à préfent ce que c'eft qu'une fille qui a toujours été gênée, qui eft avec vous, que vous aimez, qui ne vous hait pas, qui vous aime, qui eft franche, qui n'a jamais eu le plaifir de dire ce qu'elle penfe, qui ne pensera jamais rien de fi touchant, & voyez si je puis résister à tout cela. ERAST E. Oui, ma joie, à ce que j'entends là, va jufqu'au tranfport! mais il s'agit de nos affaires; j'ai le bonheur d'avoir un pere raisonnable, à qui je fuis auffi cher qu'il me l'eft à moi-même, & qui, j'ef pere, entrera volontiers dans nos vues, ANGÉLIQUE. Pour moi, je n'ai pas le bonheur d'avoir une mere qui lui reffemble; je ne l'en aime pourtant pas moins.. ... Madame ARGANTE, éclatant. Ah! c'en eft trop, fille indigne de ma tendreffe! ANGÉLIQUE. Ah! je fuis perdue. (Ils s'écartent tous trois.) Madame ARGANTE. Vite, Frontin, qu'on éclaire, qu'on vienne. (En difant cela, elle avance & rencontre M. Damis qu'elle faifit par le domino, & continue.) Ingrate! eft-ce-là le fruit des foins que je me fuis donnée pour vous former à la vertu? Ménager des intrigues à mon infçû ! Vous plaindre d'une éducation qui m'occupoit toute entiere! hé! bien, jeune extravagante, un Couvent, plus austere que moi, me répondra des égaremens de votre cœur. SCENE DERNIERE. La lumie e arrive avec FRONTIN, & autres Domeftiques avec des bougies. M. DAMIS démafqué, à Madame Argante & en riant. Ous voyez bien qu'on ne me recevroit pas au Couvent. voyez Madame ARGANT E. Quoi! c'est vous, Monfieur? (Et puis voyant Erafte avec fa livrée ) Et ce fripon là, que fait-il ici? M. DA MI S. Ce fripon-là, c'est mon fils, à qui, tout bien examiné, je vous confeille de donner votre fille. Madame ARGANTE. Votre fils! M. DAM I S. Lui-même. Approchez, Erafte; tout ce que j'ai entendu, vient de m'ouvrir les yeux fur l'imprudence de mes deffeins; conjurez Madame de vous être favorable: il ne tiendra pas à moi qu'Angélique ne foit votre épouse. ERASTE, fe jettant aux genoux de fon pere. Que je vous ai d'obligation, mon pere! Nous pardonnerez-vous, Madame, tout ce qui vient de fe paffer? ANGÉLIQUE embraffant les genoux de Madame Argante. Puis-je efperer d'obtenir grace? M. DA MI S. Votre fille a tort; mais elle eft vertueufe, & à votre place je croirois devoir oublier tout, & me rendre. Madame ARGANTE. Allons, Monfieur, je fuivrai vos confeils, & me conduirai comme il vous plaira. M. DA MI S. Sur ce pied-là, le divertiffement dont je prétendois vous amufer, fervira pour mon fils. (Angélique embraffe Madame Argante de joie.) |