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Je le vois profaner ce faeré diadême,

Du fang de fon vrai Roi teint encor par lui-même : Quand je fonge à l'Hymen, plus que le meurtre affreux,

Qui tout couvert de fang les couronna tous deux,
Je ne te parle point de ma propre misere,

Fidelle à mon devoir, fidelle au fang d'un Pere,
Tu fçais trop que pour prix mes fiers perfecuteurs,
M'accablent tous les jours de nouvelles rigueurs,
Sans Parens, fans Amis, fans Cour, fans Hymenée,
Toûjours de fiel nourie & de larmes baignée,
Confumant ma jeaneffe en impuiffants regrets,
Etrangere, que dis-je Efclave en mon Falais,
En Elclave vêtue, en Efclave affervie,
Traînant avec horreur une mourante vie,
J'éprouve un fort, qui même à mes perfecuteurs,
S'ils étoient moins cruels arracheroit des pleurs.
Cependant, ô mon Pere? à ces maux peu fenfible,
Je braverois pour toi tout ce qu'ils ont d'horrible
Ta mort, ta feule mort occupant tout mon cœur
J'en jure par ton ombre, épuite ma douleur.

ISMENE.

C'eft de vos maux en vain aigrir la violence,
Des Princeffes vos Sœurs imitez la prudence,
Diffimulant leur haine, étouffant leurs foupirs

ELECTRE.

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Forbles reffentimens en de tels déplaifirs.
Ah! leurs honteux détours, leur molle complaifan-

ce,

Deshonorent le fang qui leur donna naiffance;
Ven rougis, & pourrois fuivre leur lâcheté ?
Omoa Pere, où feroient l'honneur, la pieté

Non, n'ayez plus pour moi fur le rivage fombre, Le tendre amour qu'encor m'y conserve vôtre om

bre

Si perfide aux fermens que je vous ai jurez,
Je fais un tel outrage à vos mânes facrez.
M'ofe-tu donc offrir un confeil fi coupable!
As-tu donc oublié cette nuit effroïable >

Où parmi les plaifirs, la pompe, & les feftins,
Le grand Agamemnon vit trancher fes deftins:
As-tu donc oublié cette trâme infernale,
Cet infortuné bain, cette robbe fatale ;

Le lâche Egyfte armé, mais pâle encor d'effioi,
Foulant aux pieds fon maître, affaffinant fon Roi;
De mon Pere abattu, la grande ame déçuë,
Cherchant à s'échaper par une indigne iffuë,
Ses cris mal étouffez & fon fang ruiffelant,
Sa femme l'œil farouche & l'œil étincelant,
Une hache à la main, de cette main cruelle,
Lui portant fans fremir une atteinte mortelle.
Sa femme dans fon fang ofant tremper fes mains,
Sa femme... Oh! trahifon! Oh! complots inhu

mains!

Une femme à mes yeux a maffacré mon Pere,

Et pour comble d'horreur cette femme eft ma Mere.
Impitoyables Dieux! Vous qui l'avez permis,
Du moins me deviez-vous donner des ennemis,
Que je puffe offenfer fans remord & fans crainte,
Et qu'il me fût permis de haïr fans contrainte.

ISMENE.

Ah! Madame, efperez que tôt ou tard les Dieux
Vous vangeront enfin d'un Tyran odieux,
Et que pour le punir, vous renvoyant Orefte,
Ils vous affranchiront d'un deftin & funefte.

ELECTRE.

Helas! qu'il eft heureux ; quelque foient fes mal

heurs,

Aucun objet cruel n'irrite fes douleurs :
Refpirant un air pur, éloigné de Mycênes
Des meurtriers d'un Pere il ne fent point les chaînes,
Et la vangeance en main, revenant en ces lieux,
Ce fera pour y vivre, ou mourir glorieux.
Je l'attend chaque jour, brûlant d'impatience;
Mais qu'il tarde à remplir mon avide efperance.
Il ne vient point Ifmene Envain à mon amour,
Il promet dés long-tems de hâter fon retour,
Il ne fuit pas l'ingrat fes lettres menfongeres,
Les vents ont emporté fes promeffes legeres.
En vain pour fon retour,en tout tems, en tous lieux,
Par des vœux enflâmez je fatigue les Dieux :
Il ne vient point Ifmene, & cependant ma vie
S'affoiblit, fe confume, & va m'être ravie.
Cher Frere! hâte-toi, fi tu veux voir ta fœur,
Ne lui refufe pas cette trifte douceur,

Qu'elle te voye au moins en perdant la lumiere,
Viens recevoir mon ame, & fermer ma paupiere:
Mais je l'appelle en vain, Oh! regrets fuperflus!
Peut-être en ce moment, ce cher Frere n'eft plus.
De nos Tyrans cruels la fureur homicide,
Arme des meurtriers jufques dans la Phocide;
Egyfte le redoute & met fa tête à prix,
Sa fille eft le butin au meurtrier promis,
En vain j'avois ravi ton enfance à leur rage,
Auront-ils confommé leur parricide ouvrage ?

J

SCENE

I I I.

ILECTRE, CHRYSOTHEMIS, ISMENE.

CHRYSO THEMIS.

'Ai d'importans fecrets, ma Sœur, à vous ap

prendre,

yos tranfports. . . . . . mais je crains

nous furprendre,

mais je crains, on pourroit

Sors Ifmene, & fur tout veille, obferve avec foin,
Qu'en fecret de ces lieux n'approche aucun témoin.
Que je vous plains ma fœur ! en des maux fans re-
mede,

N'appellerez-vous point la raifon à vôtre aide:
Le dangereux éclat de vos vaines douleurs,

Ne fert qu'à vous plonger en de nouveaux malheurs ;

Et me croyez-vous donc à nos maux infenfible? Ah ! je fens comme vous tout ce qu'ils ont d'horri ble;

Et je fignalerois ma haine & mon amour,
S'ils pouvoient nous vanger en paroiffant au jour.
Mais que pouroit, helas! mon aveugle impuiffance,
Foible, & feule, au deftin je cede avec prudence.
Au nom des nœuds facrez d'un fang fi précieux,
Cedez auffi, ma fœur, au tems, au fort, aux Dieux.

ELECTR E.

Lâche amour, foible haine, artifices frivoles,
Toutes vos actions démentent vos paroles:
Si vôtre Pere encor vivoit dans vôtre cœur,

Si
pour
fes meurtriers vous aviez quelque horreur
Avec eux fans remord vous verroit-t-on unie,
Mandier leur faveur, flatter leur tyrannie ?
Et non contente encor de vôtre lâcheté,
Vous voulez m'abaiffer à tant d'indignité;
Non, n'attendez de moi, ni crainte, ni molleffe;
J'aurai vêcu fans crime, & mourrai fans foibleffe;
Que tout ici prévienne ou fuive vos defirs,
Des faveurs d'un Tyran faites tous vos plaifirs,
Soyez traitée en Reine, ainfi que vôtre Mere,
Regnez, & me laiffez jouir de ma mifere.
L'objet qui la produit la rend chere à mon cœur
Comment renoncerois-je à ma jufte douleur !
D'un Tyran qu'il outrage affrontant la colere,
Autant que je le puis elle vange mon Pere.

CHRYSOTHEMIS.

Vôtre courage eft grand, mais fon aveugle ardeur;
Vous prépare fans fruit le plus cruel malheur :
Je viens vous avertir d'un deffein qu'on projette :
Craignez....

ELECTRE.
Et quoi?
CHRYSOTHEMIS.

La mort.

ELECTR E.

La mort; je la fouhaite.

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