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ELECTRE

TRAGEDIE,

1

ACTEURS.

ELECTRE,
ORESTE,

CHRYSO THEMIS, Sœur
d'Electre & d'Orefte.

CLY TEMNESTRE, Reyne.
EGYSTE, Tyran de Mycenes.
PILADE, Amy d'Orefte.
PAMENE, Gouverneur d'Orefte.
DYMAS, Confident d'Egyfte.
ISMENE,

NERINE,

ANTYGENNES,

LA SCENE

Eft à Mycénes, dans un Salon du
Palais d'AGAMEMNON.

ELECT RE

TRAGEDIE.

ACTE PREMIER.

***

SCENE PREMIERE.

ELECTRE, feule.

Ille d'Agamemnon, Electre infortunée,

A des maux éternels les Dieux t'out condamnée :

Les Dieux ont de ton Pere oublié le

trepas;

Je les implore en vain, ils ne le vangent pas. Qu'efperer! que réfoudre en ma douleur cruelle ? Helas! elle eft au comble, & ma playe eft mortelle.

A

Soleil, toi qui répands à regret la clarté,
Sur ce Palais affreux par le crime infecté,
Et fremiffant d'y voir le vrai Fils de Thyefte,
Es toûjours prêt à fuïr à fon afpect funefte;
Tu te preffes Soleil de rentrer dans les flots,
Mais en fors-tu jamais fans oüir mes fanglots;
Et lorfqu'enfin la nuit rend le repos au monde,
Toute entiére abîmée en ma douleur profonde,
Le fein meurtri de coups, les yeux noyez de pleurs,
Des deftins ennemis j'accufe les rigueurs.

La mort, l'horrible mort d'Agamemnon mon Pere,
Rend ma douleur trop jufte ainfi que ma colere ;
Et c'eft pour la nourir que je cherche ces lieux,
Où tout me renouvelle un forfait odieux.

Dieux vangeurs? c'eft ici qu'arrêté dans le piége,
Mon Pere fuccomba fous un fer facrilege:

O mon Pere! ô monRoi! Mes yeux,mes triftes yeux,
Virent fondre fur toi ces tigres furieux,

La fraude terraffer ta valeur abattue,
Et ton fang réjaillir fur ta fille éperdue.
Je te vis expirant par les tiens égorgé.
O mon Pere! je vis, & tu n'es pas vangé,
Ton affaffin triomphe, & du Ciel qui l'éclaire,
Jouiffant de fon crime, il brave la colere.
O vous dont l'eil farouche & la fevere main
Obfervent les forfaits, les gravent fur l'airain,
Vous qui des gouffres fourds de l'infernale rive
Prêtez au fang qui crie une oreille attentive,
Et qui marchant dans l'ombre ayancez à pas
lents
Pour accomplir l'horreur de vos arrefts fanglants,
Terribles Déitez, venez vanger mon Pere,
Hatez-vous, ou du moins renvoyez-moi mon Frere;
Ce Frere à fes Bourreaux par moi feult arraché,
A qui par tant de noeuds mon cœur eft attaché,

Ce Frere, mon amour, mes vœux, mon efperance, Et pour tout dire enfin, dont j'attends ma vangeance. Qu'il vienne, abandonnée à de fi grands malheurs, Je ne puis plus porter le poids de mes douleurs.

SCENE I I.

ELECTRE, ISMEN E.

ISMENE.

E ces vives douleurs,cachez mieux les atteintes,

D Madame, on peut ouir vos regrets, & vos

plaintes,

Je tremble que vos cris en ces lieux répandus,
Ne foient ou de la Reine, ou d'Egifte entendus.

ELECTRE.

Ah! plûtôt dans les maux dont mon ame eft la proïe,
Puiffent mes cris troubler leur odieufe joïe.
Quoi de mes ennemis le crime confacré,
Mon Frere fugitif, mon Pere maffacré,
La terre de fon fang abreuvée & fumante,
Son ombre autour de moi plaintive & murmurante
Des Dieux fourds à mes voeux la coupable lenteur,
Souffrent-t-ils quelque tréve à ma jufte douleur:
D'Egyfte l'afpect feil m'eft un cruel fuplice;
Juge du refte, helas! dont ma Mere eft compli-

ce.

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De quelle horreur crois-tu que mes fens sont saisis, Quand bourreau de mon Pere & 'fur son trône aflis,

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