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Ah! fi la feule horreur de cet objet affreux,

L'a fait presque mourir d'un transport doulou

reux >

Quel tourment de le voir le refte de sa vie,
A fes pas attaché lui fervir de furie?

Moi-même pour joüir du trouble de fon cœur,
Je lui veux annoncer ce deftin plein d'horreur:
Allez donc, je l'attend, envoyez-la, Madame.

SCENE I V.

EGYSTE, DYMAS.

EGYSTE.

Nfin j'affouvirai ce couroux qui m'enflame;

Et d'un farouche orgueil terraffant la fierté,
Je vais faire ploïer ce courage indompté :
Son trépas dès long-tems auroit calmé mon ame;
Mais en trempant mes mains dans le fang d'une
femme,

Je crains de foûlever un peuple murmurant,
Et ce nouveau fupplice eft plus fûr & plus grand,
Libre ainfi pour jamais de fes triftes approches,
Je ne puis mieux punir fes infolens reproches.

SCENE V.

ELECTRE, EGYSTE, DIMAS.

E

St-ce

ELECTRE.

pour m'annoncer, ou me donner la mort,

Que tu me fais chercher par un noble tranfport,
Je viens fur cet efpoir pleine de confiance,
Satisfaire ta rage & mon impatience.

Ta fûreté l'ordonne, ardente à fe vanger,
Tant qu'Electre vivra tes jours font en danger:
Seule, efclave, accablée, elle eft encore à craindre;
Sa haine dans ton fang ne peut même s'éteindre
Mon cœur a tout perdu, mais fans être abattu,
La fortune n'a point de droit fur la vertu.

EGY STE.

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Moi! t'accorder la mort: moi finir tes difgraces?
Crois-tu donc ma vangeance & ma colere laffes
Jufqu'à remplir tes vœux par un heureux trepas?
Je fçai mieux mefurer la peine aux attentats:
La mort eft une grace & non pas une peine :
Je veux, loin de la rompre, appefantir ta chaîne,
Et comblant tes douleurs par de nouveaux tourmens,
Rouvrir, envenimer ta plaïe à tous momens.
Je vais donc épargnant ta vûe à ma colere
Te livrer pour jamais à l'affaffin d'un Frere;
Tout dégoûtant encor, tout fumant de fon fang
Tu fuivras cette main qui lui perça le flanc,

Affervie à fes loix, à la vie enchaînée

Et d'un maître odieux efclave infortunée;
Nuit & jour à tes pas ardent à s'attacher,
Rien à fa cruauté ne pourra t'arracher,
Tule verras toûjours renouvellant fon crime,
Chaque jour te vanter l'attentat qui t'opprime,
Te retracer l'horreur de ton frere mourant,
A fes pieds abattu, fous fes coups expirant,
Et te porter cent fois, chaque atteinte funefte,
Dont fa barbare main perça le cœur d'Orefte.
L'exil, l'enfer, la mort, ne pouvant te troubler;
J'ai trouvé l'art enfin de te faire trembler.

ELECTR E.

Je fremis, il eft vrai, ta cruauté m'étonne:
Tyran à quei excès ta fureur s'abandonne ?
A quel fupplice affreux tu voudrois m'expofer?
Mais de mon fort en vain tu prétend difpofer:
Je puis brifer mes fers, & tromper ta vangeance,
Et qui brave la mort, craint peu la violence.
Tout confpire à tes vœux, à tes loix tout souscrit,
La fortune te flatte, & le deftin te rit,

Sans crainte, fans remord, tu jouis de ta proïe,
Ivre de ton bonheur, tu nages dans la joïe,
Il ne te refte enfin d'ennemis que les Dieux,
Encor paroiffent-ils avoir fermé les yeux,
Cependant tremble encor, lorsqu'on croit qu'ils
fommeillent,

Prêts à nous écrafer ces Dieux terribles veillent ; Tyran, aux haut des Cieux préfide un œil vangeur,

Qui des pas des mortels, fevere obfervateur,
Eclaire les forfaits, péfe & nombre les crimes,
Et les trouvant par tout, trouve enfin ses victimes:

Ah! fi des attentats commis par nos ayeux,

Le fang d'Agamemnon a rendu compte aux Dieux;
Crois-tu donc échaper à leur courroux funefte,
Iffu d'un fang fatal, digne Fils de Thyeste,
Ufurpateur d'un trône en butte aux traits du fort,
Qu'environne le crime, & qu'afflige la mort;
Sur ce thrône fanglant, la foudre fuspenduë,
Etincelle toûjours prête à percer la nuë;

Et du couroux du Ciel terribles monumens,
Ces lieux frappez cent fois en font encor fumans.
Tremble, & crains de ces Dieux la terrible colere,
Tremble en envisageant l'exemple de mon Pere.

EGY STE.

Va, j'ai trop affûré ma vie & mon bonheur :
Je défie à la fois les Dieux & ta fureur,
Certain de l'avenir, j'attend ma destinée,
Cependant crains les maux où je tai condamnée.
Adicu.

SCENE V I.

ELECTRE, feule.

On, de ton joug je fçaurai m'affranchir,

Tu menaces en vain & je n'ai qu'à mourir ;
Tyran pour contenter ta haine & ma colere,
Que ne puis-je à ce prix vanger auffi mon Pere.
Mais du moins contre un traître, ofons tourner mon

bras,

Qui par un coup affreux signalons mon trepas,

Je voudrois de ma vie emploïer ce qui refte,
A percer de ce fer le meurtrier d'Orefte;

Quel furcroît, Dieux cruels, à mes vives douleurs,
Ce lâche qui fembloit attendri par mes pleurs,
Qui déploroit mon fort, qui plaignoit ma mifere,
C'étoit, qui l'auroit crû l'affaffin de mon Frere,
Loin de le reconnoître à la fecrette horreur,
Qui devoit à sa vûe agiter tout mon cœur,
Trop attendrie helas! par je ne fçai quels charmes,
J'aimois prefque en fon fein à répandre mes larmes ;
Par quel art, quel pouvoir fufpendant mes fureurs,
Tout couvert de mon fang m'arrache-t-il des pleurs,
Après fon noir forfait, ô trop fenfible injure,
Eft-ce ainfi que devoit s'expliquer la nature!
Tes cendres travaillans de honte & de douleur,
N'ont-elles pas fremi cher Frere à voir ta Sœur;
Te faire après ta mort cette offenfe cruelle!
Mais pardonne mon crime à ma douleur mortelle,"
Je cherche à l'expier fans crainte & fans remords,
Ce perfide ofera s'offrir à mes transports,

J'en ferai, s'il fe peut, un noble facrifice,
Il vient feul, cachons-nous, cherchons l'inftant pro
pice.

SCENE V II.

ORESTE, feul.

'Eft trop laiffer Electre en proïe à fa douleur, cherche le moment de la tirer d'erreur,

Je

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