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gramme. Essayez dans la société un trait piquant, ou un mot flatteur; s'il produit généralement l'effet que vous en attendez, vous aurez fait une bonne épigramme, ou un joli madrigal.

Il rejette surtout l'affectation et le jeu de mots trop soigneusement recherchés; il admet cependant quelquefois ce dernier lorsqu'il se présente naturellement; par exemple, dans le suivant:

A madame Rossignol.

Le nom de Rossignol vous convient à merveille,
Jeune objet qui charmez mes yeux et mon oreille;
Vous avez le gosier qu'il possède aujourd'hui,
Et les charmes qu'avait autrefois Philomèle.
Qui vous entend croit que c'est lui,
Et qui vous voit croit que c'est elle.

L'abbé LATTAIGNANT.

Le mérite ne consiste pas seulement dans la pensée, mais encore dans la manière de l'exprimer. Le mot le plus heureux, délayé dans des vers lâches et sans grâce, ne fera aucune impression, tandis qu'un tour aimable

rajeunira une pensée ordinaire. Le mélange harmonieux des rimes et des mesures donne un nouveau prix au madrigal. On ne peut dicter de préceptes à ce sujet ; l'oreille et le goût sont les seuls maîtres que l'on doive consulter.

Les anciens ne connaissaient d'autre madrigal que leur épigramme. Elle renfermait presque toujours (comme nous l'avons fait remarquer dans l'avant-propos sur l'épigramme) un sentiinent ou une image fraîche et riante.

Les premiers madrigaux qui furent faits en France manquèrent de finesse et de précision. On nommait ainsi quelques vers renfermant une pensée amoureuse, présentée avec lenteur, avec embarras, où la même idée, répandue sur tout l'ouvrage, ne laissait aucune différence entre les premiers vers et les derniers.

Marot, que, malgré ses expressions et ses tours vieillis, on citera toujours pour modèle, nous a laissé, mais en trop petit nombre, de très-jolis madrigaux, sans les désigner

autrement que sous le titre générique d'épigrammes. En voici un exemple :

Puisque de vous je n'ai autre visage,
Je vais me rendre hermite en un désert
Pour prier Dieu. Si un autre vous sert,
Qu'ainsi que moi en votre honneur soit sage.
Adieu, amour; adieu, gentil corsage;
Adieu ce teint; adieu ces friands yeux:
Je n'ai pas eu de vous grand avantage;
Un moins amant aura peut-être mieux.

Peut-on joindre plus de charme à plus de naïveté ? Les deux derniers vers renferment un sentiment exquis. \

Le madrigal, en arrivant jusqu'à nous a subi le changement qui s'est généralement opéré dans tous les genres de poésies. Il est devenu plus souple, plus délié, mais peutêtre aussi plus frivole, et portant plus sur les mots que sur la pensée.

Nous ne citerons pas les poètes français qui se sont distingués dans ce genre aimable; ils sont en grand nombre. Le madrigal est aussi français que l'épigramme et la chanson. Nous désignerons, par exemple, Voltaire,

qui n'eut point d'égal dans la poésie légère, et qui réussit surtout dans le madrigal. Il suffira de citer ceux-ci :

Toujours un peu de vérité

Se mêle au plus grossier mensonge.
Cette nuit, dans l'erreur d'un songe,
Au rang des rois j'étais monté ;

Je vous aimais, et j'osais vous le dire...
Les dieux à mon réveil ne m'ont pas tout ôté;
Je n'ai perdu que mon empire.

A une Dame qui le prêchait sur la Trinité.

Oui, j'en conviens, chez moi la Trinité
Jusqu'à ce jour n'avait pas fait fortune:
Mais j'aperçois les trois Grâces en une ;
Vous confondez mon incrédulité.

Après avoir cité Voltaire, s'il était permis de parler de Pradon, nous ne pourrions résister au plaisir de transcrire son madrigal à une dame qui lui écrivait des lettres trop spirituelles.

Vous n'écrivez que pour écrire;
C'est pour vous un amusement:
Moi, qui vous aime tendrement,
Je n'écris que pour vous le dire,

Ces vers sont charmans : ils feraient desirer que l'auteur eût fait quelques madrigaux semblables de plus, et quelques tragédies de moins.

Nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet avant-propos qu'en citant un madrigal qui réunit le mérite des vers à celui de la pensée. C'est un roi de la féve qui parle. Eglé, je te fais souveraine.

Au sort je dois ma royauté;

Tu dois la tienne à ta beauté:

Le destin m'a fait roi, l'amour seul te fait reine.
Demain je ne serai plus roi ;

Demain tu seras toujours belle.
Amour! fais que demain elle fasse pour moi
Ce qu'aujourd'hui je fais pour elle.

Ces vers ingénieux et peu connus sont du petit père André, prédicateur renommé pour son esprit et son originalité. On ne lit plus guère ses sermons; mais son madrigal est resté, et peut, dans tous les tems, offrir un modèle de goût et de délicatesse.

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