Un Oracle effrayant nourrit mon épouvante,
Sa réponse fans ceffe à mes yeux eft prefente,
Il m'offre obfcurément un jour mêlé d'horreur,
Ecoute, & fi tu peux condamne ma frayeur;
De ton trouble caché je fçai la violence:
Tu fentiras encor cette horreur augmenter :
La voix du fang verfé qui demande vangeance,
Monte jufques au Ciel & doit t'épouvanter.
D'une profonde nuit ne fonde point l'abime,
Et ceffe de fouiller & mon temple, & mes yeux,
Malheureux affaffin de ton Roi legitime,
Pourquoi fur tes frayeurs interroger les Dieux ?
Les as-tu confultez quand tu commis le crime?
Quel Oracle ! & depuis pour comble à mon effroi,
Les Dieux font demeurez fourds & muets pour

moi.

Oracle, Oracle affreux ! jufques dans ton filence, Que ta fombre clarté ... mais la Reine s'avance.

SCENE

I V.

EGYSTE, CLYTEMNESTRE, DYMAS.

A

CLYTEMNESTRE.

H! Seigneur, s il fe peut diffipez ma frayeur; Je viens vous confier mon trouble & ma douleur,

Un fi preffant effroi de tous mes fens eft maître, Qu'étouffant ma raison j'ai peine à me connoître. EGY STE.

Madame, quels difcours! quels regards pleins d'ef

froi :

Eft-ce vous que j'entends, eft-ce vous que je voi,
Vous cette Reine altiere & dont l'ame intrepide,
Dépouillant les défauts de fon fexe timide,
Des plus fermes Heros adopta les vertus ?

Vous....

CLYTEMNESTRE.

Un beau jour m'a changée, & le paffé n'eft plus:
En vain avec effort je me cherche moi-même,
Mon courage abbatu cede à mon trouble extrême :
Non, dans un changement fi grand & fi foudain,
Que fert de fe flater! il n'entre rien d'humain,
C'est l'ouvrage des Dieux, je fens leur main pref-
fante,

It ma terreur encore en vous voyant s'augmente.

EGYSTE.

Mais qui peut de ce trouble agiter vôtre cœur ?

CLYTEMNESTRE.

Uu fonge épouvantable, un fonge dont l'horreur....
Que dis-je, je veillois, au spectacle sinistre,
Des vangeances du Ciel interprete & miniftre;
Il trouble encor mon ame, il frape encor mes yeux,
Je l'ai vû, je le vois, il me fuit en tous lieux-
En vain je veux bannir ces images funebres;
Dans la plus fombre horreur des profondes tene
bres,

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