Je ne puis plus long-tems foûtenir fa trifteffe; L'Oracle eft fatisfait, contentons ma tendreffe, J'attend Pamene ici, par lui Cleon inftruit, De fes amis fecrets doit s'affûrer fans bruit; Et leur diffimulant quel fujet les raffemble, Tous au Temple demain fe trouveront ensemble, C'eft-là qu'aux yeux du Peuple un Tyran odieux, Par un Cefte impofteur facrifiant aux Dieux, Recevra de ma main la peine de fes crimes, Et mêlera fon fang à celui des victimes; Si-prés de ce grand jour mon efprit agité, Ne peut trouver de calme, & flotte inquiété, Cent divers mouvemens dans l'ardeur qui m'enflâ-
Me troublans à la fois, tyranisent mon ame, La haine, le devoir, le couroux, la douleur, L'horreur pour un Tyran, la pitié pour ma sœur, L'amour d'un nom fameux, la foif de la vangean-
D'un fuccès perilleux l'incertaine esperance, Je fens même en fecret, je fens quelque combat, D'obfcurcir par la feinte un fi noble attentat; Et je tremble fur tout, ce qui me défefpere, De mourir fans vanger le meurtre de mon Pere Je me perd plus j'y penfe, & mon efprit troublé, Gemiffant fous le poids en eft prefque accablé, Je veux n'y plus penfer; cependant ma trifteffe L'emportant malgré moi, m'y replonge fans ceffe.
ORESTE, ELECTRE, dans le fond du Theatre.
Pprochons-nous,il rêve, & s'offre à mon cou
Traître, tu vas perir; Dieux! conduifez mes coups, Quel plaifir d'affouvir la fureur qui me guide, Et de baigner mes mains dans le sang d'un perfi le.
ORESTE, fans la voir.
O ma Sœur, chere Electre, objet de ma douleur, Helas!
ELECTRE, feule.
Que parle-t-il d'Electre, & de fa Sœur.
ORESTE, fans la voir.
Dans mon trouble, ouvrez-moi quelque route.
Troublé par fes remords, il s'égare fans doute : Qu'il periffe, frapons, & lui perçons le cœur : Reçois cette victime, Orefte, en ma douleur.
ELECTRE, ORESTE, PAMENE; PAMENE en suivant le bras d'Electre.
AH! Madame arrêtez....
ELECTR E.
Traître, qu'ofe tu faire?
PAMENE.
Ouvrez enfin les yeux,
Pour vous le conferver j'abandonnai Mycene,
Ne connoiffez-vous plus le fidele Pamene?
Je puis donc vous revoir après dix ans d'allarmes,
Je puis donc à vos pleurs mêler enfin mes larmes.
O jour tant défiré, moment trop attendu ! Qu'une fi douce vûe à ma tendreffe eft chere.
Que vous m'avez coûtez de tourmens, ô mon Fre
Mais à quel fouvenir me laiffai-je emporter, Omes juftes tranfports commencez d'éclater :: O jour mêlé pour moi, d'amertume & de joïc Cher Frere, fe peut-il enfin que je te voïe !
Quand je crois que ta mort a comblé nos malheurs; Quoi! je puis t'embraffer, te baigner de mes pleurs ; Mais, pourquoi fi long-tems m'envier ta prefence, Pourquoi tant differer à remplir ma vangeance : Enfin d'un coup mortel perçant tantôt mon cœur, Pourquoi m'abandonner à ma funefte erreur? Vous cachant à mes yeux trouvez-vous tant de char
Cruel, à voir ma peine, à jouir de mes larmes.. ORESTE.
Accufez-en des Dieux l'ordre très-rigoureux; Croyez qu'en fubiffant ces ordres douloureux Prêt à trahir cent fois mon devoir, leur défense, Mon cœur a payé cher fa funefte conftance. Helas de vos maux feuls touché dans mes mal-
Je n'afpirois toûjours qu'à vanger vos douleurs; De leur tiffu cruel la pitoïable hiftoire,
Se retraçoit fans ceffe à ma trifte memoire,
Trop foible image au prix du ce qu'ont vû mes yeux! En quel état ma Sœur, je vous trouve en ces lieux ? Quel deftin pour Electre, & quel tygre barbare A pû traiter ainfi la vertu la plus rare.
Vous pleurez: ah! mon Frere, oubliez mes mal-~ heurs,
Le plaifir de vous voir, paye enfin tous mes pleurs, Rien ne manque à mes voeux; mais que dis-je infenfée,
Par un trop jufte effroi ma joïe eft balancée; Seul & foible au milieu de vos fiers ennemis, Ah Prince à quel peril vous êtes-vous commis!
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