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ceux-là portent les corbeilles, les autres allu ment le feu & placent deffus les baffins. Tout eft en mouvement dans le palais. Egyfthe jette fur l'autel des gâteaux, en difant ces paroles: Nymphes qui habitez ces rochers, procurez-moi l'avantage de vous offrir fouvent de pareils facrifices. Continuez de bénir le deftin de Clytemneftre & le mien; lançez enfin vos malédictions fur nos ennemis. C'étoit Orefte & vous qu'il enrendoit par là. Pour mon maître, il faifoit à voix baffe des vœux contraires ; il demandoit aux Dieux de rentrer dans le royaume de fes peres. Egyfthe prend enfuite un coûteau, il coupe du poil de la victime, & le jette au feu. Lorsqu'il l'eut immolée, il s'adreffa à votre frere en ces termes; de tous les talens qu'on attribue aux Theffaliens, celui d'interroger les entrailles des victimes n'eft pas le moindre faites donc voir, ô étranger, que ce n'eft point envain qu'on le leur attribue; foutenez la réputation de votre pays. Orefte s'arme d'un coûteau, rejette fur fes épaules fon manteau, choifit Pylade pour l'aider. Il écarte par là les gardes d'Egyfthe. Il fépare les entrailles. A leur afpe&t Egyfthe lit fa deftinée; il en eft effrayé. Quel fujet de crainte avez-vous, lui dit, mon maitre ? O étrangers, je crains des embuches. De tous les mortels le fils d'Agamemnon m'eft le plus odieux, & de tous mes ennemis, c'eft le plus acharné à ma perte. Quoi, lui répondit Orefte, dans votre palais vous redoutez les embuches d'un exilé? Oreste à fon tour immole une victime, & du même coûteau il frappe Egyfthe occupé à confidérer le cœur palpitant du Taureau immolé. Egyfthe baigné dans fon fang, fe débat entre la vie & la mort. Ses gardes voyant leur maître bleffé, courent reprendre

leur picques. Orefte & Pylade fe mettent en défente; quoique feuls, leur courage balançoit la multitude. Cependant Orefte vient à bout de fe faire entendre. Je ne viens point, dit-il, faire la guerre au peuple d'Argos, ni à vous qui êtes mes fujets. Je fuis Orefte, & je viens venger la mort de mon pere. Quels reproches ne vous feriez-vous pas, fi vous immoliez le fils de votre ancien maître. A ces mots, les gardes éton nés fentent que les armes leurs tombent des mains. Un Vieillard s'avance; il reconnoit le Prince; on le couronne: on paffe de la fureur aux chants d'allegreffe. En un mot, Orefte vient lui-même apporter à fa fœur la tête non d'une Medufe,mais d'un ennemi plus odieux pour elle.

LE CHŒUR.

O Electre, abandonnez-vous à votre joye, témoignez-là par vos chants & par vos dantes. La couronne que mérite votre frere eft bien au-def fus de celle qu'on remporte fur les bords de l'Alphée. En faveur de cette éclatante victoire répondez à mes chans.

ELECTR E.

O lumiere du Soleil, ô nuit, ô terre, que j'ai 'de joye de me voir délivrée d'efclavage par la mort d'Egyfthe. Je vais chercher tout ce que j'ai de plus beau, & je reviens fur le champ couronner mon frere. Elle fort.

LE CHEUR.

Allez, couvrez-vous de vos plus beaux habits * Dans les Jeux Olympiques.

tandis que nous continuons nos danfes & nos chanfons. Cet impie n'eft plus, nos légitimes Rois vont régner en fa place. Que tous ces lieux retentiffent de nos cris de joye.

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SCENE II I.

ELECTRE ORESTE, PYLADE, LE CHOUR.

ELECTR E.

ILS du vainqueur de Troye, mon cher Orefte, quelle illuftre victoire venez-vous de remporter. Acceptez cette couronne que je vous préfente. Après un pareil exploit, qui la mérite davantage? Et vous, mon cher Pylade, recevez auffi cette couronne; elle vous eft bien due, puifque vous avez également eu part aux dangers. Puiffiez-vous être toujours heureux!

ORESTE.

Electre, adreffez d'abord vos hommages aux Dieux auteurs de cette grande victoire. Ne me regardez que comme le miniftre de leurs volontés & de la fortune. L'ufurpateur eft mort, voilà fon corps; je l'abandonne à votre fureur; donnez-le, fi vous voulez 2 en proye aux oiseaux dévorans, & aux bêtes féroces. Ce tyran qui, un peu auparavant étoit votre maître, eft maintenant votre esclave.

ELECTRE.

Je voudrois vous dire quelque chofe : mais la honte me retient.

ORESTE.

Que voulez-vous dire ? Parlez librement yous n'avez aucun fujet de crainte.

ELECTRE.

Je n'ofe maltraiter le corps du tyran ; j'appréhende l'indignation de mes concitoyens.

ORESTE.

Il n'y a perfonne assez hardi pour vous faire quelque reproche.

ELECTR E.

Nos citoyens font injuftes & capricieux.

ORESTE.

Faites de ce corps ce que vous voudrez: Auffi- bien c'eft celui d'un ennemi irréconciliable.

ELECTRE.

Je me rend. Mais par où commencer? Come ment finirai - je? Tous les matins je me contentois de répéter au-dedans de moi ce que je

*Ce Difcours s'adresse au corps d'Egyfthe.

t'aurois dit, fi je n'euffe point été retenue par la crainte. Maintenant que je m'en vois délivrée, je vais te dire librement, ce que je t ai diffimulé durant ta vie. C'est toi qui m'a perdue. C'eft toi qui m'a privée d'un pere. Que t'avois-je donc fait? Lâche que tu es, tu n'ofas point aller au fiége de Troye, & tu eus l'audace de tuer ce chef de tant de Rois, pour pouvoir jouir librement de tes criminelles amours. Infenfé! pouvois-tu te flatter que ma mere te garda fa foi, à toi qui faifois un fi fenfible outrage à mon pere. Un homme eft bien aveugle quand il s'imagine qu'une femme qu'il a féduite lui gardera la fidélité conjugale qu'elle n'a point gardée à fon premier époux. Tu étois au fond malheureux, malgré les dehors trompeurs d'une félicité apparente. Tu fçavois que dans la perfonne de ma mere tu avois une époufe à qui les crimes ne coutoient rien, dès qu'il s'agiffoit de l'intérêt, ou des plaifirs. Elle de fon côté, n'ignoroit pas ta fcélerateffe. Tous deux Vous avez vêcu dans le crime, vous ferez auffi punis tous deux. Tu portes maintenant la peine de fes crimes; & elle portera bien-tôt celle des tiens. N'entendois tu pas les Argiens fe dire mutuel lement, cet homme a la lâcheté d'obéir à une femme, & cette femme ofe commander à fon époux. Quelle honte pour une maison où une femme donne la loi ! Que je hais ces enfans qui n'ofant porter le nom de leur pere, prennent cel ui de leur mere ! C'est cependant ce qui arrive toutes les fois qu'un homme épouse une femme, fort au-deffus de lui. C'eft ce que tu ignorois, mais tu as été fruftré de tes espérances. Au milieu de tes richeffes, tu te croyois puiffant & heureux, & tu ne t'appercevois pas que cette puiffance est un bien fragile, & que ce bonheur paffe en un

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