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Catulle et Martial; mais, quoiqu'au rapport

de Boileau

Le latin dans les mots brave l'honnêteté,

ils ont poussé trop loin cette licence. Le genre de ces deux poètes est bien distinct: le premier eut en finesse ce que l'autre eut en force. Le talent de Catulle est plus souple, celui de Martial plus ferme : c'est le Juvénal de l'épigramme. Quelques épigrammes latines sont exemptes du défaut que nous venons de reprocher à la plupart. En voici une d'Ausone, dont le sujet est un jeune garçon et une jeune fille, chacun privé d'un œil. On s'adresse au jeune garçon: Lumine Acon dextro, capta est Leonida sinistro;

Et poterat formá vincere uterque deos: Parve puer, lumen quod habes concede puellæ, Sic tu cæcus Amor, sic erit illa Venus. En voici l'imitation par Dorat:

L'œil droit manque à Dorine, et le gauche à Cydnus;
Tous deux ont en partage une beauté céleste:

A ta sœur, bel enfant, cède l'œil qui te reste;
Tu vas être l'Amour, elle sera Vénus.

Cette épigramme ancienne serait encore un très-joli madrigal moderne; cependant il est à remarquer que les Latins, en s'écartant de la simplicité et de la décence des Grecs, déterminèrent l'épigramme vers la méchanceté; ils en firent souvent une satire abrégée et personnelle; enfin ils la détournèrent de son but primitif, et l'adaptèrent quelquefois à un genre auquel nous l'avons depuis exclusivement consacrée.

De toutes les nations, la nôtre est celle qui perfectionna le plus cette production de l'esprit. Les Français devaient nécessairement y réussir ce genre de poésie est de leur essence; la plaisanterie est un besoin pour eux : ce besoin enfante les bons mots, et les bons mots les bonnes épi

grammes.

On ne peut guère dater la naissance de l'épigramme parmi nous que de Marot. A travers un grand nombre de ces pièces, dignes de la cour de François Ier, on en distingue cependant de fines et d'ingé

nieuses. Nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'en rapporter quelques-unes remarquables par l'agrément des idées et, à quelques expressions près, par une sorte de pureté de style étonnante pour l'âge où il écrivait. On retrouvera dans la suivante la douceur et la mollesse des Grecs, ses modèles: Plus ne suis ce que j'ai été, Et ne le saurai jamais être ; Mon beau printems et mon été Ont fait le saut par la fenêtre. Amour! tu as été mon maître, Je t'ai servi sur tous les dieux. Oh! si l'on pouvait deux fois naître, Comme je te servirais mieux!

Voici celle où il célèbre le doux Nenni,

qui lui plaît tant.

Un doux nenni avec un doux sourire

Est tant honnête! il vous le faut apprendre.
Quant est d'oui, si veniez à le dire,
D'avoir trop dit je voudrais vous reprendre.
Non que je sois ennuyé d'entreprendre
D'avoir le fruit dont le desir me point;
Mais je voudrais qu'en me le laissant prendre
Vous me disiez : non, tu ne l'auras point.

Cette épigramme est un chef-d'œuvre de naïveté. Les deux vers qui en forment la chûte sont pleins d'élégance et de grâce. Quoi de plus anacréontique que la suivante? Amour trouva celle qui m'est amère,

Et j'y étais, j'en sais très-bien le conte:
Bonjour, dit-il; bonjour, Vénus, ma mère...
Puis tout à coup il voit qu'il se mécompte,
Dont la rougeur au visage lui monte,
D'avoir failli honteux, Dieu sait combien!
Non, non, Amour, ce dis-je, n'ayez honte;
Plus clairvoyans que vous s'y trompent bien.

On a imité depuis cette épigramme : nous la présentons au lecteur pour le mettre à portée de juger la différence.

L'autre jour l'enfant de Cythère,
Sous une treille à demi-gris,
Disait en parlant à sa mère:
Je bois à toi, ma chère Iris.
Vénus le regarde en colère.

Maman, calmez votre courroux;
Si je vous prends pour ma bergère,
J'ai pris cent fois Iris pour vous.

Ces vers sont bien tournés, mais on

y remarque plus d'apprêt que dans Marot. L'antithèse qui termine cette imitation est loin de valoir :

Plus clairvoyans que vous s'y trompent bien.

Saint-Gelais, Gombaud, Charleval, Cailly (ou d'Aceilly), Pavillon et beaucoup d'autres, firent aussi des épigrammes que l'on aime encore à citer. A mesure que l'épigramme s'éloigna de son berceau, ses progrès devinrent plus sensibles. Bientôt le trait vif et piquant s'aiguisa sous les mains de Boileau, de J.-B. Rousseau, et du trop énergique Piron. Parmi les excellens épigrammatistes, on ne doit pas oublier un auteur dont le talent paraissait le plus opposé à ce genre d'écrire: en effet, il est peu d'épigrammes plus acérées que celles du tendre Racine.

Il nous reste à donner une idée des principales qualités qui constituent l'épigramme.

Elle doit être simple, courte et vive. Elle a, comme un grand ouvrage, l'exposition, l'action, le dénouement. L'exposition doit Tome III.

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