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ORES TE.

J'en rougis, & l'avoue à regret,

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Combattu malgré moi, par un trouble secret,
Si-près de contenter l'ardeur de mon audace,
Un chagrin inquiet m'agite & m'embaraffe,
Et mes vœux, mon couroux ma haine, mes efforts,
Les Dieux, pour m'affermir ne font pas affez forts;
D'un nuage confus ne pouvant percer l'ombre,
Je me fens accablé d'une trifteffe fombre,
A la joïe, à l'efpoir, fuccede la terreur,
Qui pourroit démêler les replis de mon cœur,
Un murmure plaintif, une voix gemiffante,
Le remplit en fecret de douleur, d'épouvante,
Ce cœur n'eft plus pour moi qu'un abîme profond
Mon aveugle raifon s'y perd & s'y confond,
Je ne fçai quelle horreur me domine & me gêne,
Je ne fçai quels liens me retiennent, m'entraînent
Mais d'un trouble inconnu l'imperieux pouvoir,
S'oppose à mon ardeur & fufpend mon devoir.

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Jufte Ciel! entends-tu ces difcours, ô mon Pere!
Et fi tu les entends jufqu'où va ta colere,
Reconnois-tu ton Fils, & ne fremis-tu pas,
De le voir qui balance à vanger ton trépas;
Je crois, je crois, te voir fur les rivages fombres
Te cacher de douleur dans la foule des ombres,
Et maudir en pleurant, un indigne étranger,
Qui fe nomme ton Fils & n'ofe te vanger,
Prête à le renoncer pour peu qu'il persevere,
Ce lâche à ce difcours ne fut jamais mon Frere;
Pamene me trompoit; ah! par un noble effort,
Hatez-vous d'appuyer la foi de fon rapport,

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Prouvez

Prouvez votre naiffance en vangeant vôtre Pere,
La gloire défavoue un fils qui dégenere.

S'il ne vous fouvient plus de l'ordre exprés des Dieux,
Avez-vous oublié ce forfait odieux?

Vôtre Pere égorgé : Dans un âge trop tendre,
Vous vîtes fes malheurs alors fans les comprendre.
Faut-il en retracer la noirceur à vos yeux.
Prince, c'eft en ce jour, c'eft en des mêmes lieux,
Que perit vôtre Pere au comble de la gloire,
Et que des trahifons s'accomplit la plus noire:
Icy fortant du bain il prit fes vêtemens,
D'un horrible attentat déteftables inftrumens.
Surpris, embarraffé dans cet affreux dédale,
Là, d'Egyfte il reçût une atteinte fatale,
A fes pieds il tomba fe débattant en vain,
Plus loin fe relevant je vis une autre main
Le renverser mourant au lieu même où vous êtes,
C'eft-là, pour affouvir leurs fureurs fatisfaites,
Que deux
coups redoublez

flanc,

› perçant encor fon

Il acheva de rendre & fon ame & fon fang.
D'un fang fucher encor ces colomnes empreintes,
Ce marbre, ce pavé, ces images font teintes ;
Ce fang, ce fang par tout fume & crie en ces lieux
Je crois toujours l'y voir ruiffeler à mes yeux;
Et fon ombre d'un fils implorant l'affistance,
Murmure autour de nous, & demande vangeance;
Ne la voyez-vous pas ainfi que je la voi,

Et pouvez-vous tarder à vanger ce grand Roi!

ORESTE.

Non, c'en eft fait, j'y cours: s'emparant de mon

ame,

Une rapide ardeur me domine & m'enflâme,

G

Tout entier entraîné par un transport soudain,
Je lens des mouvemens au-deffus de l'humain :
Va Dieu m'agite, un Dieu de fa main immortelle ̧
C'est fa main qui me preffe, & fa voix qui m'ap-
pelle,

Un Dieu guidant mes coups, un Dieu va nous vanger.

ELECTRE.

Helas! en ce peril, prêt à vous voir plonger;
Cher Prince, malgré moi, mes larmes me trahiffent,
Mon courage s'abbat, mes forces s'affoibliffent,
Faut-il vous retrouver & vous perdre en un jour !
Mais ne vous laiffez pas furprendre à mon amour;
Croyez-en ma vertu plûtôt que ma foibleffe
Et fi le fort comblant la douleur qui me preffe,
Je ne dois plus vous voir, malgré ces dures loix
Laiffez-vous embraffer pour la derniere fois.
Adieu, mon Frere: Adieu.

ORESTE.

Mort où vivant Princeffe,

Je vais d'un grand cœur meriter la tendreffe.

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ELECTRE, feule.

Elas je touche enfin à ce terrible inftant.

H Que de fujets de crainte ! & quel peril l'attend!

Ta perte, ô mon cher Frere, eft prefque inévitable Tu cours feul attaquer un tyran redoutable,

Dieux juftes, Dieux puiffans ne l'abandonnez pas,
Il fert vôtre couroux, il vous prête fon bras.
Des crimes des mortels, terribles vangereffes,
Accourez, accourez implacables Déeffes:
Toi fur tout, ô mon Pere, attentif à ma voix,
Du fort & des enfers force les dures loix ;

Fais-toi jour jufqu'à nous, fors du royaume fombre,
De ces bords redoutez j'ofe invoquer ton ombre,
Viens, tout fumant encor de fang & de couroux,
Combattre avec ton fils, & conduire fes coups.
Je me trompe, ou je vois s'ébranler ta ftatuë:
De quel trouble preffant mon ame eft combattuë!
Que fait-on, quel fang coule en ce fatal moment!
De ce feftin affreux quel eft l'évenement!

Mais, ou fuis-je il me femble entendre ouvrir la

porte!

Quel objet s'offre à moi! quelle ardeur me tranf

porte?

Eft-ce un Dieu, dont la main me défille les

yeux !

Je crois voir & je vois le feftin odieux.
Orné fatalement des dépouilles de Troye,
Une coupe à la main, yvre déja de joïe,
Le tyran aveuglé fe livre à fon deftin
Ah! tel d'Agamemnon fut le dernier festin.
La Reine à les côtez affife & triomphante,
Semble y braver des Dieux la juftice impuiffante.
Quel coup de foudre, ô Ciel ! je voi le fang couler,
Les mets voler aux pieds, le fer étinceler.
Ce jeune & fier lion que couvroit un nuage,
Rougit, fond fur fa proïe, & s'anime au carnage:
Courage Orefte, vange & ton Pere & ton Roi,
Son meurtrier pålit, la victime eft à toi.

C'eft en vain qu'il croit fuir, faifis le bras qu'il leve,
Frappe, tu l'as bleffé; redouble, il tombe, acheve.

A ce lâche affaffin perce à grands coups le flanc;
C'en eft fait, il expire, & nâge dans fon fang.
Toi qui fis reculer les noirs feftins du Pere,
Soleil preffe tes pas, tourne fur l'hemisphere,
Eclaire cet exploit, trop grand, trop glorieux,
Pour ne pas meriter ta lumiere & tes yeux.

Et vous Dieux des Enfers, que la terre s'entr'ouvre,
Que des manoirs profonds l'abîme fe découvre :
Que mon Pere en un jour fi cher à fon courroux,
Repaiffe enfin les yeux d'un fpectacle fi doux.
Que dis-je ? où fuis-je helas! trop avide esperance,
Je n'ai que trop peut-être affûré ma vangeance,
Je triomphe, & peut-être aveugle égarement,
Peut-être Orefte eft mort, ou meurt en ce moment.'

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**

SCENE

I V..

ELECTRE, CHRISOTHEMIS, ISMENE.

A

CHRYSO THEMIS.

H! ma fœur, je friffonne, & tout mon fang fe
glace,

Quel malheur nous attend, quel peril nous menace !
Le feftin troublé change en un combat affreux,
L'air au loin retentit de fanglots douloureux,
Le fang fort, le fer brille, & l'ombre accroît le
trouble,

L'horreur à chaque inftant, l'épouvante redouble

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